Littérature

– LES MVEMBA Épisode 22 : Les choses de la honte

: LES MVEMBA

Partie 22 : Les choses de la honte

NINA ESSOMBA

Je viens tout juste de descendre de la moto et je me tiens devant notre portail rouillé. Dans ce quartier poussiéreux, mais qui me remplit de nostalgie. C’est ici que j’ai grandi et que j’ai appris ce que je sais faire aujourd’hui.

Viviane, notre dernière petite sœur, sort avec une bassine pleine d’eau sale certainement pour la verser dans le caniveau. En me voyant, elle laisse tomber la bassine et pousse un cri aigu.

Viviane : NINA!!!…

Mon sourire large et mes bras ouverts, j’attends que cette petite boule ronde court vers moi pour se jeter dans mes bras encombrés de quelques bagages.

Moi : Vivi. Ne m’écrase pas s’il te plaît !!

Comme si elle n’avait rien écouté de ce que j’ai dit, elle continue à m’embrasser en m’écrasant contre sa poitrine.

Moi : C’est bon… Je vais maintenant entrer non ??

Elle me lâche : (Viviane tout excitée)… Je vois pourquoi Maman me demandait de ranger la chambre des étrangers !! Elle savait que tu venais avec Lucie.

Moi : Et Lucie, elle est déjà là ?

Viviane hoche la tête en portant tous mes sacs à la fois, certainement pour m’impressionner. Cette petite n’a pas perdu son énergie positive.

Lucie, c’est ma petite sœur directe et la deuxième fille de ma mère. Quand nous avons perdu notre père, ma mère a tout fait pour instaurer entre nous une harmonie sans précédente.

Je pousse un soupir prolongé avant d’appuyer sur le portail qui émet un grincement désagréable dû à la rouille.

Viviane : Mama !!! Nina est venue !!!

J’aurais dû lui dire d’attendre que moi-même, j’annonce la nouvelle. Mais c’est dans la cour que Viviane interpelle les autres à l’intérieur avant d’entrer avec peine, chargée de son fardeau encombrant.

Je profite d’un laps de temps pour osculter en quelque sorte la concession. Les dindons dans leurs cages, les lapins et les porcs aux porcheries. Une fleur de vent me souffle la raison de ma venue ici, ce qui m’attriste.

Nini !!

Je regarde et c’est ma petite sœur qui vient d’apparaître devant le balcon avec un pagne noué à la taille. La voir me réjouit tellement que je ne m’empêche pas de crier avec elle. On s’embrasse pendant près d’une minute en s’étranglant presque. Lucie me libère et me regarde en m’analysant de la tête aux pieds…

Lucie : On peut déjà comme ça ?

Je rigole : Tu ne te vois pas. Tu es fraîche, on dirait franchement que tu sors de mbeng.

Lucie en riant : Arrête tes charabia.

Moi : Tu portes déjà le pagne comme ça. Ne me dis pas que ta mère t’a déjà mis dans le travail, à peine arrivée.

Lucie : Laisse seulement. Elle est allée au marché et il y avait l’eau du couscous au feu… Vivi était déjà bien occupée donc je n’avais pas une autre option.

Moi : Lucie allons à l’intérieur, je vais t’aider en attendant Mama.

… Nous y allons. Nous parlons toutes deux de tout sauf des sujets sombres… Je n’avais pas encore annoncé ma grossesse à ma sœur avant que l’incident ne se produise. Ma mère était la seule au courant et m’avait sommé de ne dire à personne à la maison, pour une raison que j’ignore totalement.

Il se fait tard et nous sommes toutes à table, après avoir discuté sur certaines généralités, ma mère demande à Viviane d’aller dans sa chambre.

Maman : Nina… Comment tu vas ?

Moi : Je vais bien Ma’an. Très bien.

Maman : J’étais très heureuse quand tu m’as dit que tu arrivais. Parce que je crois que cette assise est nécessaire pour nous toutes.

Lucie : J’ai l’impression qu’il y a un truc dont je ne suis pas au courant. Parce que les têtes que vous faites là… C’est louche.

Moi : Lucie, je suis tombé enceinte…

Lucie s’émerveille : À bon !!!?? Combien de mois déjà ??

