EnquêtesFrançais

INDUSTRIE DE LA BEAUTE : Une niche financière sous-estimée

INDUSTRIE DE LA BEAUTE

Une niche financière sous-estimée

Difficile d’arpenter les rues de Yaoundé sans remarquer les espaces dédiés à la beauté qui, tels des champignons, sortent de terre au quotidien. Au départ, simples « salons de coiffure », ces structures s’ouvrent de plus en plus à d’autres métiers connexes à l’instar de la manucure et de la pédicure. Ce qui dénote de ce que ce secteur d’activités, négligée par d’aucuns, est économiquement porteur. A tel point que rien que la coiffure, rapporte mensuellement à certaines tenancières des recettes supérieures à 3 millions de FCFA.

Dossier réalisé par Raphael MFORLEMLa capitale Yaoundé fait face à une prolifération des salons de coiffure pour femmes dans la plupart des cas et des instituts de beauté mixte depuis quelque temps. Qu’ils soient de haut, moyen ou de bas standing, ils envahissent les abords des boulevards, avenues, routes, rues, et ruelles au point où il devient difficile voire impossible de faire un pas sans apercevoir l’un d’eux dans la ville aux sept collines. Sur le tronçon Mobil Omnisports, Total Ngousso par exemple, l’on dénombre 32 salons de coiffure et instituts de beauté pour ceux que nous avons pu répertorier. Le même constat se dégage sur l’axe Mobil Omnisports, Lycée bilingue, Mobil Essos où l’on a pu recenser 57 établissements. Pour ce qui est de l’axe Mairie de Yaoundé 5eme, Mobil Elig-Essono jusqu’au carrefour EtoaMeki, l’on compte environ 17 salons de coiffure et institut de beauté confondus. Des exemples comme ceuxci sont légion dans la ville de Yaoundé.

Cette prolifération des structures de beauté observée çà et là est synonyme de la demande croissante de la clientèle féminine, obsédée par le désir croissant de toujours avoir une belle apparence. Certaines visitent ces établissements de beauté une à deux fois par semaine ou une fois toutes les deux semaines pour celles qui conservent le plus leur coiffure. S’agissant de la pose ongle, certaines jeunes filles se refont leurs ongles tous les deux jours soit trois fois en une semaine.

Pour les professionnelles de ce secteur d’activité, cette multiplicité des structures de beauté n’empiète guère sur leurs revenus. Sylvie Onana, esthéticienne à l’institut Judith Beauty de Ngousso pense que « chaque coiffeuse a sa clientèle, lorsqu’elle fait bien son travail et que la cliente est satisfaite, celle-ci reste fidèle au salon, et elle devient une niche pour une potentielle clientèle ». La jeune dame ajoute : « Malgré l’arrivée des perruques, il reste que le cuir chevelu etle cheveux des dames demandent d’être entretenus Les clientes qui portent les perruques, viennent toujours au salon pour un bain de cheveux. Une coiffeuse qui connait diagnostiquer et proposer les produits adéquats pour le traitement du cheveu, fidélise sa clientèle et se fait de l’argent même si à coté 10 ou 15 salons voient le jour ».Franchesca Gatchou, coiffeuse au salon American Shop Y-Beauty au quartier Omnisports est plus ou moins du même avis que Sylvie. « La kyrielle des salons de coiffure n’impacte aucunement sur l’activité tout simplement parce que tout dépend de la qualité d’œuvre réalisée par les uns et les autres, le rendement de chaque coiffeuse est différent de celui de l’autre ». Par contre, cette dernière se plaint du COVID-19 qui a négativement impacté le secteur. « Avant l’arrivée de la pandémie, l’activité se portait mieux, la légère baisse observée n’est pas due à la prolifération des salons mais au coronavirus ».

