Littérature

– LES MVEMBA Épisode 34 : La vraie face

– LES MVEMBA

Épisode 34 : La vraie face

_______Melvice Eboutou_______

Ce que je ressens derrière ce voile blanc transparent, je ne pourrais le décrire. Toutes ces personnes rassemblées autour de moi qui ont leurs regards braqués sur la personne que je suis, sur la femme que je suis… Quand j’imagine que dans quelques minutes je n’aurai plus mon nom, mais celui de l’homme avec qui je vais passer le restant de mes jours, j’ai comme des caillaises qui me rendent la pense lourde.

Il s’est retourné vers moi, son regard dit tout ! Il est amoureux. Marcien n’est pas un comédien, surtout pas quand il s’agit d’exprimer ses sentiments. Mais en ce moment même, je peux voir Dan lui tenir l’épaule pour l’empêcher de laisser ses émotions avoir raison de lui. À chaque pas, je prends une grande inspiration… À chaque pas, je m’approche vers une nouvelle étape de ma vie de femme. Qui aurait cru ?

Tu es magnifique Melvice.

C’est mon père qui me complimente, certainement pour absorber un peu le stress qui m’envahit. Je lui souris chaleureusement en serrant contre moi son bras qui me tient pour avancer. Il m’accompagne vers mon mari, comme il est de coutume chez nous.

Dans la foule, je regarde et je vois ma mère qui essuie une larme sur sa joue et me regarde en hochant la tête, elle murmure une parole que je n’écoute pas, mais ça doit certainement être « je suis fière de toi chéri »

Enfin, nous arrivons. Marcien me sourit encore, j’en fais autant derrière mon voile.

Prêtre : Quand j’avais votre âge, je réfléchissais comment faire pour rester chaste encore plus d’années de ma vie, mais vous voilà tous les deux prêts à consommer votre mariage… Mais en même temps, il nous faut des petits bébés pour peupler le monde.

Tout le monde rit.

Instantanément, le prêtre vire au grave et nous regarde tous les deux. Prenant un livre sacré, il commence la lecture des saintes écritures.

… Pendant ce temps dans la foule, le téléphone de Brice vibre depuis un certain moment et c’est à cet instant qu’il remarque. Un numéro inconnu s’affiche ; ce dernier hésite avant de se lever, rassurer Emy qui le regarde, avant de percer la foule pour se rendre à l’extérieur.

Brice : Allô ? Qui est-ce ?

Brice Ekambi ?

Brice : Oui, c’est bien moi. En quoi puis-je vous être utile ?

Ici le poste de police. Le Dr Akono a tenu à vous parler de quelque chose qu’il taxe d’important avant d’être déféré.

Brice : Ça va devoir attendre, je suis en pleine cérémonie de noces de mon frère et c’est un moment qu’on ne doit boycotter sous aucun prétexte.

En fait il nous a parlé en nous disant que c’est par rapport à son journal, le calepin que vous avez en votre possession. Il prétend qu’il y a des choses concernant votre mère que vous devez savoir.

Brice sans voix, reste comme choqué par cette information inopinée. Pour s’assurer que personne ne le surveille, il regarde tout autour de lui avant de renchérir.

Brice : Il vous a donné plus de détails ?

Justement non. Et c’est la raison pour laquelle nous vous faisons appel. Écoutez Mr Ekambi… J’ignore ce qu’il a à vous dire, mais vous semblez savoir l’importance de sa déclaration.

Brice : D’accord, j’arrive dans un instant.

Après avoir raccroché, Brice se rend dans la salle de mariage, se penche à l’oreille d’Emy et chuchote :

Brice : Écoute, j’ai une urgence chérie… J’en ai pour au trop une heure. Tu vas me faire le topo de la cérémonie d’accord !?

Emy inquiète : Où tu vas ? Tu sais qu’en ce moment il n’y a rien de plus important que le mariage de ton frère ?

Brice : Crois-moi, ce que j’ai à faire est plus important… C’est la raison pour laquelle je veux que tu couvres mes arrières en donnant une raison aux autres pour mon départ. De toutes les façons, ils ne vont même pas remarquer.

Emy : Tu parles, dire que c’est toi l’ambianceur… Bref, reviens vite bébé. Sans toi, là, je vais me sentir très mal à l’aise ici.

Brice : D’accord. À bientôt alors…

Sans qu’il ne l’ait remarqué, depuis un bout de temps, Brice se fait surveiller ou plutôt observer par Édith qui ne le quitte pas du regard.

En quittant la salle de noces, elle le suit à l’extérieur en pressant le pas.

