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AFFAIRE BOYCOTT MTN – ORANGE : « indexer la responsabilité du politique », d’après Mathieu Davy EYA, enseignant – auteur

Le débat qui charrie les auditeurs passionnés depuis pratiquement une semaine et qui a sectionné en deux parties antagonistes, à la limite belligérantes au plan épistolaire, la _datasphère_ camerounaise, c'est le lancement du boycott contre les entreprises de téléphonie mobile MTN et ORANGE.

À la vérité, ce boycott est une initiative contribuant à exprimer le ras-le-bol des consommateurs sur la qualité du service qu’ils reçoivent et sur les tarifications exorbitantes de ces entreprises. Dans un environnement où le pouvoir d’achat explose de manière exponentielle, où de moins en moins de personnes arrivent à se nourrir de manière convenable, où pratiquement tous les secteurs de la vie publique, utiles à donner source de satisfaction aux populations sont paralysés (éducation, santé, finance, transport, énergie, Etc.), Dans ce capharnaüm de difficultés qui s’enchevêtrent au fil du temps, le panier de ménagère subissant des coups constants, le lancement d’un Boycott de cette nature s’inscrit, si l’on est un observateur avisé, dans l’ordre des choses. Posons tout de même quelques balises avant de continuer.

À quoi renvoie le sens du boycott ? Est-ce un acte Républicain ?

Le Boycott renvoie à une cessation de toute relation avec un individu ou un groupe et un refus de consommation de ses biens et services. C’est aussi, le refus collectif et systématique d’acheter ou de vendre les produits ou services d’une entreprise pour marquer une hostilité et de faire pression sur elle. Dans une République, le boycott peut prendre, selon des circonstances, une perception républicaine ou une perception d’acte de dissidence. Selon que le boycott se dresse devant une action politique, par exemple inciter des personnes à ne pas voter pendant une période électorale, ou encore entraîner des personnes à ne pas prendre un vaccin lors d’une large campagne de vaccination lancée pour combattre une épidémie. Ces deux actes mentionnés, quand bien-même nourris d’un contenu manifeste et compréhensible, sont considérés comme étant subversifs et avant coureur de fracturation de l’équilibre socio-politique d’une nation.

Toutefois, le contexte qui est le nôtre cette fois-ci à une saveur différente. Il s’agit de la matérialisation d’une société démocratique qui a conscience de son pouvoir et qui prend la responsabilité de son exercice face à un abu qui se vit et qui se sait de manière quotidienne de tous.

Quand une population est mature, elle doit être à même d’exprimer de manière responsable et citoyenne son mécontentement. Quand elle n’arrive pas à le faire, c’est très souvent la preuve de ce qu’elle est tenue par des chaînes de la servitude qui empêchent qu’elle ne manifeste son désarroi en se laissant encastrer au péril de son bien-être.

En tant que citoyen responsable et intellectuel avisé, il est incongru de militer pour que les droits des consommateurs soient bafoués. C’est le fruit de leurs efforts qui enrichit ces entreprises, ils ont droit au chapitre sur le type de service qu’ils reçoivent de leurs fournisseurs, l’impératif est vite établi.

Le présent débat questionne de prime abord, même si cela n’apparaît pas à priori clairement mise en lumière dans les esprits, la Responsabilité Sociale de ces Entreprises vis-à-vis des consommateurs.

LA RESPONSABILITÉ SOCIALE/SOCIÉTALE DE MTN – ORANGE

La RSE prend ses racines dans les travaux de certains managers américains dans les années 1950. Ils avaient en idée de mettre en valeur le fait que, si les entreprises ne se concentrent plus uniquement sur leurs profits mais aussi sur l’impact qu’elles ont sur la société, elles en tireront bénéfice. Le fait par exemple pour une entreprise de mieux payer ses employés contribue à leur donner du pouvoir d’achat avec lequel ces derniers vont peut-être acheter les produits de l’entreprise. Si une entreprise gère mieux son impact sur l’ environnement, elle fera des économies à long terme. Par ricochet, si une entreprise satisfait convenablement sa clientèle, elle mise sur la fidélisation de celle-ci.

Dans un environnement concurrentiel, le principe marketing de fidélisation de la clientèle est crucial pour ne pas faire chuter son chiffre d’affaires. Il s’agit de construire le produit et le service offerts autour d’une ergonomie qui donne satisfaction au client.
MTN et ORANGE se font un bénéfice annuel considérable, seulement à en croire le budget qu’ils consacrent pour le marketing de leurs produits. Mais si le consommateur est asphyxié, si son pouvoir d’achat chute, alors la responsabilité de toute entreprise sérieuse serait de revoir, d’abord de manière circonstancielle, puis de manière définitive si le problème persiste, les prix à la baisse. Se faire du profit contre vent et marée, c’est tout sauf agir de manière écolo-responsable dans un environnement d’inflation permanente.

L’ÉTAT RÉGULATEUR ET GENDARME DU BIEN PUBLIC

Il est bien de soutenir une initiative de cette nature, en demandant sans ambage des comptes à celui qui nous offre directement le service pour lequel nous dépensons de l’argent. Il est une autre d’exclure ceux qui ont la responsabilité politique d’extraire la gangrène en jouant leurs rôles de régulateurs, en faisant la police du bon service rendu.

On ne peut pas questionner la qualité d’un service offert à la population sans questionner l’autorité publique qui est en charge de veiller à sa bonne marche. L’agence de régulation des Télécommunications (ART) a une profonde Responsabilité qu’il ne faut nullement extraire. Le ministère des postes et télécommunications (Minpostel) a la lourde responsabilité de s’assurer de ce que le secteur de la télécommunication au Cameroun fonctionne de manière harmonieuse. Le temps des promesses vaseuses doit laisser place à un agir impérieux. Que dire du fonds de développement des télécommunications, versé par les entreprises ? Il s’agit de pratiquement 3 % du chiffre d’affaires de ces derniers qui est reversé afin d’assurer l’entretien et l’amélioration du service de télécommunications au Cameroun. Les résultats ne sont pas probants jusqu’ici. La dénonciation citoyenne doit être plus grande. Elle doit impérativement indexer le politique pour être pérenne. Il ne faut pas faire des dénonciations de façades et partisanes. Oui il faut demander des comptes à MTN et à ORANGE, qui offrent un service en dehors des standards qui caractérisent notre pays, mais il ne faut pas exclure de monter d’un cran plus tard.

Rien ne doit être laissé au hasard, il faut gagner le Cameroun jusqu’à la lie.

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