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OPINION : construction du discours présidentiel autour des fléaux sociaux… et l’incivisme en milieu scolaire ?

L'approche du Techno-pédagogue, Mathieu Davy EYA

Dire un discours est un moment capital pour qui sait ce que diriger veut dire. C’est le temps de cristallisation des attentions, de captations des intelligences et de construction des imaginaires positifs sur les idées à véhiculer. Au-delà d’un rituel politique à opérer chaque fin d’année, c’est surtout d’une démonstration de force. À travers la parole, il s’agit de mettre en valeur le bien réalisé, d’exposer les obstacles à l’accomplissement de certaines mesures édictées, de fixer le cap des perspectives avenirs et enfin de mettre en garde l’insoucieux et la crapule.

Paul Biya, n’a pas dérogé à la tradition de souhait de vœux de nouvel an à l’ensemble des Camerounais. En esthète de la parole, il a dressé, dans une cadence heuristique dont il a le secret, le bilan de l’action gouvernementale durant l’année qui vient de s’achever tout en définissant les lignes directrices pour l’année qui démarre. C’est le quarantième discours du Président Paul Biya depuis son accession à la magistrature suprême. Quarantième adresse à la Nation, toujours tout aussi remplie de sens et de leçon. Pratiquement tous les secteurs d’activités de la vie publique ont été indexés, l’économie, la santé, les transports, le secteur miniers, etc. Qu’en est-il de l’éducation ?

L’éducation camerounaise est en proie depuis quelques années à moult actions d’incivismes et de violences tout azimuts venant plomber l’équilibre et le déroulement du processus enseignement-apprentissage. Ces dérives sont accentuées par les nouveaux médias sociaux mettant en scène des acteurs, qu’ils soient des élèves ou des enseignants, près à en découdre. La scène scolaire camerounaise n’est donc pas épargnée par les affres de l’incivisme et des violences de toute sorte dénoncés par le président de la République en ces termes :
Comme moi, vous avez certainement observé, dans nos villes et campagnes, la montée préoccupante de l’incivisme, de la violence, du non-respect des normes sociales élémentaires ou de l’ordre établi. Dans un État de droit, de tels comportements ne peuvent être tolérés. Ceux qui trouvent un malin plaisir à perturber l’ordre social, qu’ils soient jeunes ou adultes, devront rendre compte de leurs actes devant les tribunaux compétents. J’en appelle donc à la responsabilité de tous, en particulier les parents et les éducateurs, pour redonner toute leur place aux valeurs morales de base et au respect de l’ordre public.

Le discours, parce qu’englobant et servant de boussole, donne matière à interpeller les éducateurs sur les perspectives à implémenter pour extraire l’école de ses esprits dévastateurs. Au nombre des actes de violence et d’incivismes perpétrés à l’école cette année qui s’achève, nous pouvons citer quelques-uns qui ont défrayé la chronique et mis la sphère cybernétique en ébullition. La première remonte en Avril 2022, où une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, met en spectacle une élève du Lycée de Nkoleton entrain de se battre avec la surveillante. Devenue virale, la scène traduit la discordance hiérarchique, l’incapacité d’imposition de la discipline par la non-violence. En somme, il s’agit de l’expression d’une tension entre encadreurs et élèves, d’une rupture du rapport de l’autorité, d’une forme d’accentuation de l’austérité au sein de l’institution éducative qu’est l’école.

Une autre vidéo et pas des moins horribles, met en scène un enseignant du primaire de la ville de Douala, interpellé par les forces de l’ordre après avoir filmé une scène de torture physique d’un élève de moins de 11 ans. Les événements se déroulent en Février au quartier Bilongue et cette horrible tragédie a vu le déplacement du Ministre de l’éducation de Base pour aller à la rencontre de la famille du jeune garcon affligé. Le président de la République est bel et bien au fait des faits sociaux et son invite à plus de rigueur et au respect de l’ordre public établi interpelle au premier chef les éducateurs qui ont la responsabilité d’encadrer les élèves.

