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CONCESSION DU PORT DE DOUALA : Comprendre la bataille judiciaire remportée par le PAD à Paris

[abelainfo.com] - Après avoir été condamné à payer près de 40 milliards FCFA à DIT, le Port Autonome de Douala a finalement remporté in extremis la bataille judiciaire contre la filiale du groupe Bolloré devant la Cour de cassation française. Une affaire marquée par des allégations de connivence entre un juge du tribunal arbitral et l'avocat de Bolloré.

Le feuilleton judiciaire de la concession du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonabéri a pris une nouvelle tournure le 19 juin dernier, lorsque la Cour de cassation française a rejeté le pourvoi en cassation formé par la société Douala International Terminal (DIT). Cette décision vient annuler la sentence arbitrale du 10 novembre 2020 qui condamnait le Port Autonome de Douala (PAD) à verser 58,6 millions d’euros (environ 40 milliards FCFA) à DIT, au titre d’un préjudice lié à la perte de chance de renouveler la concession du terminal.

Tout a commencé en 2018, lorsque le PAD a lancé un appel d’offres pour le renouvellement de la concession du terminal à conteneurs de Bonabéri, dont le contrat avec le consortium Bolloré-APM Terminals (formant DIT SA) venait de s’achever. Contre toute attente, le marché a été remporté par le groupe MSC/TIL, un outsider. Insatisfait de ce résultat, DIT a immédiatement saisi le Tribunal administratif du Littoral au Cameroun pour suspendre la procédure, ouvrant ainsi une longue bataille judiciaire.

Entre 2018 et 2019, le PAD a essuyé 9 défaites consécutives devant la justice camerounaise, la plus difficile étant celle du 26 décembre 2019 qui a annulé la procédure d’attribution de la concession. C’est alors que le PAD a choisi de porter l’affaire en arbitrage devant le Tribunal de commerce de Paris, où il a de nouveau été condamné le 10 novembre 2020.

Dans sa sentence, le tribunal arbitral a estimé que le PAD avait manqué à ses obligations dans le processus de renouvellement de la concession, en vertu de l’article 25 de la convention qui le liait à DIT. Il a donc condamné l’entreprise portuaire à indemniser DIT à hauteur de 58,6 millions d’euros, soit environ 40 milliards FCFA.

Mais c’était sans compter sur le revirement de situation devant la Cour de cassation française. Selon les informations, ce retournement de situation serait dû à des allégations de connivence entre un juge du tribunal arbitral et l’avocat du groupe Bolloré, à l’origine de ce revirement de situation.

Le Port Autonome de Douala (PAD) faisait face à une situation difficile, jusqu’à ce cette affaire de connivences entre un juge du tribunal arbitral et un avocat du groupe Bolloré soit mise au jour. Cela s’est produit le 1er avril 2021, suite au décès de l’éminent juriste français Emmanuel Gaillard, une grande figure universitaire en France et aux États-Unis. Ce dernier était en effet l’avocat qui représentait DIT dans le dossier du terminal à conteneurs du port de Douala. Après son décès, le magistrat Thomas Clay, qui avait rendu le jugement défavorable au PAD devant le tribunal arbitral, a fait un vibrant éloge du défunt avocat, révélant ainsi la relation particulière qu’il entretenait avec lui, une amitié de vingt ans qu’il n’avait pas jugé bon de divulguer pendant la procédure, conformément aux règles de l’arbitrage. Le PAD a su exploiter cette situation à son avantage.

Ce rebondissement devant la justice française s’est finalement soldé par une victoire éclatante pour le PAD. La Cour d’appel de Paris, puis la Cour de cassation, ont donné raison au PAD après avoir établi la connivence entre feu Me Gaillard et le juge Clay. C’est ce coup de théâtre qui a permis d’annuler le jugement initial défavorable au PAD et d’invalider la demande de DIT de le condamner pour procédure abusive. En conséquence, le PAD n’aura rien à verser à DIT, suite à la décision de la Cour de cassation du 19 juin dernier.

Commentant cette décision, le top management du PAD s’est réjoui et félicité « de cette décision qui vient mettre un terme aux spéculations de toutes natures sur le fonctionnement de son terminal à conteneurs, et qui lui permet de poursuivre résolument le recouvrement de sa quote-part des pénalités de stationnement retenues à tort par DIT S.A ».

En effet, le PAD avait mis en demeure DIT de lui reverser 24 milliards FCFA au titre des frais de stationnement. Cette nouvelle victoire judiciaire permet donc à l’entreprise portuaire de se concentrer sur la gestion de son terminal à conteneurs, tout en recouvrant les sommes qu’elle estime lui être dues.

Bien que ce feuilleton judiciaire ait connu un dénouement heureux pour le PAD, il illustre les défis et les enjeux qui entourent la gestion des concessions portuaires en Afrique, où les jeux d’influence et les contentieux juridiques sont souvent monnaie courante.

Raphael Mforlem

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