CHRONIQUE LITTÉRAIRE

LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 18

Nous avons enfin pris rendez-vous pour l’interview de travail. Mme Anna a voulu que ce soit dans un restaurant en ville. J’ai préféré arriver en avance pour ne pas rater l’occasion ou la faire attendre.

Notre table a été précommandée et je n’ai reçu que le numéro par message. J’ai le regard qui à chaque seconde se perd sur un point ou un autre de la somptueuse et immense pièce. J’ai une robe pas très longue, donc l’impression d’avoir les fesses en l’air m’obsède régulièrement…
Gérôme n’était pas très d’accord, mais au final il a cédé à ma décision. C’était logique et prioritaire… J’ai les paroles de Gérôme qui me reviennent en tête comme des bouts de pointes qui me torturent l’esprit et me juge. Je me parle donc à moi même pour essayer de me convaincre que ma décision était la bonne.

Moi : Me faire passer pour ta cousine Gérôme… Pfff c’est vraiment déplorable comme option et nous voilà dans cette impasse.

Je manipule nerveusement mon téléphone pour éviter les regards qui certainement sont centrés sur moi. Cet endroit ne me convient visiblement pas et je m’y sens comme une espèce de vermisseau dans un nid d’oiseau, je suis en proie. Ici tout le monde est bien habillé, la musique est douce et l’odeur dégage l’opulence. Les personnes sont gracieuses et très bien élevés. Les serveurs sont beaucoup plus vêtus que moi.

_ Jodelle ??

Je lève les yeux vers cette femme qui vient d’apparaître devant moi en prononçant mon nom avec hésitation. C’est elle ? Cette Anna… Seigneur je ne fais même pas la taille. Sa robe pourpre tendant vers bordeaux laisse ressortir ses formes raisonnables et gentiment dessinées. Je l’osculte sans rien dire, puis je hoche la tête.

Moi : C’est moi… Et vous, vous êtes ??

Elle me donne sa main : Anna ( avec un sourire des plus chaleureux )… Appelle moi Anna.

Je prends sa main. La douceur de cette masse légère et moite me laisse sans voix. On aurait dit que de sa main elle n’en faisait rien du tout. La mienne comparée à la sienne est comme un conglomérat de caillasse. Son parfum doux souffle jusqu’à moi. J’en perd même la capacité d’être jalouse, cette jeune femme m’écrase… Elle est vénérable.

Elle s’asseoit : Je suis vraiment désolée de t’avoir fait attendre Jodelle. C’est juste que j’étais prise et j’avais certains trucs à régler…

Je souris : Je n’ai pas beaucoup attendu quand même. Ça ne fait pas quinze minutes que je suis là.

Pourtant ça en fait trente ou plus. Autant mieux mentir pour gagner sa gratitude et son amabilité. Elle semble vraiment gentille, son sourire malicieux me fait penser à ces femmes dans les séries télévisées, à la fois espiègle et d’une désinvolture positive. Je me garde de lui rendre le même sourire, de peur qu’on se familiarise.

Anna : Dès que j’ai su que la cousine de Gérôme avait besoin de travail, je me suis dépêché pour créer un poste… Ton cousin est un homme vraiment formidable et ce qu’il apporte à ma famille est exceptionnel. J’aimerais tellement faire plus.

Je souris nerveusement : Cette opportunité est largement au dessus de mes attentes… J’espère juste pouvoir être à la hauteur de la sélection.

Anna : Ah ça !! C’est déjà une évidence… En fait cette rencontre était une éventuelle formalité pour que nous ayons une prise de contact et que je me rassures qu’en effet tu es faite pour le poste et je me rends compte qu’en effet c’est le cas. Compte tenu en plus de tes connaissances en bureautique… C’est excellent !!

Moi : Merci.

Anna : Détends-toi Jodelle… Nous sommes ici juste pour manger quelque chose et ne me vois comme une patronne qu’au bureau. En dehors du bureau nous sommes une famille.

Mon humeur rageuse revient quand elle en vient à ce fait. C’est clair qu’elle essaie de se rapprocher de me croyant être que la cousine de Jodelle et espérant indirectement se rapprocher de lui encore et encore. Mais la priorité actuelle n’est pas celle-là. Le fait déjà que je sois entre eux me permettra d’avoir une vue d’ensemble et un contrôle sur tout. Je déteste ce rôle que le destin m’impose… Mais que faire ?

Anna : Dis moi Jodelle… Tu as quelqu’un dans ta vie ?

« Oui!! En fait celui que tu drague et qui est mon cousin c’est en fait le père de ma fille de cinq ans !!! Imbécile » j’ai tellement envie de lui cracher ça à la figure que je sens presque mon visage l’exprimer. Mais je me ressaisi en me détendant.

Moi : Relation difficile… Tu sais, les hommes.