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Édith : Brice !!!

Brice se tourne et en voyant sa sœur, il maugrée pour exprimer son indignation.

Brice : Qu’est-ce que tu fous là ?? Tu n’étais pas censé être dedans ??

Édith : Si si. Mais je t’ai vu tout à l’heure sortir répondre à un appel et ensuite venir t’excuser auprès d’Emy avant de t’en aller. Tout ça m’a paru un peu louche… Qu’est-ce qui se trame en ce moment ?

Brice en l’esquivant du regard : Rien du tout.

Édith : Ekambi, tu ne sais pas mentir et je te conseille de me dire la vérité… Parce que si je la trouve par moi-même, tu vas le regretter.

Brice : D’accord !! C’est Akono qui a demandé à me voir…

Édith : À te voir ?? Mais il n’est pas en prison celui-là ?

Brice : Si si. Mais apparemment, il y a un truc important qu’il a à me dire… Concernant… Bref !!

Édith : Concernant quoi ? Brice depuis j’ai l’impression que tu me caches quelque chose. C’est par rapport à ce fameux journal que tu avais découvert ??

Brice : Non… Non, ce n’est pas ça. C’est autre chose sans doute. Mais il faut que j’y aille. J’ai dit à Emy que je serai là dans une heure de temps.

Édith : Éh bien, je viens avec toi.

Brice avec véhémence : N’y pense même pas !! Tu vas retourner à l’intérieur et continuer à assister au mariage.

Édith : Oh petit !! Déjà, tu dois savoir que cette affaire nous concerne… Et si elle est résolue, ça sera pour le bien de toute notre famille. Donc arrête ton brouhaha et commande un taxi deux places.

Brice ne dit rien et reste immobile. Édith le bouscule et le traverse.

Édith : Je vais moi-même commander le taxi. Ou c’est mieux de prendre la voiture de Dan… Je crois que c’est la meilleure option.

Ils s’en vont quand Mme Mvemba sort de sa cachette où elle les épiait et les regarde s’éloigner.

Mme Mvemba : Donc c’est vous… Ce n’est pas grave.

… Vingt minutes plus tard.

Ils arrivent au poste de police. Brice n’a même pas le temps de demander à Édith d’attendre dans la voiture avant que cette dernière ne sorte pour se précipiter au poste.

Policier : Je peux vous aider ??

Brice : Eu.. en fait, c’est moi, Brice Ekambi. Vous m’avez fait appel concernant Le Docteur Akono.

Le policier toise Édith avant de répondre : D’accord. Je m’en vais chercher le commissaire… Asseyez-vous là en attendant.

Il s’en va.

Édith : L’autre-là me regarde comme si je le poursuivais dans ses rêves comme ça que je lui dois quoi ? Les gens sont bizarres ein !?

Brice : Si tu fermais un peu plus ta bouche, les choses seraient plus faciles. C’est quoi ton problème à la fin ?

Mr Ekambi !! Ravie, que vous soyez là…

Les deux sursautent en se levant, voyant le commissaire qu’ils n’avaient pas vu venir.

Brice : Chef il y a un souci ?

Le Docteur vous attend dans sa cellule. Mais elle, elle reste ici.

Edith s’étonne : Mais je suis…

Ce n’était pas une demande, j’ai demandé à faire venir une seule personne… Vous pouvez attendre ici qu’il vienne.

Satisfait, Brice hausse les épaules pour s’innocenter face à sa sœur avant de disparaître dans la pièce d’en face avec le commissaire.

Une fois devant cette cellule humide, on lui ouvre la porte… Il entre et trouve le Docteur assis à même le sol derrière de gros barreaux qui l’emprisonnent. Un peu terrorisé, Brice regarde derrière lui pour s’assurer qu’on ne lui ferme pas la porte.

Dr Akono en rigolant : Tu es claustrophobe ??

Brice : Qu’est-ce que tu veux ?

Le Dr Akono l’analyse du regard pendant un bon moment.

Dr Akono : C’était donc toi la voix derrière le téléphone, tu ressembles tellement à ta mère… Mais bon ce n’est pas la raison pour laquelle tu es là non !? Apparemment, tu as un mariage à terminer. C’est drôle parce que pendant que certains se réjouissent (il rit.) d’autres vivent leurs pires moments. Assieds-toi Brice.

Brice : Je préfère rester debout, je suis plus à l’aise comme ça.

Dr Akono : Comme tu voudras. Tu as toujours le journal ?

Brice : Oui.