Adine Christelle, promotrice de l’institut Berliner Gold au quartier Ngousso avoue que la multiplicité des structures de beauté, est un appel à la compétitivité pour les acteurs du secteur. « C’est une compétition ouverte, elle permet de se surpasser en fournissant plus d’efforts, d’innovation et d’ingéniosité dans la qualité du service rendu. Le but étant de fidéliser la clientèle existante et d’attirer de nouveaux clients dans la mesure du possible. En outre, cette pluralité des instituts est un risque pour les acteurs car, en cas d’insatisfaction, le client a la possibilité de changer immédiatement d’établissement. D’un autre côté, le fait que l’on existe depuis des années et qu’on a gagné une certaine notoriété auprès des clients, on réussit à exister malgré cette prolifération des salons ».

BUSINESS DE LA BEAUTÉ

Un secteur qui brasse mensuellement des millions de FCFA

Derrière ce qui apparait comme étant un métier peu porteur et improductif, se cache une manne financière sans précédent. Seuls les promoteurs de ce secteur ont une idée exacte de ce que leur rapporte cette activité. Pour un centre de beauté comme l’institut Berliner Gold qui reçoit au bas mot 3 à 4 personnes par jour pour des soins de manucure, la promotrice, Adile Christelle indique que « les prix des services d’onglerie oscillent entre 10 000 FCFA, 12 000FCFA et 15 000 FCFA. Des prix fixés en fonction de la qualité des infrastructures car, plus un promoteur investit dans la qualité des infrastructures plus le coût des services est élevé ».

Ainsi, pour quatre clientes reçues pour des services d’onglerie dont le coût s’élève à 10 000 FCFA, c’est au total 40 000 FCFA de recettes journalières que fait cet institut pour ce seul service, soit 280 000 FCFA la semaine et environ 1 200 000 FCFA le mois. Pour ce qui est du coût du massage à l’institut Berliner Gold, la promotrice fait état de ce que, « le prix varie d’une structure à une autre. Chez nous, le massage est facturé à 10 000 FCFA, vous retrouverez le même service ailleurs à 5000 FCFA, 6000 FCFA et à d’autres endroits à 15 000 FCFA, 20 000 FCFA ».Pour l’institut Berliner Gold qui reçoit en moyenne 50 personnes par mois pour des services de massage, les recettes oscillent autour de 500 000 FCFA le mois et environ 6 000 000 FCFA par an. S’agissant de la coiffure, son coût tient compte de certains paramètres comme le fait savoir Franchesca Gatchou, coiffeuse à l’institut American Shop Y-Beauty au quartier Omnisports :« Le prix diffère d’une cliente à une autre et surtout en fonction de ce qu’elle désire. Chez nous, les coiffures vont de 5000 à 15 000 FCFA, les plus chères sont des poses greffes ». Il en découle qu’avec 8 à 10 clientes en moyenne par jour pour des coiffures dont les coûts vont de 5000 FCFA, 10 000 FCFA à 15 000 FCFA, c’est 40 000 FCFA de recette journalière pour 8 clientes coiffées au prix de 5000 FCFA chacune, soit 280 000 FCFA par semaine et environ 1 200 000 FCFA de recette en 30 jours. Pour 8 dames coiffées chacune au prix de 10 000 FCFA, la recette journalière os cille autour de 80 000 FCFA, soit 560 000 FCFA la semaine et environ 2 400 000 FCFA le mois. Quant à 8 têtes tissées au prix de 15 000 FCFA chacune, l’entreprise fait environ 120 000 FCFA de recette journalière pour 840 000 FCFA par semaine et environ 3 600 000 FCFA de recettes mensuelles.MÉTIERS DE LA BEAUTÉ

