CHRONIQUE LITTÉRAIRE
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LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 10

… Souvent j’ai envie de me plaindre de la perte de mes parents, disparaitre dans un coin pour de temps en temps faire leur deuil. Je me dis parfois que peut-être si ma mère était présente depuis tout ce temps elle m’aurait apporté beaucoup comme conseil, peut-être même que Sophia ne serait pas née. Mais une fois que cette envie de plainte se saisit de moi, directement je pense aux tuteurs merveilleux qui ont été placés sur mon chemin… Tata s’occupe de moi et de ma fille comme si nous étions sa propre descendance.

Quand j’avais appris pour ma grossesse, j’étais persuadé que mon temps chez-elle ne tenait qu’à quelques mois, mais le contraire m’a complètement surpris et à chaque instant où j’y pense, je m’interdit d’être à nouveau pour eux une source de déception.

Six mois après…

Moi : Sophia, va voir si grand mère est dans sa chambre.

Sophia laisse ses jouets par terre et s’en va en courant. Quelques secondes après, elle arrive toujours en courant.

Sophia toute essoufflée : Oui, elle est là.

Moi : D’accord. Tu n’es pas sorti jouer avec tes amis aujourd’hui ?

Sophia fait non de la tête : Ils sont trop brutaux et à chaque fois où on joue ils veulent seulement utiliser la force.

Moi : Viens Ma’ah.

Je retire quelques brindilles coincées dans ses cheveux touffus. En prenant ma fille contre moi je me demande sincèrement si la décision que j’ai prise est la bonne. Ne serait-il pas mieux de rester là ? Trouver quelque chose à faire ici, ou juste continuer à la bureautique de mon oncle et gagner un peu d’argent en attendant que Gérôme soit prêt à s’engager ? Je me demande si ma motivation n’est pas purement égoïste, égocentrique ou le fruit d’une quelconque convoitise. Vouloir aussi quitter la ville moins développée pour se retrouver dans la capitale, on se cache derrière la recherche des opportunités pour réaliser nos vraies envies, la recherche de la luxure et le libertinage. Non je ne suis pas comme ça. Si je m’en vais c’est pour trouver plus d’opportunités et être proche de l’homme que j’aime, je sais surtout qu’ici Sophia est entre de très bonnes mains près de sa grand mère.

Sophia : Maman ?

Je sors de mes réflexions et je porte mon attention sur la petite qui vient de m’appeler. Je lui réponds par un sourire bienveillant.

Sophia : C’est vrai que tu vas partir bientôt ?

Je m’étonne : Qui t’a dit ça ?

Sophia : C’est D’akin. Il m’a dit que tu vas partir pour me laisser ici seule. Il ment non!?

Moi : Oui, il ment trésor.

Dans mes prévisions, j’avais complétement oublié celle qui réellement pourrait être heurté par mon départ. Je ne pouvais que lui mentir au lieu de voir aussi brusquement la tristesse apparaître sur son visage innocent. Une fois de plus, je la prends dans mes bras et je la fais se tordre de rire en la chatouillant.

Moi : Va visionner… Il va bientôt pleuvoir il ne faut pas que tu te mouille en restant à la cour.

Sophia : On a coupé la lumière depuis le matin.

Moi : Je comprends mieux la raison pour laquelle tu te retrouves dehors. Va alors prendre mon téléphone et tu joues « temple run. »

Sophia s’en va en sautillant.
Enfin je me décide d’aller discuter avec ma tante. J’ai le corps extrêmement lourd.

« Toc toc toc »

Tata me voit à l’entrée de la porte et me demande d’entrer. En la voyant, je constate tout de suite à quel point elle est inquiète.

Je m’assieds : La maison est très calme depuis le matin.

Tata : Oui, j’ai demandé aux enfants du voisin de ne plus venir ici. À chaque fois où ils apparaissent quelque chose doit disparaitre, Sophia doit avoir une blessure… Ils sont excessivement bruyants.

Moi : Tu ne vois pas que tu es un peu trop protectrice ? Je veux dire par rapport à Sophia.

Tata : Je ne le suis même pas. Je vais bientôt commencer à la faire venir au travail après son école. Cette petite est très intelligente et je ne me vois pas sacrifier ses connaissances dans les jeux bizarres avec les petits des alentours ci, la plupart ne va même pas à l’école.

Moi : Sophia elle même n’apprécie pas beaucoup leur compagnie.

Un silence profond s’invite dans la pièce. Les quelques secondes du silence me plonge dans un malaise profond… Faut-il aborder le sujet avec une telle crudité ? Ou continuer à contourner. Heureusement Tata me libère du fardeau de cette décision en improvisant elle même.

Tata : Jodelle, tu dis que tu pars quand ?

Je soupire : Je n’ai pas encore de jour fixe, mais je compte partir d’ici la fin du mois. Dès que les impressions des mémoires seront finis à la bureautique.

