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INITIATIVE CHINOISE « LA CEINTURE ET LA ROUTE » : fenêtre d’opportunités pour le Cameroun et l’Afrique

Une conférence-débat a été organisée à Yaoundé le 29 septembre dernier pour explorer les avantages de ce projet chinois lancé en 2013, et les meilleures voies à explorer à l’effet d’en tirer profit pour le développement des pays africains.

Photo de famille de la conférence-débat

Une conférence internationale a été organisée le 29 septembre 2023 au Palais polyvalent des sports de Yaoundé par le magazine d’information Actu Chine-Cameroon (ACC). Le thème portait sur « L’Initiative ‘‘Route et Ceinture’’, regard sur les enjeux et perspectives de la formation chinoise : cas de l’Afrique subsaharienne. » La Belt and Road initiative (BRI), sous son appellation en langue anglaise, a été lancée en 2013 par le président chinois Xi Jinping, avec pour objectif d’assurer le développement partagé pour une communauté de destin. Une initiative qui célèbre donc son 10e anniversaire cette année. Cette conférence intervenait aussi dans la perspective de la célébration le 1er octobre de la 74e fête nationale de la Chine. La cérémonie d’ouverture a donné lieu à diverses prises de parole. Le représentant du ministre des Relations extérieures, Dr. Oumar Moussa, Directeur du Centre d’analyses stratégiques par intérim, a souligné en à l’occasion, les opportunités de bourses offertes par la Chine au gouvernement camerounais. Des opportunités qui sont croissantes depuis 2018 et ceci dans plusieurs domaines, d’après lui. Dans sa leçon inaugurale, le Pr Nkolo Foé, philosophe camerounais, membre du comité consultatif de l’Institut Chine-Afrique basé à Beijing, a relevé que les liens entre l’Afrique et la Chine constituent une histoire de solidarité, d’amitié et de fraternité de longue date.

Dr Oumar Moussa prenant parole
Professeur Nkolo Foé

Dès lors, pour son développement, quel modèle l’Afrique doit emprunter ? En quoi l’initiative chinoise peut-elle aider le continent africain ? Comment capter les opportunités offertes par la Chine dans tous les domaines de développement ? Autant de questions qui ont trouvé réponses après la journée de réflexion menée par des universitaires, experts, responsables camerounais et chinois. D’après Hermann Mefire, Directeur de publication de l’ACC, également directeur scientifique de la conférence-débat, l’Afrique et particulièrement le Cameroun, peut mieux s’inspirer de la Chine pour entamer son envol. D’autant plus que ce pays d’Asie a su tracer sa propre voie de développement, en suivant des principes méthodiques et rigoureux. Les deux parties ont magnifié les fruits de la coopération sino africaine, qui a pris une vitesse de croisière depuis les années 2000 avec l’institution du forum au plus haut niveau de l’Etat connue sous le nom de FOCAC, sans oublier son offensive dans les investissements profitables aux pays concernés. De ce fait, la Chine est restée ces dernières années le principal partenaire commercial de l’Afrique.

Graphique mis à jour avec les données de 2020 le 18 janvier 2023.

A titre d’illustration, en 2022, les  échanges commerciaux vers l’Afrique ont culminé pour plus de 282 milliards de dollars. Et pour les trois premiers mois de l’année 2023, une augmentation de près de 1,5 milliard de dollars dans les échanges est notée. Preuve d’un dynamisme perceptible dans la coopération et cela stimule la croissance dans le continent africain peuplé de 1,2 milliard d’habitants. De son côté, la Chine qui compte 1,4 milliard d’habitants s’est sentie interpellée dans son regard vers l’Afrique, à l’aune de sa vision stratégique pour un avenir partagé. Le Cameroun avec ses près de 30 millions d’habitants, entend largement tirer profit de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route ». Et déjà, en mai dernier, pour ce qui est du Cameroun, un accord de plus de 18 mille milliards de francs CFA a été signé entre la partie camerounaise et chinoise pour le financement de la Stratégie nationale de développement à l’horizon 2030 (SND30). Un montant d’accord qui reste jusqu’ici inégalé dans l’implémentation de cette vision stratégique du gouvernement camerounais.

L’initiative chinoise offre au Camerounais, des possibilités de financement et bien d’autres choses : transfert de technologie, bourses d’études…

Comment le Cameroun peut-il en profiter ?

Des stratégies sont proposées pour que le pays en quête de l’émergence pour tirer avantage du développement industriel de haut niveau de la Chine.

