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SPOLIATION : Une mafia d’Etat nommée ‘‘Immeuble Ekang’’

Pour ériger son building à Ekoudou-hôtel Aurore, Jean Pierre Amougou Belinga a entraîné dans le faux le DCC Mvondo Ayolo, le Mindcaf Eyebe Ayissi, l’ex-délégué du gouvernement Tsimi Evouna, le maire de la ville Messi Atangana et bien d’autres hauts responsables. Les victimes de ce scandaleux accaparement foncier crient justice. Le retour de manivelle risque d’être violent.

Jean Pierre Amougou Belinga (PDG du groupe l’Anecdote), Gilbert Tsimi Evouna (Pdt Conseil régional du Centre), Luc Messi Atangana (Maire de la ville de Yaoundé), Henri Eyebe Ayissi (Mincaf), Samuel Mvondo Ayolo (DCC).

La tonne de documents à charge, compilés par ordre chronologique dans un aide-mémoire en circulation depuis la fin de la semaine dernière, ne laisse aucun doute quant au bon droit de la famille Ndingue à revendiquer la propriété de la parcelle querellée au lieu-dit « Carrefour Aurore ». Intitulé « Immeuble Ekang : les dessous d’un rocambolesque hold-up foncier en plein cœur de Yaoundé, capitale de la République du Cameroun », le document entreprend de démonter le scénario mafieux ayant conduit à la pseudo – acquisition dudit terrain par Jean Pierre Amougou Belinga.

Cette machine à remonter le temps met au grand jour des pratiques domaniales nauséeuses. Des noms de personnalités qu’on croyait au-dessus de tout soupçon, y compris dans l’entourage direct du président Paul Biya, se retrouvent trempées jusqu’au cou dans les techniques d’accaparement. Sollicitant en dernier ressort l’intervention du président de la République dans ce dossier qui pue le souffre, la descendance Ndingue exige le déguerpissement immédiat, tout en s’acquittant d’une indemnité mensuelle d’occupation de l’ordre de 500.000 francs à compter de fin mars 2018, de sa parcelle d’environ 500 m2 par la société immobilière Starline dont M. Amougou Belinga est le promoteur.

S’agissant de la Communauté urbaine entretemps devenue Marie de ville, elle est priée de reverser aux ayants-droits la totalité des recettes indument encaissées au titre des droits de parking sur cet espace. D’autres revendications de la famille portent sur le paiement par la municipalité de lourds dommages pour destruction abusive de biens, la réhabilitation de l’hôtel Aurore ou encore des poursuites judiciaires et des sanctions exemplaires contre toute la chaîne « de cette honteuse malversation » foncière.

Cadeau immobilier

Ce qu’il est désormais convenu d’appeler « affaire Immeuble Ekang » prend sa source en 1953, sous la forme d’un titre foncier (n°248/Mfoundi) attribué à Jean Ndingue sur une superficie de 1534m2. L’homme y fait pousser un hôtel, considéré comme le premier établissement de tourisme de la capitale camerounaise. Un lot voisin, sous le titre foncier n°549/Mfoundi pour 559m2, viendra s’ajouter trois ans plus tard au domaine de M. Ndingue, lui permettant ainsi d’étendre son hôtel.

Les premiers problèmes apparaissent en août 2008, lorsque la Communauté urbaine engage sans préavis la démolition de l’hôtel Aurore, ainsi que d’autres constructions mitoyennes pourtant nanties de titres fonciers. Une rumeur, non étayée par un acte administratif, évoque une « cause d’utilité publique ». Puis y pousse un parking payant sur une partie du lotissement, malgré les protestations des propriétaires légitimes des lopins. Deux années plus tard, c’est la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater) qui entre en scène.

La société publique de l’eau potable, qui ambitionne de déplacer sa direction générale de la métropole économique, Douala, met 235 millions de francs dans l’affaire pour se voir attribuer 4700m2 sur le site dont le vrai nom est Ekoudou. Mais l’acquéreur, mis au parfum du caractère litigieux de la parcelle, finit par se rétracter et exige d’être remboursé. Pris à la gorge, l’Hôtel de ville intéresse Starline, dont le nom apparaît pour la première fois dans les transactions en juillet 2018. Jean Pierre Amougou Belinga met 305 millions de francs au pot et obtient, dans la foulée une concession provisoire sur 4700m2.

