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MON PROPRE FRÈRE !

Épisode 1 : la dédicace

Loin des cantons et des quartiers bizarres de Ngola, en parallèle aux secteurs des Mboko-boy, le groupe d’hommes d’affaires décide de se retirer dans un coin plutôt bien connu pour se détendre et manger de la bonne chair tard dans la nuit avant de retourner chez eux.
Au départ bien entendu le grand patron montrait sa réticence par rapport à cette proposition brusque faite par son frère, mais sachant user de ses arguments convaincants, Adrian ne s’est pas fait trop de mal pour trainer ce soir avec son groupe des hauts cadres, son grand frère Mr Razack Mevemle.

_ Ça c’est le secteur des grands hommes de ce pays !! Déclare-t-il en se saisissant d’une canette coca cola.

_ J’avoue que d’habitude je ne suis pas un habitué des lieux et ça me fait un peu bizarre tout de même de me frotter à tous ces gens. Rétorque Mr Razack un peu soucieux et dubitatif.

_ Mais grand frère !! Éclate de rire l’autre. Regarde autour de toi. Ne vois tu pas que toutes ces personnes te ressemblent plutôt beaucoup trop !? Avec tous ces blancs et tous ces chefs de grandes entreprises… C’est le soir et donc tous les chats sont gris, tu as tort de te faire du souci pour rien.

_ Je ne me fais surtout du souci que pour l’avenir de Elf, les enjeux sont lancés et progressivement je sens ma pression artérielle monter. J’ai un rendez-vous demain matin avec le médecin et je crois déjà savoir ses conseils… Adrian il ne s’agit pas juste de quitter un travail et aller en retraite en étant sûr de trouver un remplaçant qu’il soit efficace ou pas. Dans ce cas il est question de l’empire que toi et moi avons batti pendant…

_ Écoute grand frère ( interrompt encore Adrian ), si je t’ai fait venir ici c’était par exprès. Les soucis liés au boulot je propose qu’on les laisse là bas et qu’on essaie ce soir de se concentrer sur notre bien être… On n’est quand même pas en boîte de nuit et c’est vrai qu’ici tous les regards sont tournés vers toi et les gens n’en croient pas à leurs yeux quand ils voient le grand Mevemle dans un restaurant commun bien qu’il soit 5 étoiles. Quoique… Fais comme si tu n’avais rien vu et fais aussi comme si toute cette situation au boulot n’existait pas, ce soir on sourit non!?

Adrian cette-fois s’adresse à l’assistance qui acquiesce en levant leurs verres à sa suite. Bien que conscient ou plutôt trop conscient des enjeux de la société, Razack se dit enfin qu’il serait peut-être préférable comme le préconise son frère de passer l’éponge ce soir au moins et de se concentrer sur ce repas et cette boisson.
Après un certain moment par contre, ses pensées ne cessent de se tourner vers sa maison et son épouse qui sans doute se retrouve seule sur ce grand lit à l’attendre dans un sang d’encre.

Mr Razack se lève brusquement : Bon Messieurs !! Il serait temps que je prenne congé de vous.

Mr Adrian : On vient à peine de commencer… Ça ne fait pas trente minutes que les hostilités ont été lancées.

Mr Razack : Je comprends ta bonne intention de me voir de bonne humeur, mais j’ai 67 ans Adrian et je commence vraiment à ne plus me sentir à ma place dans ce genre de milieu… En plus de cela je suis un homme marié et j’ai une femme qui m’attend à la maison, que ferais-tu à la place de cette pauvre Hadja??

Mr Adrian en riant : Difficile de te convaincre… C’était quand même un honneur de recevoir le grand PDG de Elf Co parmi nous ce soir, sa grande humilité nous a fait asseoir à la même table.

Mr Razack se penche discrètement à l’oreille de son petit frère : Essayes d’être discret tu veux !? Parmi toutes ces personnes qui me regardent il y en a qui ne sont pas sûrs que ce soit moi et il y en a aussi qui se déplacent partout avec leurs CV et qui n’hésiteraient pas à m’acculer à tout bout de rue pour me supplier pour une entrevue. Je m’en vais !!!

Mr Razack quitte la table et fait signe à son chauffeur qui n’ayant même pas encore terminé sa bière, bondit de son siège pour venir rejoindre le « grand patron « .

Dans le véhicule, en regardant par la fenêtre Razack n’arrête pas de réfléchir et de retourner dans sa tête ce problème qui désormais se pose. C’est beaucoup trop calme à son goût et il aimerait parler à quelqu’un. Léon c’est son chauffeur depuis 15 ans est la seule personne quelconque la plus proche de lui et pourtant jamais ils n’ont tous les deux eu un certain rapprochement compte tenu de la peur que le patron inspire à ses employés et surtout l’idée érronée qu’ils ont de lui.

