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CROQUEUSE DE DIAMANT ( Revers de la médaille)

Chapitre 09 : Ma mère

« Les parents ont toujours sur nous une influence positive qu’on ne remarque même pas aussi longtemps qu’on reste chez-eux. Au contraire ça nous fatigue toutes les fois où ils nous ramènent les mêmes commentaires sur les conduites à tenir et les choses à éviter. C’est comme s’ils nous empêchaient de vivre notre vie, de découvrir nos expériences. C’est la raison pour laquelle la plupart des jeunes africains créent une barrière entre eux et leurs parents, parce qu’ils se calquent à l’éducation de l’occident. Mais vous savez, c’est terrible et même invivable de perdre un être cher qu’on a toujours aimé sans le montrer… Voir une personne qui nous aime vraiment, partir trop tôt.»

« Mon portable sonne… C’est ma mère. Je décroche.

_ Allô Adja.

Adja : Ma chérie. Pour une première fois tu décroche rapidement… Qu’est-ce qui s’est passé aujourd’hui ?

Je rigole : Je manipulais mon téléphone. Comment tu vas ?

Adja : Bien Inchallah. Je t’appelle pour te dire que je suis en route pour Yaoundé et j’aimerais après mes transactions passer la nuit chez vous…

Cette annonce créé un énorme choc à l’intérieur de moi. Ma mère, venir ici ?? J’ai les images d’elles chez moi et ça ne passe pas. Aussi longtemps qu’on est ensemble à foumbot il n’y a pas de soucis… Mais de là à ce qu’elle vienne ici, c’est une toute autre chose.

Adja : Allô ??

_ Oui Maman je suis là. J’ai eu un petit souci, mais je suis là.

Adja : Alors qu’est-ce que tu en penses ? Je voulais te faire la surprise… Mais j’ai préféré faire comme une personne civilisée et te laisser le temps de faire ce que tu auras à faire pour rentrer à temps à la maison.

_ D’accord Maman… Tu seras là dans combien de temps ?

Adja : Je suis déjà à bafia. Donc dans une heure environ… Le chauffeur roule très vite !!

_ C’est compris. Dès que tu es à l’agence tu me fais signe s’il te plaît.

J’avais un truc de prévu ce soir avec Max, mais bon… Je n’ai qu’à annuler et à bien accueillir Maman. Vu que ce n’est pas tous les jours qu’elle sera là. Je suis stressée… Vraiment stressée.

Habiba entre sans frapper.

_ Tu as décidé de rentrer à temps aujourd’hui… C’est une première.

Habiba : Pardon. Pas ton sermon ce soir… J’ai d’abord très mal à la tête.

_ Alors fais tout ton possible pour te dessouler parce que ma mère arrive ce soir.

Habiba s’arrête net : Attends!! Tu rigoles j’espère.

_ Quand tu me vois là, j’ai l’air de quelqu’un qui baliverne ?

Habiba : Elle vient pourquoi déjà ? Et comment elle peut arriver sans prévenir comme ça ?

_ Bibi pardon !! Je t’annoncais juste la nouvelle. Ce n’est pas pour que tu en fasses une tarte. C’est juste pour te prévenir au cas où tu avais des trucs de prévu.

Habiba : Elle ne peut carrément pas me voir dans cet état.

_ Et…

Habiba : Je vais partir. S’il te plaît trouve une excuse pour me couvrir… Jenevah je suis bourrée et je pue l’alcool.

_ Tu es sérieuse là ?? Bref c’est toi qui décide maintenant. Qu’est-ce que je suis sensé lui dire ?

Habiba : Juste que… Je suis allée pour un exposé et j’y ai passé la nuit. C’est sensé non!? De toutes les façons elle ne s’y connait pas vraiment.

_ Hmmm. D’accord si tu le dis.

« C’est ainsi que Habiba trouvait son excuse pour s’en aller. Pour moi c’était un bon moyen d’avoir au moins une intimité avec ma mère et l’écouter me prêcher. Même si j’avoue que d’une part ses prédications me fatiguaient… Trop de conseil et toujours des pointes du doigt. Mais c’était ma mère, supporter sa surprotection faisait partie du game.

J’ignorais ce qui m’attendait à la gare quand j’irai la chercher.  »

_ Mama!! Dis-je en posant ma main sur ma bouche.

« Ce n’était plus ma mère. Enfin pas celle que j’avais connu jusqu’ici. Elle était debout et soutenu par Moktar et Aboubacar qui la tenait par les épaules. Ses joues avaient complètement disparues à l’intérieur et on pouvait voir ses yeux fondrent dans l’orbite. Elle essayait de me sourire, mais même la joie l’avait quitté. »

Ma mère trébuche et fait de tomber, je cours pour la soutenir.

Adja en souriant : Ça va, je peux tenir grâce à l’aide de ces deux gaillards.

Je veux parler, mais ma voix disparaît et je sens le chagrin s’emparer de toute ma personne… Mon visage s’atriste et je me mets à pleurer amèrement.

Adja : Jenevah… Ma chérie tu ne peux pas pleurer mon deuil pourtant je suis encore vivante. Je t’interdis.

Moi en pleurant : Je suis désolé Maman!!

Je me fonds dans ses bras en la soutenant de toutes mes forces. Ses maigres mains froides se déposent sur mes joues…

Adja : Regarde moi… Jenevah regarde moi.

Je lève timidement la tête pour la regarder. Je n’arrive pas à m’empêcher de pleurer… Le choc est indescriptible.

Adja : Ce n’est pas cette jeune fille que j’ai élevée… J’ai élevé une jeune fille forte et pleine d’énergie.

_ Adja… Mais tu es malade, et je n’étais pas au courant. Pourquoi tu… Pourquoi tu ne m’as pas dit avant ?