Tata : Mmm… Donc tu vas y aller avec Michèle directement. C’est comme si je perdais deux filles simultanément.

Moi : On sera ici tellement régulièrement que tu n’auras même pas le temps de constater notre absence Tata.

Tata : C’est toujours ce que vous dites avant de partir pour ne revenir que pendant les cérémonies ou après nos funérailles.

Moi : Ekieh !! Faut pas dire des choses pareilles. Tu sais que ce n’est pas vrai.

Tata : J’espère surtout que j’ai tort.

Je suis certaine qu’il n’y a pas que mon départ qui la tracasse autant. Cette profonde inquiétude et lassitude présage quelque chose de plus enfouis.

Moi : Tata… Qu’est-ce qui ne va pas ? S’il te plaît ne me dis pas qu’il n’y a rien de grave, parce que là ça se voit qu’il y a un truc qui t’embête.

Ma tante me regarde, un moment elle hésite à décoller ses lèvres. Mais finalement elle parle.

Tata : Jodelle, tu n’es plus une enfant à qui on doit tout cacher. Tu es déjà une mère et une future femme… Il y a des choses qui pourraient te dépasser dans ton foyer ou te donner l’impression que ta tête va exploser, mais ce que tu dois avoir, c’est la capacité de gérer n’importe quel problème avec sagesse et respect. Surtout quand il en est de la stabilité de ton foyer.

Moi : D’accord.

Tata : Une jeune femme est venue me voir l’autre jour avec un profond respect en me demandant si j’étais bien l’épouse de ton oncle. J’ai tout de suite répondu avec désintéressement, puisque je ne me doutais de rien… Et pourtant. Ton oncle entretien une relation de couple avec la jeune femme depuis environ cinq ans et je ne suis pas au courant. Ils ont deux enfants déjà et c’est n’en pouvant plus de cette relation secrète que sa deuxième femme s’est présentée à moi. Depuis quand Albert rentre à la maison, je le regarde et ne sais pas quoi dire. Il est toujours aussi tranquille et imperturbable, il se comporte comme si de rien n’était et je me rends compte que ça fait cinq ans qu’il me ment et entretien une seconde relation ailleurs. Je suis complètement perdue et je me demande comment et par où je vais commencer pour le lui demander. Tu vas faire il va encore s’énerver contre moi. Je ne sais pas si son projet est de me remplacer ou c’est juste une aventure qui a mal tourné, quoiqu’il en soit la vérité me saute au cou. J’ai peur pour mes enfants, pour mon foyer. Albert ne me regarde plus comme une femme, ne me touche plus…

Ma tante éclate en sanglots, n’en pouvant plus du poids de cette nouvelle. J’essaye de la consoler en la prenant sur mon épaule.

Tata : Qu’est-ce que je ne lui ai pas donné ? Des enfants ?? Finalement on ne sait plus ce que veulent les hommes. Au départ ils sont très attentionnés, ils te donnent l’impression que tu es le centre de tout et que jamais ils ne vont te tromper. Mais dès que tu baisses la garde en t’abandonnant à eux, ils te poignardent et c’est à toi d’assumer. À mon âge je vais encore rentrer chez mes parents ? Ou faire des caprices ? Je suis juste déçu par l’homme qui m’a épousé, par le père de mes enfants. Mais lui il s’en fout de tout. Tout ce que j’espère c’est qu’après cette histoire, que je garde mon foyer parce que c’est ce qui me reste de plus cher, la stabilité de mes enfants. Je n’ai pas envie que ce problème dégénère en impliquant les pauvres enfants qui n’ont rien fait.

Moi : Est-ce qu’il est souvent absent ?

Tata : Tellement il a l’habitude de disparaitre que je me suis habitué à son absence, au froid du lit. Puisqu’il ne me touche plus, pourtant nous n’avons aucun problème. Tout ce qu’il fait, c’est son devoir de père et jusqu’où même ? Un homme absent dans sa propre maison et qui rationne ailleurs, comment tu veux qu’il rationne régulièrement chez lui? Je dois me débrouiller et faire avec ce que j’ai. Jodelle en ce qui concerne l’homme que tu vas épouser, ne te précipite pas. Ne laisse pas tes sentiments t’embrouiller et surtout remets toutes choses entre les mains de Dieu en t’attendant à tout. Parce que une fois que vous vous êtes uni, c’est autre chose. Les femmes qui passent le temps à divorcer pour un moindre problème ne savent pas ce qu’elles font, l’homme parfait n’existe pas et le temps que vous passez ensemble avant le mariage vous permet d’avoir une assurance sur votre choix. Quitte à ce qu’il change après votre mariage… Bref, c’est Dieu qui donne un époux. Chacun devrait savoir comment gérer ses problèmes et éteindre le feu de sa chambre sans alerter les voisins de peur qu’on ne découvre les dessous de l’intimité de cette personne.

À suivre…

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