Echangeur d’Obala au Cameroun

La République populaire Chine s’est aujourd’hui imposée comme deuxième puissance mondiale grâce au niveau supérieur de son développement industriel, largement partagé entre ses populations et ses partenaires à travers le monde. En tant que partenaire de ce géant d’Asie, le Cameroun a tout intérêt à s’inscrire sur la voie chinoise pour s’en inspirer. Et la Conférence-débat de Yaoundé a imaginé des stratégies au pays pour que le transfert de technologies chinoises, soit effectif. L’une d’elles est de créer des zones économiques régies par des lois favorables au marché. « L’Etat du Cameroun gagnerait  à polir l’environnement des affaires. Il faut en finir avec la corruption, la mal gouvernance. Le gouvernement a donc intérêt à mettre sur pied des zones économiques où il rendrait la fiscalité moins élevée dans le but de stimuler l’activité économique et attirer les investisseurs. La non existence de ces zones fait que le transfert de technologies et de compétence échappe au pays », pense l’Enseignant Moise Fernand Njipendi, historien spécialiste de l’histoire économique et sociale. Pour l’enseignant du département d’histoire de l’université de Yaoundé I, il faut s’’inscrire dans la dialectique des intelligences.

Moïse Njipendi

S’agissant des bourses, la barrière linguistique rend difficile l’accès des camerounais à celles-ci, et même au transfert de technologie à partir de la Chine vers Cameroun. Le dialogue de sourd n’avantage en rien le transfert de technologie. L’universitaire propose de revoir les enseignements de la langue chinoise au pays, de développer de nouvelles stratégies d’enseignements afin de faciliter son apprentissage à l’effet d’accéder plus facilement aux secrets ayant produit le miracle chinois. Il faut aussi, ajoute-t-il, créer des laboratoires de langue chinoise dans tous les établissements scolaires, universitaires et les équiper ; ouvrir et équiper les bibliothèques scolaires et universitaires des documents de langue chinoise ; mettre en place des programmes d’échanges d’étudiants entre les deux pays ; conclure un accord avec la China éducation association for exchange ; vulgariser les centres d’enseignement du chinois ; organiser des voyages d’études pour les apprenants de langue chinoise et spécialement ceux des écoles de formation ; recruter les enseignants de la langue chinoise dans les domaines divers au secondaire et au supérieur ; instaurer le chinois comme langue vivante dans les séries scientifiques jusqu’à l’université.

Dr Oumar Moussa prenant parole

Dr. Oumar Moussa, Directeur du Centre d’analyses stratégiques au ministère des Relations extérieures, représentant le ministre Lejeune Mbella Mbella, a souligné « que les étudiants sollicitant des bourses en Chine devraient au préalable signer un protocole d’accord prescrivant leur retour au pays à la fin de leurs études ». En interne, le Cameroun doit mener le combat d’assainissement des mœurs pour inspirer confiance davantage.

La bonne gouvernance est un atout pour capter le transfert de technologie chinois.

Réactions

Dr Oumar Moussadirecteur du Centre d’analyses stratégiques, représentant du MINREX

« Arrêter des projets susceptibles de bénéficier des financements chinois »

« Les bases de développement stratégique du Cameroun la SND30 dénombre de nombreux projets qui sont envisagés entre le Cameroun et la Chine et basés sur quatre piliers à savoir la transformation structurelle de l’économie nationale, le développement du capital humain et du bien-être, la promotion de l’emploi et de l’insertion économique, la gouvernance, la décentralisation et la gestion de l’Etat. A l’avenir, les deux parties pourraient alors arrêter des projets susceptibles de bénéficier des financements chinois pour la période 2022-2025 conformément au plan d’actions de Dakar 2021 pour neuf programmes annoncés par le président chinois S.E. Xi Jinping qui couvrent les domaine suivants : la santé, la réduction de la pauvreté, le développement de l’agriculture, la promotion du commerce et de l’investissement, l’innovation numérique, le renforcement des capacités, le développement vert, les échanges culturels, la paix et la sécurité. L’investissement des entreprises chinoises de plus en plus massif au Cameroun est un puissant facteur de motivation pour les étudiants camerounais permettant davantage de tirer profit des bourses multiples de la Chine et de son transfert de technologie. Le Cameroun à l’avenir devrait encourager certains acteurs non étatiques chinois à participer également à la formation des étudiants camerounais, notamment certaines entreprises chinoises comme Huawei pourraient former les étudiants aux nouvelles technologies de l’information. En effet, celles-ci pourrait accorder une priorité aux Camerounais formés en Chine ayant acquis l’expertise chinoise maîtrisant la langue chinoise. »

Hermann Mefire Directeur scientifique de la conférence-débat

« Cette Initiative offre des opportunités d’investissements »

« L’initiative la Ceinture et la Route offre autant d’opportunités d’investissements chinois en Afrique. Nous avons pensé qu’il faut mettre l’accent sur la formation. Déjà évaluer les types de la formations qui ont été offerts par la Chine depuis des années : qu’est-ce qui a été fait, des Camerounais formés en Chine que deviennent-ils ? Quelles sont les perspectives pour que les Africains puissent se retrouver dans tous ces projets colossaux qui sont en train d’être exécutés sur le continent africain grâce à l’initiative chinoise. En tant qu’organe de presse, on a bien voulu organiser ce débat scientifique pour qu’ensemble les idées et les orientations puissent se dénicher au profit des jeunes Camerounais qui sont en quête des opportunités. La Chine offre des opportunités. Il y’a des bourses du gouvernement chinois, mais il y’a aussi des bourses privées. Nous disons merci à tous les partenaires qui ont contribué à la réussite de cette première édition de la conférence. Nous préparons déjà la prochaine édition l’année prochaine. »