Dr Akono : Je ne sais pas si je sortirai ici vivant alors je préfère t’éclairer sur quelques points. Non pas pour discréditer ton père, mais pour te faire comprendre que ta mère n’est pas la plus méchante dans cette histoire. Mais plutôt une victime dépressive et assoiffée de vengeance.

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Brice : Ça n’a aucun sens.

Dr Akono : Éh bien, on verra bien… Est-ce que tes parents t’ont parlé de tes frères décédés avant ta naissance ??

Brice : Non.

Dr Akono : Quand tes parents ont accouché Marcien, naturellement, ils cherchaient un autre bébé… Mais au lieu de cela, ta mère a enchaîné trois fausses-couches pour des raisons incompréhensibles. On soupçonnait une prise intense de certains comprimés ayant eu sur elle des effets secondaires, mais il n’en était pas le cas. En fait, il s’agissait plus d’un paramètre mystique… Mais à l’époque, ta mère, la pauvre ignorante n’en savait rien, elle était jeune et amoureuse, prête à tout pour garder son foyer. Mais après la perte tragique de ses trois bébés, elle n’était plus la même. Elle avait fondu dans un état critique de dépression au point où elle n’avait plus toutes ses capacités mentales… Mais ça aussi n’avait rien de naturel. À cette époque-là, Mme Eboutou était amoureuse de ton père et son mari pour elle n’avait plus de valeur. Elle était prête à tout pour l’avoir dans son lit et pire, avoir un bébé de lui… Mais il fallait évincer la menace, c’est-à-dire ta mère. Ton père mit donc enceinte toutes les deux femmes à la même période. Et à l’accouchement, il fallait un seul bébé. Mme Mvemba n’était pas en santé mentale, donc ça ne devait pas être tellement difficile de remplacé son bébé mort-né par celui de Mme Eboutou Puisque miraculeusement elles accouchaient au même moment.

Brice : Attends !! Tout ça n’a aucun sens… Et Mr Eboutou dans tout ça ? Il n’était pas au courant de la manigance ??

Dr Akono sourit : petit, il y a des détails que tu devras trouver toi-même par ta propre réflexion et aussi par l’évolution du temps… Parce que tôt ou tard, la vérité va sortir.

Ils prennent un petit moment sans mot avant que le Docteur ne poursuive…

Dr Akono : Ta mère n’était au courant de rien. Mme Eboutou ne pouvait pas abriter cet enfant chez-elle au risque qu’il soit tué comme l’avait menacé son mari. Il fallait donc qu’il grandisse chez vous… Qu’il devienne un Mvemba et que cette situation se taise. Mais malheureusement par un coup de vent, il n’y a que quelque temps que ta mère a découvert la vérité en faisant des rapprochements… Écoute-moi bien !! Que tu le comprennes ou pas, je veux que tu saches que ta mère n’est pas méchante, elle est juste perdue et traumatisée, ce dont elle a besoin, c’est de soutien, de compréhension… Nous avons tous un côté schizophrène. Je crois qu’elle rentre encore dans sa crise de bipolarité et le pire, c’est qu’elle n’est même pas consciente de ça. On l’a utilisé dans ses moments de faiblesse et à présent, tout le monde est contre elle.

Brice : Et toi… J’ai vu ce que tu as écrit dans ton journal concernant la fille de ma mère. Tu te confessais d’un péché impardonnable que tu as commis en 2001, et c’est pour cette raison que tu n’as pas le choix que de te laisser faire chanter par ma mère. Quel est ce péché impardonnable ? De quelle fille tu parles ?

Le Docteur Akono lève la tête et regarde Brice.

Dr Akono : J’étais jeune, curieux et fougueux… Elle était belle, intelligente, mais ce n’était qu’une petite fille qui semblait savoir ce qu’elle faisait.

Brice gronde : De qui tu parles nom de Dieu !!!

Dr Akono : Abessolo

Brice ouvre les yeux : Éd… Édith ?? Tu as violé ma…

Comme un éclair, Brice bondit sur les barreaux et tire violemment le Docteur qu’il commence à rouer de coups en criant !!! Le policier alerté accourt et le tire par-derrière avec énergie.

Brice dégoulinant de sueur, regarde avec courroux celui qu’il voit désormais comme un animal dans la cage.

Policier : Ça suffit… La visite est terminée.

Brice : Tu mérites d’être mort !! Tu le mérites…

Dr Akono en pleurant : Je sais, je le suis déjà de toutes façons…

Le policier laisse Brice au couloir. En le voyant, Édith se lève et se précipite vers lui.

Édith : Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi tu es comme ça ?? Brice !! Parle-moi.

Brice : allons-nous-en d’ici… Ça pue la mort.

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