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DIPLÔMATIE – FRANCE/CAMEROUN : enjeux de la nomination d’un général à la tête de la mission diplomatique française au Cameroun

La publication dans le journal officiel de République Française d’un décret nomme le général de corps d’armée Thierry Marchand comme ambassadeur plénipotentiaire avec résidence à Yaoundé en remplacement de Christophe Guillou. Cet acte suscite des interrogations et des appréhensions au regard du statut du nouveau promu. Que doit-on s’attendre et quel message Paris veut envoyer à Yaoundé ?

Thierry Marchand, nouvel ambassadeur de France au Cameroun.

1- Comprendre la réforme de la haute fonction publique française.

Depuis le 1er juillet 2022, et consécutivement au décret de français du 16 avril 2022 les deux corps chargés de la diplomatie française sont d’abord fusionnés au sein d’un corps unique d’extinction : le corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires.

Puis, à partir du 1er janvier 2023, le corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires est placé en voie d’extinction. Les hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères intègreront progressivement le corps des administrateurs de l’État.

Le souci affiché du gouvernement Macron est d’apporter plus de diversité de profils et de curriculum vitae dans l’espace de la diplomatie française.

En effet cette action s’inscrit dans un registre plus vaste avec la suppression de l’ENA et de la réforme du corps prëfectoral engagée en France depuis 2021.

2- Saisir l’idée des nominations

Dans toutes les administrations du monde, la nomination est un acte fort respectable qui permet à la personne choisie d’ajouter des lignes à son CV et de faire carrière en assumant une fonction précise. Cette réalité institutionnelle obéit à certains profils quand bien même elle reste discrétionnaire. En effet, seul le détenteur du pouvoir de nomination peut décider d’attribuer un nom à un poste en fonction des candidats et des profils.

S’agissant de la France, il y a lieu de penser que sur les 182 ambassadeurs et 89 consuls et consuls généraux des missions diplomatiques, plusieurs prétendants se bousculent. Entre les jeunes, les moins jeunes, les barbouzes qui veulent sortir de l’ombre et les directeurs rompus à la diplomatie, la France dispose de nombreux cadres pouvant servir à l’étranger à un niveau élevé. Et en élargissant l’assiette par la suppression des corps liés aux métiers de la diplomatie pour servir comme ambassadeur, le gouvernement français élargit par la même occasion, la liste des prétendants.

3- Casser des amis.

Les nominations sont des occasions de positionnement. Et nul n’échappe à cette réalité.

En usant du pouvoir de nomination, le souverain suprême se donne l’occasion non seulement de redéfinir la configuration d’une administration mais aussi de placer ses pions sur l’échiquier de la gestion des affaires de l’Etat. Il s’agit le plus souvent de récompenser des personnes qui ont été loyales et fidèles en plusieurs circonstances. Il s’agit aussi de permettre à certains amis de connaître la joie de goûter à des positions de pouvoir.

4- Tenir à distance des emmerdeurs.

La nomination est aussi une occasion de montrer à ceux qui ne sont pas loyaux qui est le véritable détenteur du pouvoir. Devant la réalité du pouvoir, la nomination peut apparaître comme une punition et un moyen d’éloignement de certaines personnalités fortes qui peuvent nuire au détenteur du pouvoir.

Et dans cette optique, même un poste de nomination qui peut paraître prestigieux s’avère, en réalité, un garage ou une forme de punition pour son futur détenteur. Et le refus devient un affront que le souverain suprême sanctionne avec force.

5- Refaire la France du Cameroun pour un général ?

Au moment où il va prendre ses fonctions comme ambassadeur plénipotentiaire avec résidence à Yaoundé, le général de corps d’armée Thierry Marchand doit faire face à une double réalité.

Premièrement la perte des parts de marché de la France au Cameroun. La France ne représente plus un partenaire privilégié des échanges commerciaux. Certes, le franc CFA est toujours la monnaie de référence mais l’idée de sa mort est de plus en plus dans le fil de l’actualité. Les programmes C2D ne doivent pas eux aussi faire illusion dans la mesure où la Chine, la Russie, la Turquie et bien d’autres États participent au développement du Cameroun à travers des prêts le plus souvent à taux zéro.

Deuxièmement, le sentiment anti-français est de plus en plus vivace au Cameroun. Les jeunes générations continuent de parler français mais sont enclines à penser que l’avenir du Cameroun ne peut plus se faire avec la France.

6- Mettre les gens au pas ?

Le militaire est connu pour sa discipline, le respect et l’obéissance aux ordres de la hiérarchie. La diplomatie suppose tact, minutie, négociations et finesse dans l’action.

La diplomatie militaire à travers laquelle la France veut se réinventer au Cameroun concerne les français. C’est à eux qu’il appartient de se mettre au pas pour comprendre la marche du Cameroun. Ce sont les français au Cameroun que le général Thierry Marchand devra discipliner et non pas les camerounais.

En effet, comme diplomate, il ne pourra pas se promener au Cameroun en treillis car il n’est pas en mission de coopération. Faudrait-il le rappeler, les personnels militaires de la coopération en service au Cameroun ont l’obligation de revêtir l’uniforme militaire camerounais correspondant à leur grade dans leur pays d’origine. Et là, nous avons à faire à un ambassadeur plénipotentiaire et un non un militaire. Le général Thierry Marchand n’est pas non plus un militaire de la mission diplomatique française au Cameroun. Il est l’ambassadeur.

En réalité, il s’agit d’un citoyen français rien de plus normal qui après avoir servi comme soldat se retrouve à faire une carrière diplomatique comme tout individu qui a des ambitions personnelles pour sa propre vie et pour son pays. Et en cela, au bout de trois ans, il fera son bilan de mandat comme tout ambassadeur français au service de la France au Cameroun. Un pays qu’elle n’arrive plus à comprendre et qu’elle n’a jamais compris.

Alphonse Bernard Amougou Mbarga.

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