CHRONIQUE LITTÉRAIRE
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LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 02

___________ Gérôme_________

Il fait tellement chaud, même si on finit par s’y habituer à la longue ça devient pénible. Je n’ai qu’un t-shirt bien assez léger pour évacuer toute cette chaleur insupportable. En plus du bruit des mouches, l’odeur nauséabonde de la viande crue et presque putride me torture l’odorat.

Ça fait déjà quatre jours que Jodelle est arrivé à la maison, jusqu’ici elle n’a pas réussi à retrouver le sourire et plus grave encore elle ne mange presque rien ; ça m’inquiète. J’ai donc décidé d’appeler ma mère pour lui en parler et cette dernière m’a demandé de la retrouver au marché où elle fait son étalage pour qu’on en discute. Ça faisait quand même un moment que je n’étais pas passé ici, surtout à cause des odeurs que je ne supporte pas.

Gérôme tu vis?

Je souris : Mère Dorcas, comment tu vas ?

Toujours en vie mon petit, mais tu nous a tellement manqué. Je pensais que tu avais traversé et que ta mère ne voulait juste pas nous le dire.

Moi : Ekieh !! Je traverse et vous n’êtes pas au courant comment non!? Il y a quand même certaines malchance à éviter.

Là tu as raison, c’est ta mère que tu cherches ?

Moi : Eeu… Oui justement et apparemment elle n’est pas là à ce que je vois.

Ah Oui, elle est allé acheter le koki pour le repas du midi, elle sera là d’un moment à l’autre. Donc tu peux attendre.

Moi: D’accord.

Alors fiston, comment va l’école ? Cette année tu fais ta licence non!? Ou c’est le master ?

Moi : Non mère, c’est la licence.

Hum, vous là en même temps avec l’école on en finit jamais. D’abord c’était le baccalauréat mais maintenant on n’en termine plus.

Voilà justement ce genre de conflit d’opposition aussi que je tenais à éviter en venant ici. Ces femmes toujours à vouloir imposer leur opinion aux autres, comme si j’étais encore le petit Pepito de l’autre fois… Vivement que ma vienne le plutôt, parce que là vraiment… Dieu merci, elle arrive.

Maman : Pepito? Je croyais que tu n’allais plus venir. Pourquoi tu as traîné comme ça gaillard ?

Moi : Désolé, c’est juste que j’avais un cours avant de venir ici.

Maman : Tu as salué ta mère ??

Oui, ne t’inquiètes pas il l’a fait. Même si Pepito ne vient pas régulièrement nous rendre visite, il a encore au moins un peu de sens des bonnes manières.

Maman : Très bien, alors allons-y. Je crois qu’on a des choses à se dire.

Nous arrivons sur son comptoir, l’odeur du koki chaud me chatouille les babines au point où j’en salive dans la gorge. Maman ouvre son petit sceau et fait sortir deux énormes boules dans des feuilles de bananiers.

Maman : Tu mange le koki ?

Moi : Oui oui.

Maman : Tu pouvais d’abord refuser ? Façon tu as constamment faim là, et on va s’étonner de te voir aussi gros à ton jeune âge.

Moi : Ekieh ! Genre c’était seulement un piège pour me clasher? Et si je suis gros c’est de la faute de qui? Qui me nourrissait bien quand j’étais petit ?

Maman : Tes flatteries là sur mon corps c’est comme l’eau sur le dos d’un canard, ça glisse !

Je rigole : Ooor détache nous les choses.

Comme complément les patates blanches. À peine je commence à manger que de grosses gouttes de sueur tombent de mon visage, c’est comme si tous mes problèmes s’étaient envolés et que j’avais oublié même la raison de ma venue ici. Ma mère me regarde mais je ne m’en rend pas compte.

Maman : Donfack?

La bouche pleine : Oumm?

Maman : Tu n’es pas venu ici pour manger comme un cochon ein!? Tu n’as rien à me dire ?