La plus-value de la manucure, pédicure et de l’onglerieOutre les tresses et la coiffure rendues possibles dans les salons et instituts de beauté, ces structures offrent également une kyrielle de services à l’instar de la manucure, la pédicure, l’onglerie, le massage corporel, le hammam pour ne citer que ceux-ci, qui ont tous pour objectif d’offrir à la clientèle femmes comme hommes la beauté, l’éclat et le bien-être physique. A l’institut Judith Beauty spécialisé dans les soins d’esthétique, la plupart du travail s’effectue sur rendez-vous tel que nous le confie Sylvie Onana, esthéticienne au sein de cette structure. « Nous avons fidélisé notre clientèle de telle enseigne que nous la recevons sur rendez-vous. Certes nous recevons également des personnes extérieures mais, il y a des jours où nous ne recevons aucune visite et d’autres où nous pouvons recevoir deux, trois personnes pour les soins. Avant tout traitement chez nous le client passe par une consultation qui permet de diagnostiquer le type de peau du client afin de déterminer quel produit utiliser sur ce dernier. Pour ce qui est du coût des soins, il varie en fonction du client et du traitement dont celui-ci a besoin. Ici à l’institut Judith Beauty, la consultation coûte 2000 FCFA et le prix des soins de visage par exemple commence à partir de 5000 FCFA » indique, Sylvie Onana.À l’inverse, à l’institut Berliner Gold qui offre plusieurs services tels que coiffure homme et coupe féminine, soins esthétiques, soins de visage, onglerie, gommage, massage et commercialisation des produits de beauté, la clientèle est reçu tous les jours. Adine Christelle, promotrice de cet institut laisse entendre que « le travail en semaine n’est pas pareil qu’en weekend. Dans un service comme la manucure par exemple, l’on peut recevoir 2, 3, 4, 5 voire 6 clientes par jour, ça dépend. Pour ce qui est du service de massage, nous constatons que c’est plus les hommes qui accourent contrairement aux dames, pourtant c’est un service réservé pour toute personne qui travaille très dur. Pour ce service, nous recevons en moyenne 50 personnes par mois », indique Adine Christelle.

En plus des prestations sus évoquées, il y a le hammam. L’un des instituts qui offre ce service au quartier Omnisports est l’institut Johnny King coiffure. Sandrine Daline Ankole, esthéticienne au sein de cette établissement, explique : « Le hammam consiste à introduire un individu dans une chambre chaude qui dégage de la vapeur sous forme de chaleur accompagnée d’une musique douce. Il a pour objectif de détendre le client, d’ouvrir ses pores, et de déstresser ce dernier. Il est conseillé aux personnes qui veulent procéder à un gommage corporel car, il permet de dilater la peau et de décoller facilement les peaux mortes. Le hammam, facilite également la circulation sanguine. En outre, il est déconseillé aux femmes qui voient leurs menstruations, aux personnes asthmatiques et à toute personne ayant une respiration anormale ».Avant l’avènement de la pandémie à coronavirus ce service se portait bien. L’institut recevait en moyenne 5 à 6 personnes par jour aujourd’hui, il arrive qu’en 24 heures qu’il ne reçoive aucun client, indique Sandrine Daline Ankole. Ceux qui s’offraient déjà ce service, ont été refoulés par le COVID-19. Sandrine Daline Ankole fait savoir que le Hammam coûte un peu moins cher dans son institut que dans d’autres établissements. « Nous faisons le Hammam à 5000 FCFA pour une durée de 1 heure à 1 heure et 30 minutes. Ailleurs il coûte 10 000 FCFA pour une durée 45 minutes. Vue la situation économique, il y a des jours où nous ne recevons aucune clientèle et d’autres jours ou nous recevons 2, 3 clients ça dépend ». En estimant la moyenne de la clientèle à 2 par jour à raison de 5000 FCFA par individu, l’institut Johnny King pourrait faire une recette journalière de 10 000 FCFA, soit 70 000 FCFA la semaine et environ 300 000 FCFA par mois pour ce seul service.DIFFICULTÉS

Perruques, un frein pour l’activitéDepuis son arrivée sur le marché camerounais, la perruque est responsable à 50% de la baisse du flux des femmes dans les salons de beauté comme l’atteste, Franchesca Gatchou, coiffeuse à l’institut American Shop Y-Beauty. « Aujourd’hui chaque femme veut porter une perruque. Du coup, le nombre de femmes qui se fait coiffer connait une baisse. Avant l’arrivée des perruques on pouvait coiffer environ 25 têtes en une journée. Aujourd’hui nous coiffons 8 à 15 têtes par jour ».