Qu Anwu, Chinois, Directeur général de Cameroon Tiankang Import-Export SARL

« On doit regarder plus vers l’Afrique »

« Nous avons honoré cette conférence importante pour soutenir l’amitié entre la Chine-Afrique. Nous sommes une entreprise commerciale qui exerce dans le cadre de la Route de la soie. Nos produits sont axés sur le matériel médical, l’import-export, les produits de première nécessité. Nous espérons qu’à l’issue de cette conférence débat, les relations d’amitié Chine-Cameroun soient renforcées. Cette année, en marge du sommet des BRICS, en Afrique du Sud, le président Xi Jinping a exhorté les entreprises chinoises à regarder plus vers l’Afrique ; cela m’interpelle en tant que directeur général à revoir ma stratégie commerciale en Afrique, à chercher plus d’opportunités pour nos deux peuples, à aider et soutenir mon gouvernement, à élargir la coopération avec l’Afrique. Je souhaite plus d’amitié Chine-Afrique. Ce genre d’initiative renforce les liens d’amitié, la coopération entre la Chine et l’Afrique, entre les Chinois et les Africains. Les Africains sont hospitaliers. Les relations Chine-Afrique doivent aller croissant.»

Pr Stéphane Ngwanza, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales du Cameroun

« Une opportunité pour l’Afrique pour améliorer ses infrastructures »

« Nous avons montré l’intérêt de la coopération sino africaine, particulièrement sino camerounaise, notamment à travers l’implication des pays africains dans l’initiative la Ceinture et la Route qui constitue une grande opportunité pour les pays africains. Cette initiative chinoise vise précisément à établir des liens commerciaux entre la Chine, l’Asie, l’Europe, l’Afrique et d’autres régions, notamment en améliorant les infrastructures dans le domaine des transports routiers et maritime. C’est une opportunité pour l’Afrique pour améliorer ses infrastructures et bénéficier de financement de la chine. Bien évidemment, il y’a des défis qu’il faut relever et l’un deux est la protection de l’environnement. Parce que la construction des infrastructures des dégâts sur le plan environnementale. Il faut que les Africains soient assez vigilants dans ce domaine. Egalement, dans les négociations, il faut que les Africains gardent toujours en tête la préservation de leurs intérêts parce dans chaque partenariat chaque partie vient défendre ses intérêts. Les Africains ne doivent pas penser dans une posture naïve qu’il s’agit de l’altruisme chinois qui viserait simplement à développer continent sans contrepartie. Maintenant c’est à nous Africains de savoir quelle est la contrepartie. Ou du moins, est-ce que la contrepartie est à la hauteur de ce que nous recevons. Bien évidemment, la Chine est un partenaire stratégique, pas seulement pour le Cameroun mais pour l’ensemble des pays africains aujourd’hui. »

Pr Nkolo Foe, philosphe, membre du comité consultatif de l’Institut Chine-Afrique.

« Le défi aujourd’hui concerne surtout notre capacité à diversifier les partenariats parce que la difficulté que nous rencontrons actuellement, c’est le peu de liberté que l’Occident veut accorder aux Africains pour diversifier ses partenariats. Or, nos chefs d’Etat, notamment Paul Biya, ont décidé de s’ouvrir au monde, bien sûr, à l’Occident mais également à toutes les puissances notamment du Sud. L’exclusivité dans les relations avec le monde n’est pas une bonne chose. C’est ce que nos présidents ont constaté. Donc, nous maintenons bien sûr notre partenariat avec l’Occident, mais ce partenariat-là ne doit pas reproduire le schéma colonial. Et la relation avec la Chine nous laisse une bonne marge de manœuvres d’autant plus que la Choine n’a pas de passé colonial. C’est la reproduction de relations coloniales qui nous oppose actuellement à l’Occident. L’Occident doit laisser aux Africains la liberté de choisir avec qui coopérer ou avec qui ne pas coopérer. Les autres puissances du monde n’ont pas à dicter un choix à l’Afrique. L’autre défi c’est de comprendre le message de la Chine selon lequel les pays du sud global ne sont pas condamnés à la misère, à la pauvreté. Et d’ailleurs, quand vous visitez la Chine, la première chose que les Chinois disent aux Africains c’est venez voir ce que nous faisons ; faites comme nous, vous êtes capables aussi de sortir vos peuples de la misère et de la pauvreté. Les Chinois sont convaincus que plus les peuples ne sont nombreux sur le chemin de la prospérité et mieux ça vaut pour la paix et la stabilité du monde. Le monde est instable parce qu’il y’a une minorité des riches et une très grande majorité de pauvres. Donc, la Chine veut stabiliser le monde par la prospérité partagée. Il s’agit là d’une idée, d’une proposition de bon sens faite par la Chine. »

Pierre Chemete & Gerard Njoya

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