Maman : Laisse ta sœur finir Lucie.

Lucie arrête son élan et s’indigne presque en me regardant. J’essaye de contenir mes émotions en parlant par des soupirs répétés et des arrêts.

Moi : J’étais presque à 8 mois de grossesse quand j’ai fait une fausse-couche. Parce que je souffre du même problème que Maman, sauf que je n’ai pas eu la même chance qu’elle en ayant des enfants avant la complication.

Lucie : Nina… Mais je n’étais pas au courant de ce problème. Je ne comprends pas.

Moi : Je n’ai plus d’ovaires et de trompes parce que les médecins ont trouvés nécessaire de les extraire avant que tout ne se complique.

Lucie éclate involontairement en sanglots et quitte le salon sans prévenir. Je reste toute seule avec ma mère sur la table. Nous nous regardons avec malaise… Mes yeux se remplissent. Elle se lève de son siège et vient me prendre dans ses bras au moment même où je me mets à pleurer.

Moi : Je ne sais pas ce que j’ai fait de mal pour subir cette sentence. Maman qu’est-ce qui serait pire pour une femme que de perdre le pouvoir d’enfanter. Est-ce un péché ? Lequel ?? Est-ce trop demander ??

Maman : Nina… Si Dieu est Dieu, c’est justement parce qu’il permet certaines choses pour des raisons incompréhensibles.

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Après une quinzaine de minutes, Lucie revient avec les yeux tout rouge et un mouchoir à la main, elle s’assied.

Lucie : Je suis désolé d’être parti précipitamment, c’est juste que…

Moi : non, je comprends. Tu n’as pas besoin de t’excuser, c’est difficile pour nous toutes. Mais Lucie si je suis là, c’est pour une raison.

Lucie : Laquelle ?

Moi : J’ai besoin que tu me rends un service, un très grand service…

Lucie : Tout ce que tu veux. Je ferai n’importe quoi.

Moi : Je ne peux pas faire d’enfant, mais Dan mon mari le peut. Je tiens à ce qu’il ait un héritier maintenant de peur qu’avec le temps ça devienne plus compliqué.

Maman : Nina où tu veux en venir ?

Moi : Si la descendance de Dan restait dans cette famille, ce serait mieux que ça vienne du dehors. Maman écoute moi toutes les deux s’il vous plaît… Ça paraît incohérent, mais j’ai besoin de ça.

Lucie : Tu veux par là dire que tu voudrais que je fasse un bébé avec ton époux ?

Moi : Je ne te demande pas de coucher avec Dan, Lucie, je te demande si possible juste de porter sa semence dans ton ventre.

Brice Ekambi

… Ce soir, j’invite Emy à sortir. Ce n’est pas encore confirmé, mais je croise les doigts en espérant qu’elle accepte. Comme d’habitude, j’attends devant sa classe pour qu’elle finisse son cours. Et en effet, c’est le cas.

Dans la foule, j’essaye et je finis par la repérer.

Moi : Emy !!

Emy se tourne et me voit : Brice (elle sourit.) cette fois, tu diras encore que tu ne me suivais pas, c’est ça ?

Moi : Touchée. J’avoue cette fois, je me suis arrêté sur la fenêtre pour te regarder un peu… Mais je n’ai pas vu le temps passer et voilà, j’ai attendu pendant deux heures.

Emy : Je ne sais pas comment qualifier cet acte.

Moi : Un acte chevaleresque, je dirais. Au moins si tu te sens en danger tu sauras qu’il y a moi qui te protège dans l’ombre.

Emy rigole : Tu me fais flipper.

Emy s’engage pour s’en aller quand je lui touche l’avant-bras. Elle se tourne avec curiosité.

Moi : En fait Emy, je me disais que si ce soir, tu n’avais rien de prévu… Tu pourrais aller manger quelque chose avec moi.

Emy : Où ça ?

Moi : J’en sais rien. Où ça te plairait. Je veux juste qu’on partage quelque chose ce soir et je pense que c’est mieux qu’on fasse comme ça te convient.

Emy : Et c’est toi qui payes la note ??

Je ris : Naturellement !! Tu rigoles ou quoi ??

