CHRONIQUE LITTÉRAIRE
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LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 12

_ Je peux vous aider Mr ?

Moi : Oui en effet, je suis là parce que j’ai été invité.

_ Qui je dois annoncer?

Moi : Gérôme. Dites que Gérôme vient d’arriver…

_ Très bien Mr.

Le majordome s’en va de façon noble jusqu’à entrer dans la maison. Je suis à l’entrée de chez Mme Evelyne, ébahi non seulement par la procédure d’entrée mais aussi par l’aspect étrange de la luxueuse maison. Pourtant je ne suis qu’à l’extérieur.

Je me suis habillé légèrement, après hésitation j’ai opté pour ma chemise diapré en coton et un pantalon monsieur. Je n’ai pas voulu apporter une quelconque complication à mon habillement à cause de la chaleur et aussi dû au fait que je ne savais pas à quoi je m’attendais en venant ici. C’était juste un tête à tête entre ma patronne, son mari et moi. Quelque chose d’assez intime. Mais en écoutant les voix à l’intérieur, sûrement nous serons plus de deux ou même une dizaine à cette table.

Le majordome revient, cette fois Mme Evelyne le suit sur ses talons aiguilles qui malgré l’obscurité scintillent. Son même sourire cordiale et à la fois plein de malice. Je la regarde sans détourner mon regard. Le regard que le majordome me renvoie à présent véhicule un respect qui frise la peur.

Mme Evelyne en approchant : Allons mon cher Gérôme. Je suis vraiment désolé pour cet accueil désuet et le fait que tu aies été obligé d’attendre dans un froid aussi rude.

Le froid n’est pas si rude que ça. Je n’apprécie pas beaucoup son sens de l’humour et de la bienveillance, il y a trop d’exagération et ça ressemble plus à une comédie. Étant moi aussi dans sa pièce de théâtre, je joue le jeu.

Avec le sourire : Non Mme, ce n’était pas si pénible que ça. Je me dis bien que votre majordome ne faisait que son travail… Très bien d’ailleurs ( je dis en le regardant.)

Mme Evelyne : Bon, allons dedans sans plus tarder. Nos invités nous attendent et languissent de poser enfin un visage sur ta personnalité.

Je m’étonne : Nos invités ( en murmurant ).

Je ne l’avais pas vu venir celle-là. Il paraît que Mme Evelyne s’est permise de m’humilier en me mettant au centre d’une attraction d’individus prêt à me regarder comme un quelconque animal de cirque. C’est commun chez les riches… T’humilier en te donnant l’impression qu’ils t’exaltent.

Mme Evelyne : On y va ??

Moi : Bien entendu.

Je la suit. Nous traversons une sorte de salle à l’extérieur apparemment sans aucune utilité, juste un caprice de riches pour ajouter à leur forteresse médiévale un autre moyen de dépenses. Je suis stressé à chaque pas. Les bruits des voix s’intensifient à mesure qu’on approche de la salle de séjour. Enfin devant une grande porte, elle ouvre et entre avant moi… Je passe à sa suite.

Mme Evelyne : S’il vous plaît. J’aimerais vous présenter Gérôme, notre hôte.

Toute l’assemblée se calme et se tourne vers moi. Chacun tenant une coupe de champagne en main. J’avais presque bien fait l’estimation. Quand je compte, ils sont onze. Tous des adultes entre cinquante et soixante ans, sauf une jeune femme qui se démarque par sa robe totalement rouge qui doit faire la vingtaine et poussière.
À quoi je dois m’attendre ?

Mme Evelyne : Ils te connaissent tous. Ce sont mes collaborateurs et je leur ai parlé de tes prouesses en tant que restaurateur. Ils ont tous été au restaurant au moins une fois pendant tes services et sincèrement ils ont appréciés ton travail.

Moi : Je croyais qu’il s’agissait juste d’un dîner à hui clos pour faire connaissance avec votre mari. J’avoue que je ne m’attendais pas à… à tout ce monde.

Mme Evelyne : Je m’excuse sincèrement pour la surprise, n’en déplaise aux gens ici présent mais si nous sommes là tous ensemble c’est pour discuter entre personnes du même secteur d’activité. Sens toi libre Gérôme.

Elle me projette son même sourire qui ne me contente pas du tout. Je me sens encore plus humilié par cette situation confuse. Rien ne va !! Je n’ai ni les vêtements, ni le mental adéquat pour cette cérémonie. Pourtant tout le monde me donne l’impression que tout est normal.

Moi : Je suis heureux d’être à cet honneur et de partager ce lieu avec vous, j’espère surtout que cette rencontre nous sera tous bénéfique.

Mme Evelyne : Elle le sera, crois moi.

Plus tard dans la soirée, l’ambiance calme et posée des musiques modernes nous entraîne tous dans une sorte de torpeur éveillée. Les invités discutent entre eux, les hommes ayant leurs mains dans les poches et les dames bras ballant. Un pot attire mon attention. Je contemple l’objet de valeur avec avidité.