Je ravale rapidement une énorme bouchée qui m’étouffe presque, puis pour éviter la strangulation je bois de l’eau.

Moi : Si justement Maman, comme je te l’ai dit au téléphone, ce sont les tuteurs de Jodelle qui ont découvert sa grossesse et ne la veulent plus à la maison.

Maman : Donc elle est restée cinq mois chez elle, avec sa tante, une femme !! Sans que celle-ci ne découvre que sa nièce était enceinte ? C’est ce que tu veux me dire ?

Moi : Tu veux que je t’explique ça comment ? Moi même je suis étonné.

Maman : Humm, c’est vrai que les réactions des parents peuvent être apparemment démesurées mais ça s’explique toujours, ou peut-être en partie. Elle a été recueillie là bas après la mort de ses parents et la moindre des choses serait qu’elle soit responsable de ses actes. On va beau dire que l’enfant est une bénédiction, mais c’est aussi une source de responsabilité improviste, pire encore quand tu l’impose à tes tuteurs qui ne sont pas tes parents. C’est déjà devenu tellement naturel pour les petites filles d’aller jouer à écarter leurs pieds en ayant dans la tête que leur parents sont là pour assumer leur forfait. C’est triste.

Moi : Jodelle n’est pas du genre Maman, c’est ma faute.

Maman : Ta faute, tu l’as violé ? Arrêtez de prendre les filles pour des naïves ? Tu penses que quand elle entrait dans la chambre avec toi elle ne savait pas où elle allait ? Ou ce qu’elle s’apprêtait à faire ? Ou bien si tu l’as violé tu peux toujours me dire ein!? À partir de 15 ans il n’est plus jamais trop tôt pour une fille de tomber enceinte.

Moi : D’accord, comment on fait alors pour ses tuteurs. Elle est chez moi et vraiment paniquée, elle ne mange plus et ne se sent pas bien du tout, je crois que si on n’arrange pas cette situation au plus vite elle risque aller de plus en plus mal.

Maman : Hum ce garçon, tu enceinte les filles pourtant tu n’as même pas un rond. Mais il va te falloir travailler pour me rembourser toutes les dépenses que je m’apprête à faire, parce que mon ami pour une layette il ne te faut pas moins de 300.000f pour que ton bébé soit à l’aise et ça peut aller jusqu’à 600 à 700, mais heureusement que ta mère a une boutique de maternité. Bref, on y va le weekend.

Moi : Mais Maman, c’est loin!!! C’est dans quatre jours et d’ici là personne ne sait ce qui pourrait se passer.

Ma mère se lève et me regarde avec autorité, ce regard qui depuis tout petit me terrorise. Toujours prêt à recadrer.

Maman : Elle a pu tenir quatre jours non!?

Moi : Oui

Maman : Alors quatre autres jours ne la tueront pas, et même si c’était le cas ce ne serait que de votre faute. Le monde ne tourne pas autour de vous seulement ein!? J’ai mon activité et une journée où je ferme ma boutique ça fait beaucoup d’argent que je perds. Donc tu rentres à la maison, tu t’occupes de ta femme le temps que je réunisse un peu d’argent pour aller supplier des adultes que je n’ai jamais vu et que je ne devais jamais connaître si tu savais enfiler un préservatif !!!

À basse voix : D’accord M’man.

… Les quatre jours qui suivaient étaient interminable. L’état de Jodelle qui s’aggravait, mes cours que je n’arrivais pas à bien assimiler à cause du désordre émotionnel dans lequel je me trouvais. Mais enfin, le moment finissait par arriver. Ma mère arriva à la maison le matin même du samedi, avec sa robe noire de veuve pourtant elle ne l’avait plus porté depuis des années. En voyant Jodelle, un sourire bienveillant apparue sur son visage de femme mure.

Maman : Comment tu vas mon enfant ?