Coutumière au port des perruques, Axelle Joanna Gimbang Ngo indique : « Lorsque je mets la perruque, je suis plus à l’aise. Avec mes soucis oculaires la perruque m’évite de me tirer le cheveu avec les tresses. Lorsque je rentre à domicile après une journée de boulot, je l’enlève et je laisse respirer ma tête ». C’est que, économiquement parlant, la perruque évite à la femme de débourser de l’argent pour la coiffure toutes les semaines ou tous les mois. « Au départ, l’on peut penser que la perruque coûte une fortune, chose qui n’est pas vraie. Si je veux par exemple me faire de grosses rastas, je vais acheter environ 6 paquets de mèches à raison de 1800 FCFA ou 2000 FCFA l’unité, j’associe à ça la main d’œuvre. Au finish la coiffure me revient à 15 000 FCFA pour une durée de deux semaines. Par contre avec une perruque achetée à 30 000 FCFA, je peux la porter pendant des années. En évaluant, la perruque est moins chère », fait savoir Axelle Joanna.C’est à la main que la perruque est fabriquée, Franchesca Ngatchou explique : « La mèche est tissée sur un chapeau aux abords plus ou moins élastique posé sur un mannequin à la forme d’une tête humaine. La coupe tissée est celle commandée par la cliente ». D’après Calixte Nga, coiffeuse et promotrice d’un salon de beauté derrière la Mobil Omnisports, les perruques se réalisent avec tous types de mèches, « elles sont confectionnées à base des mèches occidentales soit brésilienne, péruvienne, indienne pour obtenir les greffes comme produit fini.

Aussi, les perruques sont fabriquées avec tout type de mèches disponibles sur le marché, mèches simples pour les perruques de tresses, rastas, passe-mèches, ou avec les mèches synthétiques mais également avec les mini-mèches ». Au cours de nos investigations, l’on a pu constater que sur 10 instituts de beauté, 8 à 9 ne se procurent pas des perruques préfabriquées pour en revendre. Ils les confectionnent sur commande comme l’indique Calixte : « Je ne confectionne pas pour vendre c’est lorsqu’une dame vient avec sa mèche, peu importe le type, que je lui confectionne sa perruque ».

Comme elle, plusieurs en font autant. C’est le cas de Franchesca. « Nous n’achetons pas des perruques pour en revendre au contraire, ce sont des clientes qui se procurent la mèche, naturelle, brésilienne, indienne bref tout type de mèche et nous la rapportent pour qu’on leur confectionne des perruques, nous n’achetons pas pour revendre et nous ne conservons pas en stock », témoigne la coiffeuse. Pour ce qui est des coûts, les perruques confectionnées dans les instituts varient d’un établissement à un autre.A l’institut American Shop Y-Beauty, le prix d’une perruque oscille entre 10 000FCFA et 15 000 FCFA. Ce, en fonction du type de tissage désiré par la cliente. Une perruque simple ou avec closure coûte 10 000 FCFA, avec frontale 15 000 FCFA, laisse entendre Franchesca. Chez Calixte Nga, une perruque confectionnée par ses soins avec une mèche naturelle disponible sur le marché coûte 15 000 FCFA à 35 000 FCFA. Pour une perruque une mèche occidentale, le prix varie en fonction de sa longueur ; lorsqu’elle est courte elle vaut 75 000 FCFA, 100 000 FCFA, lorsqu’elle est longue elle vaut 300 000 FCFA, 400 000 FCFA. Pour celles des perruques préfabriquées et mises sur le marché, des informations glanées çà et là font état de ce qu’elles ne sont pas de bonne qualité. Achetées au prix de gros à 2500 FCFA, 3000 FCFA, 3500 FCFA, 4500 FCFA, elles sont vendues à vil prix, soit pour un bénéfice de 500 FCFA par pièce vendue, indique Moise Sokeng, revendeur de perruques au marché Elig-Edjoa à Yaoundé.

Selon ces coiffeuses, l’avènement des perruques n’est pas la seule cause de la baisse de l’activité, il y a également la pandémie à coronavirus qui a chassé les dames dans les salons de beauté. « Avant son apparition nous avions des clients mais aujourd’hui, les femmes craignent de se faire contaminer dans les salons. Quand bien même elles se rendent dans les salons c’est juste pour un bain de cheveux », affirme Calixte Nga.

Afficher plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page