_ Ce pot date du dix-septième siècle, c’est un pot béninois.

Le parfum juste de l’homme présent à côté de moi en dit tout sur sa personnalité. Son charisme et son assurance prouve qu’il est maître de la maison. Nos regards se croisent et il me tend la main. Je la saisi.

Mr Rudolf : Evelyne m’a tellement parlé de toi que j’en suis presque jaloux, je tenais à faire personnellement ta rencontre. J’aime les personnes travailleuses et dévouées et tu as prouvé que cette étoffe te va bien.

Moi : Le poste que Mme Evelyne m’a offert était surtout une très grande opportunité. Je ne dirais pas que je l’ai amplement mérité.

Il pose sa main sur mon épaule.

Mr Rudolf : Tu te trompes mon jeune ami. Je connais ma femme et je sais à quel point elle est pointilleuse sur ses choix et très capricieuse quand il s’agit de travail.

Moi : Je me sens flatté.

Mr Rudolf sourit et me propose d’aller à l’extérieur avec lui. Nous arrivons à la terrasse qui donne sur son immense pelouse.

Mr Rudolf : Je ne te connais vraiment pas. Mais je t’apprécie énormément. Tu sais sans doute ce qu’on appelle « l’intuition « .

Moi : Oui Mr.

Mr Rudolf : Mon intuition me demande de te faire entièrement confiance. Que tu es une bonne personne et que je pourrais te confier ma vie… J’ai tort ?

Moi : Je ne sais quoi dire Mr. Je suis confus… Où vous voulez en venir.

Mr Rudolf : Tu es une personne qui aime aller droit au but. Une qualité que j’apprécie beaucoup et cela prouve aussi à quel point tu as le sens des affaires. Tout ce que je veux te faire comprendre c’est que ton efficacité est entrain de te faire graver des échelons que tu étais loin d’imaginer être capable d’atteindre. Tu es sur la voie de la cour des grands.

En un instant, le passage de la jeune femme de tout à l’heure me distrait. Mr Rudolf remarque mon intérêt.

Mr Rudolf : ANNA!!!

Je me tourne en cachant mon visage pour éviter l’affront oculaire. Elle se ramène…

Elle : Oui Papa.

Mr Rudolf : Je te présente Gérôme. Notre héros de la soirée. Je me suis dit que faire les présentations à votre place rendrait les choses plus faciles pendant la conversation.

Elle : Enchantée ( en me donnant la main )

Je prends la sienne : Enchanté.

Mr Rudolf : On m’appelle. Gérôme on se revoit avant que tu ne partes. On a à se dire.

Il nous laisse tous les deux dans une tension et un malaise sans précédent. Je ne sais quoi dire, je n’avais vraiment pas prévu de faire.

Anna : Apparemment tu es une vedette par ici.

Moi : D’après ce que tes parents pensent. Mais ce mérite ne me revient pas, du moins pas pour l’instant.

Anna : C’est ton premier poste en tant que restaurateur ?

Moi : Si quand je passais mon baccalauréat on me disait que j’allais être gérant de restaurant dans quelques années, je devais en rire.

Anna : Le destin…

Moi : Et toi, tu fais quoi ? À part profiter de l’héritage familial.

Anna rigole : Tu m’amuse beaucoup. Pourquoi tout le monde pense que les enfants des riches ne comptent que sur la richesse de leurs parents ?

Moi : Une impression commune que tous les pauvres ont. Sûrement en trait avec notre frustration de précaire.

Anna : Je travaille à titre personnel.

Moi en rigolant : J’imagine.

Anna : Non sérieux. Je travaille dans le textile et la mode. C’est un secteur qui m’a toujours blasé.

Moi : Tu ne peux pas dire que tes parents ne sont pas derrière tes revenus. Ce n’est pas comme si tu t’es lancée toute seule.

Anna : Je sens un subtil de jalousie dans tes propos Gérôme.

Moi : Qui sait!? Peut-être que je ne supporte pas mon statut et que je t’envie.

Anna : C’est bizarre. Moi j’apprécie et j’envie les personnes comme toi. Qui se sont fait tous seuls. C’est fascinant…

Elle me regarde sans rien dire et puis détourne son regard.

Mme Evelyne vient nous trouver et me donne un verre.

Mme Evelyne : Heureuse de savoir que vous faites déjà connaissance.

Je regarde ma montre : Je dois déjà rentrer. Il se fait tard.

Mme Evelyne : Déjà ? Pourtant demain tu ne travailles pas.

Moi : Disons que je vis dans un quartier difficile et assez dangereux. Merci pour la soirée…

Anna : Moi qui croyais que tu devais avoir la galanterie de prendre mon contact.

Moi : Une prochaine fois peut-être. Au-revoir.

Je m’en vais retrouver Mr Rudolf pour lui faire mes adieux avant de prendre congé.

À suivre…

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