_ Léon!? J’aimerais savoir quelque chose si vous le permettez bien.

L’homme au volant presque frappé par cette interpellation perd quasiment pendant un laps de temps le contrôle de son véhicule avant de reprendre les choses en main.

_ Eeu… Oui patron !!!

_ Est-ce que vous vous inquiétez vous aussi pour votre famille !? L’héritage que vous laisseriez après votre départ sur terre ?

_ Bien… Bien entendu patron. Entre mon épouse et mes sept enfants encore tous sur les bancs il est naturel que je me fasse du souci.

_ Vous savez, quand un homme est au début de sa vie il semble tellement indestructible, surtout quand il est ambitieux… Il a encore de la veine et son énergie juvénile se transforme en quelque chose d’extraordinaire. Nombre de questions lui échappent et parmi ces questions il en existent de vraiment existencielles.

Le conducteur plutôt embarrassé, écoute son patron sans savoir trop quoi répondre. Bien que ce dernier lui témoigne de son désir de communiquer, Léon continue de se faire mal à l’idée de faire la conversation… Après tout il pourrait perdre son Job s’il prononçait un mot déplacé, et pourtant il faudrait qu’il parle au moins pour tenir compagnie à son vieux boss de toujours. « J’ai signé pour être chauffeur et non psychologue  » se dit-il sans doute tout au fond de lui. Mais c’est avec une question direct que Mr Razack l’arrache brutalement de ses réflexions.

Mr Razack : Ne voudriez vous pas savoir quelles sont ces questions ? Léon?

_ J’avoue patron, j’ai du mal à vous comprendre.

_ Dans quel sens ??

_ C’est sans doute parce que nous sommes pauvres que nous avons du mal à comprendre les problèmes des riches. Mais permettez moi de vous rappeler que vous avez tout ce que vous désirez et en plus de cela bien entendu vous êtes entouré de personnes pouvant vous donner de bons conseils, pourquoi vous faire du souci pour si peu ou encore pourquoi vous adresser à « un chauffeur conducteur « ?

_ Mon ami, c’est ça l’énorme drame dans lequel nous nous trouvons et notre plus grosse erreur. Le fait de catégoriser les gens et se retrouver dans un certain jeu de complexe où il n’existe que le boss et le ntchinda(homme de main). Mais écoutez, au final malheureusement nous avons tous la même destination et ce qui que nous soyons, nous irons sous terre. J’ai moi aussi à un moment donné pensé la même chose que vous… Je voulais devenir riche pour me faire respecter par les autres, pourtant quand je suis devenu riche je me suis rendu compte que le plus grand respect se communique par l’amour et l’humilité et jamais par la terreur. Le plus important ce n’est pas ce qu’on dit quand on est face à toi mais plutôt quand tu n’es pas là. Nous sommes tous humains Léo.

Plus aucun mot de la part du conducteur sans doute exaspéré par la déclaration simple mais puissante de son patron que jusqu’ici après ce long nombre d’années n’avait jamais connu sous cet angle. Après cette remise en confiance, les deux hommes reprennent leur conversation sur un champ plus détendu en abordant des sujets liés à leurs familles respectives et divers.

Après une demi heure de route, la voiture s’arrête enfin devant l’immense propriété de Mr Razack qui sort en remerciant le chauffeur.

_ Vous m’avez été d’une grande aide figurez-vous Léon.

_ C’est vous le grand homme, c’était un honneur de discuter Mr… Passez une bonne soirée.

_ À vous autant.

Hadja encore éveillée, attendait son mari dans le salon. Ce dernier n’eut pas dû trop frapper avant qu’elle n’ouvre. Un silence glacial s’immisce brusquement au milieu du couple avant de se faire briser par Hadja qui prend la parole :

_ Les relevés bancaires sont arrivés.

_ Très bien, je verrai cela demain.

_ Pourquoi pas ce soir !? Il n’y a pas que ça, il y a une pile de dossier qu’il faudrait sans doute feuilleter avant de dormir.

_ Je suis épuisé figure toi… Et ce soir j’aimerais dormir que de me casser la tête à entrer dans des procédés…

_ Comme d’habitude. Murmure Hadja.

_ Je te demande pardon !?

_ Il n’y a pas une seule soirée où tu rentres avec le souci d’avoir une discussion sérieuse avec moi… Soit tu es épuisé ou alors il faut remplir des formulaires avant de dormir.

_ Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi Hadja. Je suis un homme d’affaires aux portes de la retraite et je suis bien sensé sécuriser mes entreprises avant de me retirer.

_ C’est bien ça le sujet… Un sujet sur lequel il serait peut-être nécessaire qu’on parle. Mais que tu perds toujours de vue.

Mr Razack qui se dirigeait vers la chambre, dévie sa trajectoire et va s’asseoir sur l’un des rembourrés au cœur de la salle de séjour d’en bas.

_ De quoi tu aimerais qu’on discute ? Femme…

_ De tes enfants… De nos enfants, et encore plus de l’avenir de notre famille.

_ Écoute, là tu me fais passer pour l’homme le plus irresponsable de la planète qui ne se soucie que de sa petite personne et pourtant…

Mr Razack marque une pause avant de conclure.

_ … Tu es bien consciente que si je fais ce que je fais c’est pour toi et tes enfants. Ne joues pas à ce jeu de femme négligée ce soir Hadja, tu n’es pas une victime.

_ Et toi tu n’es pas l’homme que j’ai connu.

Mr Razack fait passer sa main sur sa chevelure grise pour marquer son agacement.

_ Tu veux me faire du chantage ? Ce soir ? Me dire que je te néglige sur le plan conjugale ? Et puis quoi encore ??

_ Sur ce point là je n’ai plus rien à dire… Je te demande de prendre les choses en main et d’introduire Yvan dans la gestion de cette entreprise. S’il arrivait que tu subisses quelque chose de fâcheux aujourd’hui, qui sera à la commande ?

_ Tu es beaucoup trop pressée que je meure toi… Mais t’inquiètes ça arrivera même si pour le moment ce n’est pas encore le cas. Ton fils a déjà son poste de gestionnaire et même de haut responsable pourtant sa formation n’est pas encore terminée. Tu crois peut-être que je néglige cet aspect mais saches que je suis beaucoup plus soucieux que toi par rapport à l’organisation des choses. Et tu n’ignore rien de tout ça, nous travaillons à la même entreprise.

_ Razack, tu as des ennemis… Aussi longtemps que des documents ne seront pas signés et que tu n’introduiras pas ton fils à tes partenaires étrangers, en aucun cas il ne sera officiellement l’héritier Mevemle.

_ Tu m’agaces à la fin avec cette histoire d’héritage !! Moi je vais me coucher et s’il te plaît fais moi grâce de tes… Bref !! Retrouve moi dans la chambre.

_ Désolé Mr mais ce soir je préfère dormir seule que de subir encore la frustration de me retrouver dans le lit d’un homme qui ne saura me toucher… Cet homme n’étant nul autre que mon mari.

_ C’est comme tu veux… D’ici la fin de semaine, rassemble les enfants, j’aimerais qu’on ait une assise familiale et que les choses s’éclaircissent. Bonne nuit.

_ Bonne nuit. Murmure Hadja en voyant son mari quitter la pièce.

Cette nuit, malgré la fatigue, c’est avec peine que Mr Razack retrouve le sommeil. Entre ses soucis conjugaux et ses craintes professionnelles, ses pensées lui semblent peser des tonnes. Au moins peut-être si son épouse restait à ses côtés, sa présence ne serait-ce que aurait pu rendre les choses plus légères… Cependant Mme boude pour une histoire de « fesses  » et « d’héritage « . Mr Razack s’adresse à lui même en confrontant ses problèmes pour essayer de trouver une solution.

_ Qu’est-ce qu’ils me veulent tous nom de Dieu !! J’ai l’impression de n’avoir aucune seconde de répit entre toutes ces personnes qui veulent ma tête… Et Hadja qui en rajoute. Qu’ils aillent tous au diable tant qu’on y est. Je sais !! Une petite semaine de détente serait sans doute une voie de sauvetage au milieu de tout ce… chahut.

C’est dans ces conditions que progressivement le vieillard retrouve un sommeil profond et complet.

Le lendemain au bureau, c’est la débandade !! Mr Adrian pique une crise et c’est tout le monde qui y passe… Pour une histoire de « liste qui manque ». Une réunion a été convoquée, réunissant tout le personnel de son bureau.

Mr Adrian : Qui était responsable de l’archivage des dossiers cette semaine dans mon bureau ?? Qui!!

_ Mr Essama. Répond une voix dans la foule.

Mr Adrian : Et il est où ce Mr Essama !! Pourquoi ne répond-il pas à l’appel ??

