CHRONIQUE LITTÉRAIRE

LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 24

Il est 22h et quart lorsque Anna se gare sur le parking d’un restaurant. Elle défait sa ceinture de sécurité et se tourne vers moi en souriant timidement.

Anna: Désolé, je ne pouvais pas m’empêcher de t’emmener ici, non seulement j’ai très faim mais il faut absolument que tu découvres cet endroit fantastique.

Moi : Je croyais Anna, que tu allais me faire la route jusqu’à un endroit où ce serait facile pour moi de trouver un moyen de rentrer.

Anna : Je t’ai dit que je voulais qu’on discute Gérôme, après cette conversation je te laisse tranquille et plus jamais tu ne me verras dans tes bottes… À moins que tu l’exige.

Moi : J’espère que tu tiennes à ta promesse.

Anna sort la première et m’attend, je sors à sa suite avant qu’elle ne verouille le véhicule. Nous entrons tous les deux dans le restaurant que je me garde de décrire mais dont la beauté ne laisse indifférent.

Moi : Je me demande toujours pourquoi c’est quand un riche t’emmène à un coin chic que tu découvres qu’il existe, pourtant je passais par là d’habitude et jamais je n’avais remarqué cet endroit.

Anna: Les choses valorisantes n’ont pas besoin de trop se faire voir, il n’y a que les connaisseurs conscients de leur qualité et à la hauteur de leur prix qui sont attirés. C’est l’avantage d’avoir une fille riche dans sa vie.

Après plusieurs bouchées sur l’une des tables au milieu du restaurant, je commence à m’impatienter par le silence de Anna qui jusqu’ici n’a rien dit concernant notre venue ici.

Anna: Du vin??

Moi : Pourquoi tu m’as fait venir ici Anna ?

Elle ignore ma question et repose la sienne en me regardant droit dans les yeux. Je fais non de la tête, elle dépose la bouteille de vin bordeaux sur la table et s’essuie la bouche avant de déposer ses ustensiles à côté de son plat, j’en fais pareil.

Anna: Pourquoi tu as peur de moi Gérôme ?

Moi : Je n’ai jamais dit que c’était le cas.

Anna: Et pourtant… Tout porte à croire que si. Je veux que tu me dises sincèrement ce que tu penses de moi.

Moi : D’accord. Je pense que tu es une jeune femme fort belle, une femme très intelligente et qui mérite absolument tout et bien plus.

Anna: Alors pourquoi toi, je ne peux t’avoir ??

L’intérêt qui sévit sur son visage suivant sa question me rends plus que mal à l’aise, j’essaye de parer son regard en m’acharnant sur mon verre. Quelle question…

Moi : Anna parce que je fais partie des hommes qui préfèrent se contenter de ce qu’ils ont… C’est tout. Et malheureusement tu n’es pas celle que j’ai.

Anna grimace un sourire moqueur et hoche la tête.

Anna: C’est Jodelle n’est-ce pas !?

Je fais semblant de n’avoir rien entendu à ce qu’elle vient de dire et la prie de répéter.

Anna: Je sais qu’il s’agit de Jodelle… Ta soi-disant cousine. Sincèrement j’apprécie ton souci de la protéger, mais Gérôme ne joue pas à ce jeu sinon les conséquences auront un impact incontrôlable.

Moi : Et même si c’était elle…

Anna: Il n y a pas de même si qui tienne. C’est elle !! Sois raisonnable et accepte enfin l’évidence, ça tape tellement aux yeux et votre jeu de cache-cache grossier n’a aucun sens, vous faites de très mauvais acteurs Gérôme.

Elle vient de me débusquer et là sincèrement je ne trouve rien de plus à dire, autant mieux se taire que de vouloir continuer à s’enfoncer ridiculement dans ce mensonge. Je prends une autre gorgée de vin.

Anna: Jodelle est très belle, c’est une très bonne jeune femme… Et j’ai même appris que vous avez une petite fille ensemble, Sophia c’est ça !?

Moi : Qui te l’a dit ??