Nul point de dire, à cet effet, pour sortir de ce texte, qu’il est important de définir des perspectives majeures pour l’éducation au Cameroun pour l’année 2023 et suite. En premier lieu, nous prêchons pour notre chapelle. Si de manière récurrente la confiance, la marque de l’autorité, l’accompagnement subséquent, le modèle, que doit inspirer l’enseignant auprès des élèves est brisé, c’est parce que sa condition sociale dans son entièreté est entachée. Redorer son image consiste avant tout à reconstruire dans les imaginaires la place de l’enseignant, qui est celle du Maître. Le Maître ne mendie pas ; le maître ne s’illustre pas par des affects quémandeurs ; le Maître inspire une marque positive. Le Maître ne mendie pas ; Le travail doit être double. Au niveau des écoles de formation, il faut œuvrer à une (re) capacitation psychologique et morale des futures enseignants à travers des programmes de formation valorisants, des exigences vestimentaires conséquents, l’exigence de l’adoption d’une attitude sociale inspirante. En somme, c’est œuvrer à redonner de l’autorité perdue aux enseignants. De manière pratique, il faut développer les capacités des enseignants à travers des cours de leadership, des cours de gestion des conflits, de l’usage des méthodes non-violence dans la pratique quotidienne. Développer en eux des capacités de coaching, d’accompagnement et d’encadreur au-delà des seules et uniques compétences de transmission des connaissances. On ne le relève pas assez, mais cette évidence se fait de plus en plus ressentir. Il y a une proximité de plus en plus grande entre les élèves et les enseignants d’aujourd’hui. Celle jadis n’était que très peu visible du fait du respect tacite que ces deux entités avaient entre elles. L’une des raisons, justifiant cet état de fait, à quelques exceptions près, est la jeunesse de ces encadreurs et la seconde est du fait des NTIC qui brisent les codes et facilitent les rapprochements de plusieurs façons. Il est plus aisé pour un apprenant de communiquer directement avec son enseignant via les réseaux sociaux et établir des proximités, se tisser des liens amitiés et des connivences de toute sorte.

Les données éducationnelles actuelles, de manière pratique, ne peuvent plus être les mêmes. Parce que soumises à des contraintes variables avec le temps, les exigences aussi emboîtent le pas. Les modèles de formation ne peuvent plus au demeurant, rester stoïques. Les paradigmes éducationnelles d’une autre époque, doivent muter pour donner lieu à de nouvelles réflexions. Dans un monde globalisé, rester à la traîne est une dérive. Dans cette optique, il faut en premier lieu, former les formateurs à de nouveaux outils à même de faire face aux contraintes actuelles. La (re) dynamisation de la fonction enseignante à l’ère du numérique s’impose, les exemples ne cesseront d’être concordants, avec acuité. En second lieu, il faut redonner au Maître sa saveur et sa valeur. On ne peut se prévaloir Maître que dans la décence de l’exercice de son métier. Bien que les contraintes financières du pays se font lire avec acuité, la revalorisation de leurs conditions salariales sonne, somme toute, comme une nécessité. De plus, on peut tout aussi adopter le principe de la discrimination positive en appliquant des bonifications en fonction de la distance, de la zone d’enclavement, de la relative sécurité à observer. Les contenus scolaires ne peuvent pas rester en arrière-plan. Plusieurs acteurs sont unanimes sur la place et le rôle salvateur de l’éducation à la morale dans la structuration des schèmes de pensée de l’apprenant, mais cette seule discipline ne saurait être la panacée. Il faut déployer des mécanismes d’encadrement, d’accompagnement psychologique, et de réinsertion des jeunes faisant usage de la violence sous toutes ses formes. En encadrant, on protège, en accompagnant, on ouvre la voie vers de nouvelles perspectives, la sanction ne vient qu’après ces deux étapes cruciales.

Nous l’aurons retenu, l’incivisme est un fléau social dont les tentacules gangrènent toutes les sphères de la société et le milieu scolaire n’en est pas épargné. Pour y remédier, il faut penser à des solutions globales face à des problèmes englobants. Il faut tout autant avoir en idée que protéger l’école, qui est la niche la plus importante de formation de la stature et la carrure d’un individu, futur citoyen, c’est œuvrer d’une manière pérenne à la conservation d’un patrimoine, au façonnement d’un capital humain de qualité, liant le savoir-être, le savoir-faire et le savoir-faire. En somme, c’est surtout assurer, pour l’ intérêt commun, la sécurité collective.

Bonne et Heureuse année scolaire 2023.

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