Adja : C’était justement pour que ça ne t’affecte pas autant. Il fallait te voir te comporter comme une vraie petite fille heureuse à côté de sa mère… J’étais malade mais juste à cause du fait que tu ne le savais pas, ça n’avait pas d’impact sur toi et ça me rendais heureuse. Mais je ne peux pas te cacher mon état jusqu’à la fin ma fille.

_ Adja… Il faut qu’on te soigne. Il faut que tu retrouves ton poids et que tu continues tes activités. Ça ne me plaîtpas de te voir dans cet état.

Adja : Jenevah… Je suis ici pour des soins intensifs. Même comme l’argent qu’ils me demandent je ne peux pas l’avoir…

_ Combien ils te demandent ?

Adja : Un million de francs pour l’opération… Ma pneumonie est à un stade critique et on l’a découvert beaucoup trop tard.

« Un million !! La vie de ma mère ne tenait qu’à un million pourtant je n’avais pas le pouvoir de résoudre ce problème… J’étais impuissante et je n’avais que mes yeux pour voir sa situation se dégrader. L’un de mes oncles paternel l’avait invité à Yaoundé pour qu’elle puisse bénéficier de quelques soins de bases en attendant la somme requise pour son opération qui ne pouvait même plus se faire dans ce pays »

Adja : Je ne suis pas venu pour te voir pleurer… Je suis venu pour te parler et pour que tu m’écoutes.

Je hoche la tête en essuyant mes larmes qui ne cessent de couler.

Adja : Allons chez ton oncle… J’ai besoin de me reposer d’abord.

À notre arrivée, tout le monde est là. La maison est pleine et quelques femmes y sont déjà comme si elles attendaient un cadavre… En voyant ma mère, j’écoute des personnes sangloter à basse voix et d’autres les menacer de se taire.

La maison triste, froide et calme nous acceuille. Oncle Diallo sort de la maison avec son énorme boubou pour acceuillir le cortège de sa petite sœur…

Oncle Diallo en lui tendant les mains : Adja Awouènèh ?

Adja : Mbouah monteru…

Tout le monde s’active à accompagner ma mère et nous à l’intérieur. Nous entrons et trouvons un canapé déjà préparé pour faire reposer ma mère… Après le petit protocole, Adja prie les autres de nous laisser toutes les deux. Nous sommes désormais toutes seules… Elle et moi.

Adja tousse : Comment va l’école ?

_ Bien Maman… L’école va bien. Ne parle pas beaucoup s’il te plaît repose toi.

Adja : C’est après ma mort que tu veux que je te dises ce que j’ai à te dire ?

Je sanglote : Maman ne dis pas des choses pareilles…

Adja : Tu es une fille intelligente… Et tu sais que parmi tes frères et tes sœurs tu as toujours été la plus responsable. Je ne te l’ai jamais vraiment dit directement… Mais Jenevah tu fais ma fierté.

Je tiens les mains froides de Maman dans les miennes en gardant la tête baissée.

Adja : Je sais aussi que tu es une belle fille et une future bonne femme… Mais en chemin tu auras des obstacles à traverser. Des pièges… Tu t’en sortiras de certains sans égratignures, par contre d’autres te laisseront tellement de séquelles indélébiles. Tu comprends ça ?

_ Oui Maman !!

Adja : Je vais mourir…

_ Adja !!!

Adja : Jenevah je t’ai demandé de te taire quand je parle… Suis-je folle ??

Je fais non de la tête, toujours en sanglotant.

Adja : Si les émotions remplissent ton âme, tu ne comprendras jamais le sens de mes paroles… Alors arrête de pleurer.

Comment arrêter de pleurer face à ce genre de situation, si elle connaissait une méthode il fallait qu’elle me l’apprenne. Ma mère m’avait tout appris, sauf comment vivre sans elle… Qu’est-ce que j’étais sensé devenir à cet effet ?

Adja : Je veux te demander une faveur Jenevah. Dit-elle en me regardant fixement dans les yeux.

_ Laquelle Maman ?

Adja : Bats toi pour tes rêves et tes ambitions… Parce que au fond à la toute fin ça reste une fierté de partir en laissant une vie accomplie. Écoute ton instinct et ne te laisse offusquer par personne… Mais surtout il faut savoir faire les bons choix.

_ Comment je saurais si ce sont les bons choix si tu n’es pas là pour me montrer la voie Maman ?

Ma mère sourit : Je suis au courant de ce que tu fais Nevah… Tu n’as pas demandé mon avis, mais juste à cause du fait que c’est quelque chose qui te tiens à cœur, je sais que c’est une bonne décision. Mais ce milieu est rempli de piège… De pièges vicieux où seuls les plus futés ne tombent.

_ Adja je…

Adja : Ne laisse pas la gloire te monter à la tête. Car je sais que tu es appelé à de grandes choses… Jenevah, le tout c’est de savoir qui tu es et d’où tu viens.

 » Ces paroles étaient brèves, même d’une profondeur inestimable. Mes émotions prenaient les devants c’est vrai, mais au fond je savais ce que j’avais à faire. Mais comment profiter de toutes ces opportunités si ma mère n’était pas là pour me voir devenir une femme ?

La chose la plus pénible fut sa mort. Je lui avais promis qu’avec mon premier salaire de contrat j’allais contribuer pour ses soins médicaux… Mais après une semaine il n’y avait de Adja. Sa maladie l’avait emporté à tout jamais… Dans un silence éternel. Je me rendis compte du fait que c’était la fin… Je n’avais plus de mère.

Quelques mois après, n’ayant plus personne pour s’occuper de lui, mon père lui aussi rejoignit ma mère dans le séjour éternel… J’étais désormais orpheline avec des sœurs et des frères. »

À suivre…

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