Anna poursuit : Tu t’es comporté en homme vraiment responsable en essayant de la protéger. Tu l’as fait parce que tu as su que si on était au courant que vous étiez en couple jamais elle n’aurait eu un travail, j’apprécie tellement cela. Mais il faut que tu comprennes quelque chose Gérôme… À un certain niveau de la vie il faut savoir non seulement écouter son cœur, mais se poser aussi des questions sur la sécurité de son avenir.

Moi : Qu’est-ce que tu sous-entend ??

Anna: J’essaie d’être juste logique et te faire voir les choses en face. À toi de prendre ça comme ça te plaira. Dans ta tête sûrement tu es entrain de te dire que le fait que je te fasses des avances en instant me fait passer pour une femme pas sérieuse ou je le fais par intérêt… Mais comme tu as pu le constater je ne manque de rien. Les jeunes femmes comme moi quand elles s’intéressent à un homme c’est pour deux raisons, soit juste pour qu’il lui procure du plaisir sexuel mais dans l’autre cas c’est pour une raison plus profonde.

Moi avec curiosité : Laquelle ??

Anna: Parce qu’elle a vu en cet homme quelque chose dont elle aura besoin pour être une femme accomplie, elle voit en lui le père de ses enfants et un partenaire rentable. L’amour ne suffit pas toujours Gérôme, il faut remplir plusieurs paramètres. Je ne suis pas entrain de combattre ta petite amie ou te supplier pour avoir sa place comme ces petites dévergondées le font… Non, j’ai regardé en toi et j’ai vu l’homme mature dont j’avais besoin, et ce que je fais, c’est faire le nécessaire pour l’avoir, quitte à ce que je doives tenir tête à quelque personne.

Moi : Attends tu…

Anna: Laisse moi finir Gérôme, après tu pourras dire ce que tu veux s’il te plaît. Je suis prête à oublier qui je suis pour complètement m’abandonner entre tes mains, devenir une épouse modèle pour toi et t’obéir, parce que tu m’as donné une raison de le faire. Je ne suis pas une femme qui a faim donc tu ne vas pas me voir m’agiter à chercher les hommes qui vont me coucher pour de l’argent, je ne suis non plus une nymphomane, je ne suis pas accro au sexe. Pour preuve ça fait 4 ans que je n’ai connu aucun homme et celui que j’avais connu c’était le seul.

Moi : Et qu’est-ce qu’il s’est passé entre vous ?

Anna regarde ailleurs de façon déçue : J’étais jeune, je m’étais trompée et j’en ai payé les frais.

Moi : Et cette fois qu’est-ce qui te fait croire que tu n’en payerais pas encore les frais ? Avec moi…

Anna me regarde éperdument dans les yeux et sourit.

Anna: Tu ne feras jamais souffrir une femme que tu aimes Gérôme, tu connais sa valeur et tu as tes principes. Crois moi, ces choses là je sais les voir.

Moi : Anna… Pourquoi pas juste te tourner vers un de tes semblables pour lui demander de l’affection ? Un riche comme toi.

Anna rigole : Les hommes nés riches sont les pires êtres humains sur cette planète pour la plupart, immatures, arrogants, croyant que tout leurs est permis, ils n’ont aucune notion de la valeur d’une femme, de la gestion d’un foyer, de la gestion de tout en fait. Ils restent des bébés à vie et n’apprennent jamais à voler de leurs propres ailes.

Je ris : Vu la hargne avec laquelle tu parles, je suis certain que c’est un mouna boboh qui t’avait fait ça dure !! Mais sincèrement, je ne peux pas Anna… Je ne peux pas quitter ma copine pour me mettre avec toi.

Anna: Pourquoi tu ne peux pas ? Par peur du regard des autres ou par pitié pour tout ce que vous avez construit ?

Moi : Par amour et par loyauté… Vu aussi tout ce qu’elle a sacrifié pour nous deux. C’est tout.

Anna: Je te comprends Gérôme et je respecte ta décision, mais je te propose d’y réfléchir beaucoup et de peser les choses. La personne pour qui tu te sacrifie et par laquelle tu jure, es-tu sûr que ce soit vraiment aussi le cas pour elle ? Ce qui définit les personnes, c’est leur attitude face aux opportunités. Je sais que tu prendras la bonne décision.