Jodelle : Un peu fatiguée, mais ça va.

Maman : Tu sais pourquoi je suis là j’imagine.

Jodelle : Gérôme me l’a dit et c’est une bonne nouvelle pour moi. Dès que j’ai su pour votre arrivée, c’est comme si toute ma maladie s’était dissipée.

Maman : Très bien. Préparez vous, on va y aller et croyez moi quand je vous dis que tout va bien se passer. Les adultes vont discuter entre eux, donc vous n’aurez pas à dire.

__________ Jodelle____________

Après une vingtaine de minutes à moto, finalement nous arrivons. En traversant notre portail rongé par la rouille, j’ai l’impression d’être étrangère dans cette concession. Le chien aboie en voyant Gérôme et sa mère, Louise la plus jeune de la maison sort avant de rentrer à l’intérieur en courant. Juste après, ce sont les parents qui sortent et la colère sur leur visage est tangible quand ils me voient.

Tonton : Tout le monde en franchissant cette porte est bien venu, mais sans doute pas celle là. Et je peux savoir qui vous êtes ?

Maman Ursule : Bonjour honorable gens, désolé de débarquer comme ça sans prévenir. Je suis la grand-mère de l’enfant que votre fille porte et là il s’agit de mon fils, le compagnon de votre fille.

Tonton : Entrez.

Nous entrons, Tata s’en va à la cuisine chercher quelques rafraîchissements.

Tonton : Alors, déjà je salue votre sens de la responsabilité Mme. Parce que vous êtes la seule que je respecte dans cette pièce. Ils vous ont imposés le fardeau de leur connerie et vous en assumer.

Maman Ursule : Qu’attendre plus d’eux ? Ce sont des enfants, bêtes, têtus et irresponsables. Ils ne pensent qu’à leur plaisir en oubliant les conséquences. Puisqu’ils se disent que les adultes sont là pour assumer.

Tonton : Vous savez, vous aurez peut-être l’impression que j’ai mal agis en demandant à Jodelle de rester chez son amant, mais c’est juste que la profondeur de la déception était énorme. Cinq mois de grossesse passés sans dire à qui que ce soit, sans visite prénatal et de surcroît le jour où on découvre elle s’enfuit comme si nous étions des démons prêt à la dévorer, en plus pour aller chez son… Amant. Qu’est-ce que tu te disais Jodelle ? Qu’il allait s’occuper de toi éternellement ? Ou que vous alliez vous marier? Que c’est lui le gentil parce qu’il te donne des orgasmes et nous les méchants parce qu’on te gronde ? Est-ce qu’il peut payer une de tes années à la fac? Tu es tellement bête, ne confonds jamais la passion à l’amour. Tu vois !? C’est sa mère qu’il met devant lui, parce que lui il ne peut rien faire, il ne peut s’occuper de rien. Il n’est qu’un enfant, comme toi ! Tu as choisi de nous humilier et voilà.

Maman Ursule : Je ne voudrais pas surtout vous interrompre mon père, mais je crois que Jodelle a beaucoup apprise durant ces jours et aussi après avoir su qu’elle était enceinte, vous pouvez voir par vous même les séquelles. Les enfants sont nos bénédictions mais aussi nos malédictions, ils sont nos sources de bonheur mais aussi de malheur, mais que faire ? C’est Dieu qui décide de tout. Si Jodelle mourait en avortant la honte serait plus grande. Je pense que dans une situation pareille nous devrions demander de l’aide à Dieu, punir nos enfants et agir en tant que parents. Parce que un jour nous aussi nous étions jeunes et fous.

Tonton : Tu es très sage Mme, je le dis encore… Tu es très sage. Tu vois Jodelle, c’est cette femme qui te sauve la mise. Parce que si c’était ce jeune garçon qui se pointait chez moi, il allait rentrer sans son arme de destruction.

Maman Ursule : Je vous remercie beaucoup.

À suivre…

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