Emy sourit : Donc, en gros, c’est un rencard.

Moi : Tu prends ça comme tu veux, mais je veux vraiment que tu sois là. Ça me ferait plaisir…

Emy : hmmmm… Je vais voir dans mon agenda si j’ai du temps libre pour un mec étrange à l’apparence complètement Bad boy, mais au langage responsable. T’es qui au fait ?

Moi : Tu pourras savoir tout ce que tu veux savoir ce soir. Si tu acceptes mon rendez-vous.

Emy : À ce soir alors.

Je la regarde s’éloigner, toujours en marchant sur la pointe de ses pieds comme un mannequin.

Je souris : « Un mec étrange à l’apparence complètement Bad boy, mais au langage responsable » hein !?

« Toc toc toc »

Dan s’en va ouvrir, en voyant sa mère, il affiche une humeur pas ravie.

Mme Mvemba : Dan, je viens en paix s’il te plaît.

Dan hoche la tête : D’accord. Mais c’est juste que là, je n’ai pas trop envie de parler Maman.

Mme Mvemba : Pourtant il le faut. Nina est là ?

Dan : Non. Elle a voyagé pour aller chez-eux. Je pense qu’elle en avait besoin.

Mme Mvemba : Ça tombe bien. Laisse-moi entrer.

Dan fait entrer sa mère : Pourquoi ça tomberait bien ?

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Mme Mvemba va s’asseoir.

Mme Mvemba : Dan, ton épouse, m’a parlé et je lui ai promis de te parler. C’est sur un sujet que tu n’ignores pas.

Mme Mvemba : Maman, j’ai déjà dit que je n’ai pas l’intention de…

Mme Mvemba : Écoute moi patron !! Tu es peut-être un grand Monsieur aujourd’hui, mais c’est moi ta mère et avant de réfuter ce que je dis, il faut tourner sept fois ta langue. Parce qu’il y a des réalités que tu ignores et que tu es loin d’imaginer… Pourtant, elles existent.

Dan : Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?

Mme Mvemba : Nina, c’est une femme qui t’aime beaucoup. Elle souffre en elle-même, mais elle est très sage et surtout réaliste. Elle est incapable de te faire un bébé, et ayant un instinct de femme elle sait ce que cela pourrait impliquer à l’avenir.

Dan : Que je la trompe avec une autre femme juste pour avoir un bébé ? C’est de ça que tu parles ?

Mme Mvemba : Je ne sais pas pourquoi tu t’enflammes fiston. Mais je te conseille de m’écouter attentivement.

Dan croise les bras : C’est le cas.

Mme Mvemba : Tu es sur la défensive et ce n’est pas en état dans cet état que tu vas comprendre quoi que ce soit.

Dan : J’aime mon épouse Maman et s’il est impossible pour elle d’avoir un enfant, c’est une tragédie qu’on doit surmonter à deux.

Mme Mvemba gronde : Ferme ta bouche Essomba !!! Comment tu peux être aussi naïf et enfantin ? Après 15 ans sans aucun enfant dans cette maison, tu penses que tu tiendras encore le même langage ? Je vais te dire… L’amour n’a jamais été le seul fondement d’une relation et si les couples réussissent à tenir pendant des années, ce n’est pas forcément parce qu’ils s’aiment. L’amour que tu ressens aujourd’hui pour Nina, un jour, tu ne voudras même plus la voir et tu sais ce qui pourrait apaiser ton cœur à ce moment-là ? Ça sera votre enfant… Mais Dieu n’a pas accepté qu’elle en est. Ne la condamne pas dans cet état de stérilisation.

Dan : Elle veut que je fasse un enfant avec sa sœur.

Mme Mvemba : C’est mieux que d’aller dehors mettre l’enfant chez une sorcière qui va sûrement vouloir faire partir ta femme et te ruiner. Toute chose a un risque Essomba et dans les deux cas, c’est risqué, mais c’est mieux de voir les choses en face et laver les linges sales en famille.

Dan : Tu me demandes de faire cet enfant avec sa sœur ?

Mme Mvemba se lève : Tu es un homme avec un cerveau et une réflexion. Prends du temps et réfléchis… C’est tout ce que j’avais à te dire.

Elle s’en va.

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