La porte s’ouvre et c’est le jeune Yvan qui entre, le fils de Mr Razack. Un peu étonné de voir toutes ces personnes présentes et son oncle tout rouge de colère, il hésite à s’enquérir des faits. Il le fait quand même et Mr Adrian continue de hurler sous le coup de la colère :

_ Une bande d’incapables!! C’est la seule façon d’appeler l’équipe qui m’entoure. Ici il faut toujours que je fasse les choses moi même et que ce soit à la dernière minute que je me rende compte que personne n’a fait son boulot.

Yvan : De quoi il est question cette fois ??

_ La liste des pièces à fournir pour le dépannage des machines à draguer est introuvable et on me fait comprendre que le directeur technique est absent et pire encore le responsable des archives hebdomadaire n’est non plus là.

Yvan : Mr Essama Clovis ??

_ Un truc du genre !!! Et le délai c’est dans quelques jours. Nous aurons la visite d’experts étrangers qui sans doute voudront avoir des détails sur le fonctionnement de nos machines et imagine si ces derniers sont hors circuit… Nous perdons des partenaires et un gros paquet de fric.

Yvan : Calme toi… Les listes ne sont pas chez le responsable des archives, mais plutôt dans ton tiroir. Est-ce que tu y as jeté un coup d’œil ? Je les ai rangé là hier soir après que tu sois parti, c’était éparpillés partout et je me suis dit que ça devrait être des documents importants.

_ Dans mon tiroir ?? Mais il est vide mon tiroir !! Gronde Mr Adrian en l’ouvrant.

Tout de suite il est ramené à l’ordre et reprend brusquement son silence en découvrant bien rangé dans son tiroir la pile des fiches techniques et divers dossiers de rapport de dépannage. Un peu honteux et étonné, il n’ose pas lever le regard et se met plutôt à feuilleter la paperasse.

Yvan : Tout y est ??

_ Oui, tout y est. Répond son oncle entre ses dents. Mais d’ailleurs, peu importe !! Il est passé où Mr Essama ???

_ Il a demandé une permission pour assister son épouse en travaille Mr. Intervient un autre employé

_ Et à qui a-t-il demandé la permission ???

Yvan : À moi.

Encore plus embarrassé qu’au départ, Mr Adrian se retrouve piégé entre les regards juges de ses subalternes qu’il a taxé d’incompétents pour aucune raison et qu’il a convoqué sans fondement.

_ C’est bon… Retournez à vos postes.

La salle se vide en un trait et seul Yvan reste. Attendant dans un coin que son oncle reprenne ses esprits, Yvan demeure silencieux et le regard plus ou moins baladeur dans la pièce. Enfin Mr Adrian reprend son calme, souffle et s’assoit. Pour la première fois depuis son arrivée, il sourit à son neveu et boit un cachet avec une gorgée d’eau.

_ Je suis désolé pour ce qui vient d’arriver Yvan… Je suis beaucoup trop pris de pression ces derniers temps.

_ Je comprends, mais il faudrait vraiment que tu prennes un congé. C’est nécessaire.

Mr Adrian hoche la tête en signe d’acquiescement : Alors qu’est-ce qui t’amène bel homme ?? Tu es en forme aujourd’hui dis donc !!! Elle s’occupe bien de toi.

Yvan sourit : Merci Tonton. En fait je suis là parce que Papa m’a demandé de venir te voir pour que tu m’enregistre sur la liste des participants à la rencontre de ce week-end avec les experts.

_ Je vois, ton père aimerait déjà que tu t’habitues aux responsabilités. C’est une excellente chose… Mais est-ce que tu aimerais personnellement participer à la rencontre ?

_ J’y rêve depuis un moment. Je crois juste pouvoir être à la hauteur et prendre note.

Mr Adrian se lève : Que dirais-tu plutôt de représenter cette filiale de la société ? Après tout tu es le fils Mevemle non!?

_ Pardon???

_ Je te demande de me remplacer en tant que responsable et chef de la réunion. Ne t’inquiètes pas il y aura des coordonnateurs, tu ne seras là que pour t’asseoir sur le fauteuil et représenter la famille.

Yvan s’étonne : Ce n’était pas une blague ? Ce que tu viens de dire.

_ Non mon garçon… Et si tu es d’accord je vais faire cette proposition à ton père et très vite ça sera réglé. Tu l’as dit, j’ai besoin de congé et toi tu as besoin de t’imprégner du travail.

_ D’accord… C’est OK !! Merci Tonton.

_ De rien champion… Et arrête de m’appeler tonton sur le lieu de service, c’est « Monsieur « , sois professionnel. Tu as déjà 25 ans.

Yvan sourit : Très bien Mr.

Il s’en va en fermant derrière lui la porte.

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