Anna : Oooh je te comprends. Mais on va faire comment ? C’est mieux de passer à autre chose quand tu ne peux plus avoir le contrôle sur ce que tu as. Les hommes sont tellement imprévisibles… Des éternels insatiables ceux là. Tsss…

Elle pose sa main sur la mienne certainement en signe de familiarisation. Elle me sourit fortement en grimaçant pour dramatiser sur le comportement bipolaire des hommes… Je fais sortir ma main rapidement en prétextant de ranger mon verre qui vacille.

Moi : Oui… Eeeu Oui vraiment. Mais il faut parfois savoir s’accrocher quand même ein!? Le cœur a ses raisons…

Anna : En plus, tu es une jolie femme… Vraiment jolie, qu’est-ce qui pourrait t’empêcher de faire quoi que ce soit ? N’ai pas peur, je suis prête à te présenter aux plus charmants hommes de cette ville si tel est ton désir. Il faudrait bien que ton Monsieur fasse gaffe au risque de te perdre …

« Mais pour qui est-ce que tu te prends ? Déjà on ne se connait pas, mais tu sembles user de bonté à mon égard. Certainement pour m’éloigner de lui et… Bref!!» je mûri ces idées mauvaises derrière mon sourire de surface.

Moi : C’est que… Pour moi la priorité présentement c’est ce travail. Le reste on verra après.

Anna : Comme tu voudras ma chère… ( Elle sourit encore.)

Après le repas, Anna me propose de me déposer quelque part, mais même avec insistance de sa part je refuse tout poliment.
Je dois faire un détour par le marché tout proche, donc c’est en traversant la route que je remarque une voiture arriver tout près de moi pour serrer juste là devant. Cette voiture me dit quelque chose, c’est une fois la portière ouverte et le propriétaire sorti que ça me revient.

Je murmure : Le taré de l’autre… Mais à la fin on fait comment pour se défaire de ce genre de personne.

Il me hèle : Jodelle !!!

Je presse le pas en perçant la foule pour longer le couloir juste à ma gauche. Finalement je me fond dans la masse et me retrouve dans un petit rayon boucherie.
Au moment où je crois m’être sorti de ce merdier, il apparaît juste devant moi en haletant comme un cochon, dégoulinant de sueur dans sa veste de soie.

Lui : C’est fou à quel point tu peux être rapide !!

Moi : Qu’est-ce que tu me veux ?? Tu me suis partout où quoi??

Lui : Non. Je te jure… C’est une coïncidence. C’est certainement à cause du fait que tu m’évite ou peut-être c’est juste le destin.

Moi : Fais moi rire…

Lui : Pourquoi tu m’évite Jodelle ??

Moi : Donne moi une raison de ne pas le faire.

Lui : Mais… Mais je ne t’ai rien fait de mal, n’est-ce pas suffisant ??

Moi : Tout ce que je veux c’est que tu arrêtes de me courir après comme un agresseur… Tu me fais peur !!! Voilà.

Il prend un moment pour se calmer et laisser baisser la tension. Il reprend un air beaucoup plus docile et arrête d’haleter.

Lui : Tu as raison. Mais moi non plus j’ignore la raison pour laquelle je te cours après… Nous n’avons certainement pas bien fait nos présentations. Nous ne sommes pas allés du bon pied et je m’en excuse… J’ai peut-être usé d’orgueil dès le départ et clairement c’est un truc que tu détestes.

Moi : Comme la peste…

Lui : Mais… Mais au moins je peux me racheter.

Je m’en vais : Pas la peine…

Il prend mon bras : Jodelle… S’il te plaît.

Le regard meurtrier que je lui renvoie le fait instinctivement lâcher mon bras.

Lui : S’il te plaît…

Moi : Tu vois, là maintenant je suis très pressée… Je n’imagine même pas la folie de mon mec si jamais il constatait que j’étais là entrain de discuter avec…

Lui : Je peux avoir au moins ton contact !?

Je ricane : Je viens de dire indirectement que je suis en couple, avec un psychopathe… Tu n’as rien capté ou quoi grand frère ?

Lui : D’accord, c’est bon… Je m’excuse surtout pour l’exagération et tout. Mais on peut au moins être amis??

Je le regarde avec insistance. Quelle idée ridicule de croire que j’ignore cette technique d’approche… On peut devenir amis et puis quoi encore.

Moi : Tonton, là moi je vais partir… Tu passes une très bonne journée. Et s’il te plaît, prochainement respecte les choix d’une femme quand elle te dit non, nous on sait ce qu’on veut et dire non aujourd’hui ne veut pas forcément dire Oui demain. On n’a vraiment pas besoin d’être harcelé.

Lui : Okay… Bonne journée alors.

Je presse le pas. J’ai l’impression qu’il m’observe attentivement par l’arrière mais je n’ose pas me retourner de peur d’affronter son regard.

Mon téléphone vibre, je fais sortir pour vérifier la notification…

«Gérôme : Jodelle il faut qu’on parle…»

Je remets mon portable dans ma poche et je souris avec satisfaction.
Il ne fallait pas te décider à utiliser la manière douce… Toujours entrain de faire le macho avec sa tête !!

À suivre…

Afficher plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page