Un véritable cadeau, lorsqu’on imagine le prix du mètre carré dans cette zone située dans l’emprise du centre-ville. La tâche lui est d’ailleurs facilitée par celui qu’il nomme affectueusement « mon grand-frère, mon père », le délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine, Gilbert Tsimi Evouna, qui prétend lui céder un « lotissement communal ». C’est le même qui, le 30 août 2022 et dans sa nouvelle posture de président du conseil régional du Centre, a visité le nouveau building de 9 niveaux appartenant en toute propriété à M. Amougou Belinga.

Les deux larrons en foire se gardent bien de signaler ces mutations mafieuses aux services compétents du ministère du Cadastre et des Affaires foncières (Mincaf). Entre 2013 et 2019, la succession Ndingue se fera naturellement délivrer des certificats de propriété par les démembrements de ce département. Elle saisira également le patron dudit ministère, qui à son tour instruira le préfet du département du Mfoundi de tirer la situation au clair.

Boulimie foncière 

Mais le très vaniteux Amougou Belinga n’est pas homme à s’embarrasser de diplomatie lorsqu’il s’engage dans une affaire. Il n’attendra pas l’aboutissement des enquêtes, bien au contraire. Un matin de mars 2019, il débarque sur le site avec une escouade d’agents de la police et autres gros bras. On frise l’émeute. Tout au plus, le président-directeur général du groupe l’Anecdote cède sur une partie du lotissement querellé, l’autre partie étant rapidement cernée par une clôture. « Se fait-on accompagner par des policiers pour occuper un terrain acquis légalement ? » pouffe la succession Ndingue.

Face à leur activisme débordant, devant la multiplication des correspondances aux hautes autorités de la République, la famille Ndingue est conviée à une réunion de conciliation en fin mai 2019 au Mindcaf. Elle étale ses titres de propriété sur la table, pendant que ses adversaires brandissent un arrêté d’attribution en concession provisoire sur un lotissement communal. La surprise des responsables du Mincaf est totale, face à une démarche n’obéissant à aucune disposition légale ou règlementaire.

A Jean Pierre Amougou Belinga, qui apprend alors qu’il ne peut se faire établir de titre foncier sur un domaine en possédant déjà, il est fermement conseillé de se rapprocher de la famille Ndingue. Notre milliardaire fera semblant de se plier à cette voix de sagesse, et propose 30 modestes millions de francs aux propriétaires légitimes des 2093m du lotissement à problèmes d’Ekoudou. « Malgré tous les éléments probants qui attestent de notre propriété sur le site, nous sommes surpris de constater que ces compatriotes atteints de boulimie foncière s’entêtent à nous déposséder de nos terrains à travers des actes incohérents et illégaux », s’insurge la famille Ndingue.

Car le patron du Mincaf, Henri Eyebe Ayissi, est lui aussi entré dans la danse. En fin mai dernier, il signe de sa propre main un arrêté portant attribution en concession définitive de 5709m2 sur le lotissement querellé à une certaine Mvondo Katleen Laeticia. Cette dernière, selon des sources introduites, se trouve être la fille de l’actuel ministre-directeur du cabinet civil de la présidence de la République, Samuel Mvondo Ayolo. M. Amougou Belinga réussit ainsi l’exploit de posséder un lot dans le titre foncier attribué à Mme Mvondo Katleen Laeticia. Ça pue la concussion et le trafic d’influence. Procès pendant Et ce n’est pas tout.

Le 7 juin suivant c’est cette fois le maire de la Ville, Luc Messi Atangana, ignorant royalement le procès pendant devant le tribunal administratif, qui a attribué en pleine propriété un lot de 4700m2, dans la même zone qui passe par ailleurs de « lotissement communal » à « zone de recasement » à Starline de Jean Pierre Amougou Belinga. Dans un cas comme dans l’autre, devrait-on le rappeler, ces espaces relèvent du domaine privé de particuliers et sont réputés incessibles à des tiers.

Plusieurs observateurs attendent avec impatience le dénouement de ce dossier à tiroirs qui mouille plusieurs hautes autorités de la République, face à la détermination des propriétaires légitimes du lotissement d’Ekoudou à se voir rétablis dans leurs droits. Et ici les milliards, titres et fonctions risquent de ne pas suffire pour les faire plier.

Arthur L. Mbye

Source : Tri-hebdomadaire REPÈRES, parution du lundi 19 septembre 2022

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