CHRONIQUE LITTÉRAIRE

LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 30

Mme Evelyne : Tu as bien fait d’arriver Gérôme. Je n’imaginais pas que tu viennes aussitôt.

La porte était ouverte à mon arrivée du coup je n’ai pas eu trop de peine. Une humeur morbide plane dans l’atmosphère. Anna debout dans un coin de la pièce, sa mère assise au milieu du salon tenant une pile de documents.

Moi : J’ai fait aussi vite que je pouvais Mme. ( Je m’adresse à Anna )… Tout va bien ?

Elle hoche la tête en cachant toujours son visage derrière ses mèches ébouriffées. Je prends place sur l’un des meubles du salon.

Mme Evelyne : Anna. S’il te plaît viens t’asseoir.

Anna : Non merci, je préfère rester ici… Au moins là je suis sûr que tu ne feras rien pour porter atteinte à ma vie.

Mme Evelyne : Tu ne vois pas que tu exagère déjà un peu ?? Et que toute cette histoire devient ridicule ? Tu m’as traitée de monstre et ça j’ai fait le nécessaire pour essayer de digérer… À présent j’essaye de te faire savoir la vérité qui, laisse moi te dire me détruit encore plus que toi; mais toi qu’est-ce que tu fais ?? Tu continues à t’obstiner dans cet acte ridicule !! Ressaisi toi tout de suite, sinon toi et moi on ne va pas s’entendre.

Moi : Jodelle, viens t’asseoir s’il te plaît. Écoute ta mère.

Enfin elle quitte son poste pour venir nous retrouver. Elle traverse le siège de sa mère pour venir s’asseoir près de moi toute silencieuse.

Mme Evelyne : Très bien… J’ai bien peur qu’après cette assise toute cette haine que tu me portes sera tournée vers ton père.

Très doucement, Mme Evelyne feuillette devant nous les documents face à elle. Je reste patient dans mon attente, bien que je ne cesse de me poser de multiples questions dont les réponses n’ont aucune équivoque.

Mme Evelyne : Si j’ai tenu à vous réunir tous les deux ce soir, c’est parce que ce que je m’apprête à vous dire vous concerne tous les deux. Je demande la force à Dieu depuis l’autre jour de pouvoir tenir et garder la perche…

Mme Evelyne prend un grand souffle, ce qui me rend subitement mal à l’aise. La pression qui m’écrase est telle que rester sans trembler m’est impossible… « Anna serait enceinte ?? » Enceinte qu’on l’a déjà fait un jour ?? « Qu’est-ce qui pourrait donc me concerner dans cette famille ?? »

Mme Evelyne : Gérôme ??

Moi : Oui Mme…

Mme Evelyne : Qu’est-ce que ta mère t’a dit sur ton père ? Quand tu étais petit??

Moi : Mon père est mort avant ma naissance. Je ne l’ai pas connu.

Mme Evelyne : Et ses photos, les as-tu déjà vu ?

Moi : Oui. Ses photos sont à la maison.

Mme Evelyne : D’accord, je vois. Je crois que tu as droit à quelques explications. Même si l’homme responsable de cela n’est malheureusement plus parmi nous et aujourd’hui me laisse la sale besogne.

Mme Evelyne inspire profondément encore une fois avant de se détendre dans son fauteuil…

Mme Evelyne : Je me suis mariée à ton père Anna, assez tôt. Lui, avant il avait déjà eu une vie. Une vie d’ailleurs qu’il avait décidé de laisser derrière lui. Il ne voulait que je ne saches rien de sa famille proche… De son défunt frère ou même encore de sa feue mère. Excusez moi si vous avez l’impression que je mélange les choses, c’est juste que toutes ces informations sont pour moi aussi des nouveautés. Mon mari était le frère de ton père Gérôme, j’ignore la relation qu’ils entretenaient, mais apparemment ton père était le dernier des irresponsable, des ivrognes et ce dernier battait ta mère. Mon mari de temps en temps intervenait pour délivrer sa belle sœur des mains de son frère furieux et ivrogne. Cela continuait encore et encore jusqu’à ce qu’un jour, n’en pouvant plus, ta mère s’est enfui chez mon mari pour se protéger et c’est en cette soirée même qu’elle t’a conçu Gérôme.

Mes yeux s’écarquillent!!! Je regarde Anna qui elle aussi perd ses moyens. Il ne restait plus que ce genre de fin… Il ne suffisait plus que de ce genre de détail pour rendre l’histoire la plus dégueulasse possible. Et si on l’avait fait !! Si Anna et moi avions fait l’amour en cette soirée… Ou celle d’après ?? Si c’était arrivé !!! Je la regarde en lui posant toutes ces questions par télépathie. Impossible de décrire ce que je ressens présentement.

Mme Evelyne poursuit : Le mari de ta mère ne l’a jamais su… Jusqu’à sa mort parvenue la même année et Dieu seule connait la cause.