Je regarde Anna, ses paroles m’ont bouleversées en me faisant me poser des questions sur moi même. C’est quoi l’amour au final !? Est-ce que j’ai tort de ne pas l’écouter ou serait-ce juste… Je suis perdu face à tout ceci je ne peux le nier. Elle a raison, mais Jodelle… Nous avons construit tellement de choses ensemble tous les deux.

Anna: Gérôme???

Je reviens à moi : Heiiin ??

Anna: Je te croyais ailleurs.

Moi : C’est juste que… C’est juste que je suis un peu fatigué. La journée a été vraiment longue et demain les choses seront pareilles.

Anna: Je comprends. On s’en va. Je préfère aller te déposer au moins près de chez toi… Même si tu ne supporte pas le fait que je saches ou tu habites ( elle sourit ).

Je souris aussi : C’est presque un complexe chez moi. Je n’apprécie pas beaucoup les visites à l’improviste.

Anna me tend la main. Je la regarde un moment perplexe et ne comprenant pas la raison de son geste.

Anna: On reste au moins amis !? Je ne veux pas perdre ton amour et ton amitié au même moment Gérôme… S’il te plaît.

Je saisis sa main : D’accord… Je suis d’accord.

Elle me sourit chaleureusement avant de se lever. Je suis encore assis perdu dans mes pensées pendant qu’elle règle la facture.

Anna: On y va.

En route.
On ne se dit pratiquement rien pendant tout le trajet. Anna me dépose et me sourit en me remerciant de ma disponibilité, je lui fais un coucou rapide et on se sépare.
Il fait extrêmement froid, avec la chaleur du véhicule je n’avais rien remarqué, des bouffées de vapeur s’échappent de ma bouche. Je fais quelques pas avant de retrouver mon logis… Surprise !! Assise là devant ma porte dans le froid et portant un énorme blouson, Jodelle lève la tête en me voyant venir.

Moi : Mais qu’est-ce que tu fais là ??

Jodelle: Je voulais qu’on discute et je croyais que tu allais rentrer plus tôt. Je suis passé au restaurant et c’était fermé Gérôme.

Moi : Pourquoi tu ne m’as pas écrit avant de venir ?

Jodelle se lève : Parce que je ne pouvais pas imaginer que tu pourrais passer ailleurs avant de rentrer… T’étais où ??

Moi : Entrons à l’intérieur.

Jodelle: Non, je veux savoir où tu étais… Il est minuit.

Moi : Tu es là depuis longtemps ?

Jodelle: Depuis deux heures de temps et je ne vais pas te cacher le fait que j’ai extrêmement froid.

Moi : Entrons donc à l’intérieur discuter s’il te plaît. Il faut que tu te réchauffe.

Jodelle: D’abord tu me dis où tu étais.

Moi : Je suis allé boire un verre avec Patrick après le boulot.

Jodelle rigole : Éh bien figure toi que ta copine se faisait tellement du souci pour toi qu’elle a appelé Patrick pour lui demander et il lui a dit que vous n’étiez pas ensemble… Que tu es rentré avec Anna.

Je chuchote : Meerde!!… ( À haute voix ) Jodelle écoute, elle voulait juste me dire quelque chose et puis…

Jodelle: Non toi écoute, je suis un peu épuisée de chaque fois avoir des excuses pareilles. Je ne te reconnais plus et j’ignore ce que tu veux… Tu te barres avec elle à toute occasion. Tu es une grande personne et responsable, alors je crois qu’il faut que je te laisse un peu de temps pour que tu te poses les bonnes questions.

Moi : C’est à dire ??

Jodelle: On prend une pause Gérôme… Je ne sais plus qui tu es depuis que cette femme t’est rentrée dedans, je ne peux pas me battre contre elle, je n’ai pas cette force. Je ne peux pas aussi me battre pour un cœur qui ne m’appartient plus… Le choix te revient désormais.

Moi : Jodelle qu’est-ce que tu racontes ??

Jodelle : Tu passe une bonne nuit Gérôme. Et ne t’inquiètes pas, je vais me débrouiller toute seule pour rentrer…

Sans me laisser parler, Jodelle s’en va en vitesse en essuyant les larmes sous ses yeux. La force de la poursuivre me quitte. Je glisse pour m’asseoir au seuil de ma porte en me mordant le poing.

Moi : Fais chier!!!

À suivre…

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