Moi : Non, c’est impossible… Je connais mon père. Je sais bien ce qui… C’est impossible toute cette histoire, ça ne concorde avec rien !!! Rien du tout.

Mme Evelyne : Je sais… Gérôme je sais que ça n’a aucun sens. Je suis extrêmement désolée pour le fait que cette vérité t’est été cachée pendant toutes ces années. L’autre soir… Alors que j’étais entrain de me chamailler avec lui, il m’a balancé cette vérité là comme ça au visage en m’expliquant qu’en fait tu es son seul fils.

Anna: Et pourtant… Pourtant il nous a rapproché, Gérôme et moi.

Mme Evelyne : Je vous jure que si pendant une seconde j’avais imaginé que vous étiez frère et… Je suis désolée pour ce cauchemar !! Je vous demande pardon.

Mme Evelyne éclate en sanglots. Anna se lève et vient la prendre dans ses bras.

Anna : Ce n’est pas de ta faute Maman… C’est fini maintenant. C’est moi qui doit te demander pardon.

Mme Evelyne : J’ai tellement peur… Anna j’ai tellement peur de te perdre. Je ne veux pas que quelqu’un ou quelque chose nous sépare.

Anna: C’est impossible que cela arrive…

Mme Evelyne : C’est après tout cela, après toute cette histoire que je l’ai rencontré… Son passé était derrière lui et il ne voulait pas qu’on y retourne. Comment je pouvais un jour soupçonner ? Et le pire c’est qu’il était au courant de tout !! Puisque c’est lui qui a demandé à la mère de Gérôme de lui conseiller notre restaurant, c’est lui qui m’a demandé de garder un œil sur Gérôme, c’est lui qui m’a demandé de l’inviter à la fête… Il savait déjà pour Jodelle et Gérôme, il connaissait ta fille Gérôme… Il savait tout !! Et pourtant moi je n’étais au courant de rien.

Je me lève : Je dois m’en aller…

Mme Evelyne : Gérôme.

Moi : Je suis désolé pour la peine que vous a causé votre mari, mais je continue à me dire jusqu’ici que mon père est mort… Et même si le mari de ma mère était un irresponsable, c’était lui mon père.

Mme Evelyne : Je ne peux pas imaginer tout le mal qu’il t’a fait. Mais ce qu’il a essayé de faire jusqu’ici c’était indirectement de se racheter pour tout Gérôme… C’était difficile pour lui de vivre avec ce poids sur la conscience, raison pour laquelle il a lui même provoqué sa fin en faisant de toi l’héritier de la quasi-totalité de ses biens.

Moi : Et vous imaginez une seconde que je vais sauter sur cette occasion pour m’accaparer de ses biens ? Pendant son vivant il n’a jamais été là pour moi, nous ne nous sommes jamais connu… Mme je ne peux pas hériter des biens d’un étranger. Je suis certain que vous en aurez énormément besoin, tout cela vous est dû compte tenu de vos efforts à rendre cela possible. Cela vous appartient à vous et à votre fille, pas à moi.

Sans la laisser ajouter un argument de plus, je m’en vais. Les dents serrées et la colère dans le cœur. La colère contre cet homme que je n’ai jamais connu et qui se targue d’être mon père, la colère contre ma mère qui m’a menti et trahi pendant toutes ces années… Je me sens totalement sali et énormément blessé, abusé par la personne en qui je faisais le plus confiance.

Jodelle : « Alors, pourquoi est-ce qu’elle t’appelait ta patronne ? »

J’ignore le message de Jodelle.
La même nuit, j’achète un ticket pour me rendre à Dschang… Pendant tout le trajet j’ai la tête ailleurs. J’ai juste envie d’éclater en sanglots, de détruire le visage de cet homme qui a fait de moi un bâtard. Ma mère… Celle que j’aimais le plus au monde, c’est elle qui m’a trahi pendant plus de vingt ans !! Si ce soir j’avais embrassé Anna ou pire encore si j’avais couché avec elle… Qu’est-ce que… Et si elle tombait enceinte ?? La connerie se perpètrerait pour condamner un autre innocent. La colère !! Voilà tout ce qui m’anime.

Il est 6h quand je toque sur la porte… Épuisé, avec comme habit, une seule chemise.
La porte s’ouvre… C’est ma mère.

Maman : Gérôme ?? C’est toi? Mais tu fais quoi à Dschang à cette heure ? Tu n’avais pas prévu de ton…

Moi : Arrête !!! Arrête s’il te plaît… Je ne suis pas là pour ça.

Les larmes que je retenais jusqu’ici se mettent subitement à couler devant elle. J’ai la mâchoire et les poings serrés. Je ne sais pas ce que je ressens en la regardant… Je ne sais pas.

Moi : Pourquoi tu m’as menti ??

Maman : Mais… Menti sur quoi !? De quoi tu parles là ??

Moi : Qui est mon père…

Maman : Gérôme… Gérôme entre dedans s’il te plaît on doit discuter.

À suivre…

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