Littérature

CHRONIQUE LITTÉRAIRE : LES MVEMBA

Épisode 38 : …

_____Edith Abessolo_____

Où on en est ? Certainement, où en était il y a de cela deux ans. Un silence platonique, truffé d’insécurité pourtant très agréable comparé à ce qui pourrait entraîner si les sujets terrés faisaient surface.

Pourtant, depuis quelques jours à la maison, j’ai une impression très douteuse, comme mon sixième sens qui m’alerte sur un potentiel événement perturbateur.

Je te trouve trop pensive ces derniers temps.

C’est Maman, je ne l’ai même pas vu arriver ; pourtant, sa présence ne m’a pas surprise. Sans demander ma permission, elle s’assoit près de moi en regardant dans la même direction.

Moi : C’est vrai que je réfléchis un peu… Sur ce, qui pourrait arriver si enfin, on décidait de mettre à jour tous les secrets de cette famille.

Ma mère gênée : Je croyais que cette affaire était réglée et qu’on allait plus jamais en parler.

Moi : Moi aussi, mais tu crois vraiment que tout peut passer comme ça ? C’est peut-être silencieux… Mais ce silence est comme une épée suspendue sur nos têtes. Tu crois peut-être que Dan va vieillir et mourir sans savoir ?

Maman : Ça suffit, Édith !! Il y a de cela deux ans, j’ai commis une grosse bêtise en voulant détruire le foyer de Dan d’accord !? J’étais dans une très mauvaise passe de ma vie et je m’en veux pour ça… Maintenant, si on oubliait ça pour passer à autre chose.

Moi : Je parle de la vraie mère de Dan.

Maman : Je préfère que tu oublies cette histoire… Déjà pour ton propre bien et pour celui de tous.

Moi : Je propose plutôt que la vérité soit dite avant que le temps ne creuse encore plus les dégâts que peuvent faire l’impact de la vérité… Penses-y.

Je me lève et m’en vais !!

Tomy, lui, vient de débarquer dans le bureau de Mr Eboutou qui ne s’attendait certainement pas à le voir apparaître.

Mr Eboutou : Où tu étais passé tout ce temps ?

Tomy : Disons que j’étais allé… De toutes les façons, là n’est pas le sujet !!

Mr Eboutou : Je sais et c’est justement une façon d’introduire ce sujet lourd à porter.

Tomy : Tu sais, pendant tout ce temps, je me demandais comment j’allais réussir à te regarder en face une fois que je te verrai. Avant pour moi, tu étais un grand homme respectable, qui faisait le bien autour de lui… Qui se souciait du fils de ta pauvre domestique, juste ça. Et pourtant ça n’a jamais vraiment été le cas, tu agissais par obligation.

Mr Eboutou avec vigueur : Tu as tort Tomy !! D’accord, même si je n’ai jamais été un père présent… Même si je t’ai toujours considéré comme un enfant que je n’aurais jamais voulu avoir, j’ai appris à prendre mes responsabilités à ton égard et à te protéger autant que possible. Ta mère peut même en témoigner.

Tomy rigole dramatiquement : Je ne sais pas si je dois être heureux d’appartenir à la puissante et grande famille Eboutou ou d’être malheureux d’être un enfant dont on a jamais voulu et qui a toujours été un fardeau et une tâche pour mon père…

Mr Eboutou : Tomy, c’est plus compliqué que tu ne le penses. Je suis un homme marié et j’ai des enfants… J’ai une famille !!

Tomy gronde : Pourtant, ça ne t’a pas empêché de coucher avec ma mère !!! Ça ne t’a pas empêché de manquer de contrôler tes pulsions sexuelles. Tu voulais juste assouvir un besoin passager, mais une erreur s’est produite… Une erreur qu’il fallait à tout prix faire évacuer. Cette erreur, c’est moi.

Mr Eboutou : Si tu es vivant jusqu’ici, c’est sans doute à cause du fait que tu n’es pas une erreur Tomy. Je te demande pardon du fond du cœur pour tout le mal que j’ai pu causer à ta mère et toi… Mais ne va pas croire que je t’ai rejeté.

Tomy : Alors introduis-moi dans ta famille… Reconnais-moi comme ton fils et dis à ton épouse que je suis ton fils bien-aimé.

Mr Eboutou : Tu es sérieux ??

Tomy : Tu vois !? Reconnais-moi comme ton fils et dis à ton épouse que je suis ton fils bien-aimé. Mais assumer ses choix, c’est autre chose !! 

Mr Eboutou : Si tu n’as pas encore compris, Tomy, tu n’es pas un enfant vraiment bienvenu. Écoute, à cette période, j’aimais ma femme, tu vois !? Mais cette dernière voyait ailleurs et ça me traumatisait beaucoup… Elle n’était plus la même.

Tomy : Et donc tu as sauté la femme de ménage… Combien de fois pour qu’enfin, elle tombe enceinte ? Deux fois ? Trois ? Six ? Vingt !!!;

Mr Eboutou : Une !!! Une seule fois !! Mais comment te faire comprendre que c’était l’effet de l’alcool ? Ce soir-là, j’étais complètement bourré et perdu… Je n’avais même plus toute ma tête, j’étais dérobé… J’étais pétrifié, Tomy !! Tout ce dont j’avais besoin était juste une épaule pour me soutenir… Juste ça.

Tomy : Et pourtant, ce n’est pas juste l’épaule que tu as eue… Tu as abusé de ma mère !!

Mr Eboutou rigole : Abusé ?? Tu es peut-être un adulte aujourd’hui, Tomy, mais ça n’enlève pas le fait qu’un jour alors que ta mère et moi te faisions, tu n’étais pas là ! Donc tu n’as aucune idée de ce qui s’est vraiment passée. Juger, c’est bien facile, surtout quand on se trouve blessé… Tu veux m’insulter ? Me détester ? D’accord, je te l’accorde… Mais de là à me traiter de violeur !! Je ne te le permets pas.

Tomy : Alors qu’est-ce qui s’est passé ??

Mr Eboutou : Tu vois !? Il ne suffisait que de demander… Maintenant, si tu te détends et que tu arrêtes de me regarder comme le diable en personne, je vais te dire la vérité.

Tomy : Je t’écoute…

Mr Eboutou : À cette époque, ça faisait à peine deux ans que j’avais engagé ta mère. Avant qu’elle ne travaille chez moi, elle était caissière dans l’un de mes kiosques. Avec la crise, il fallait que je ferme tout et cela impliquait d’envoyer un grand nombre de salariés au chômage. Elle m’avait supplié de l’engager chez moi, quitte à ne même pas la payer et juste lui donner de quoi manger et un toit sous lequel dormir. J’étais hésitant, mais en écoutant son histoire et ses péripéties, je ne pouvais qu’user de compassion… Mon épouse n’était pas très d’accord que j’engage une jeune et belle femme sous prétexte qu’elle soit fauchée, mais après maintes négociations elle finit par céder.

Tomy, j’étais riche et j’avais assez de ressources, c’est courant pour des femmes comme ta mère de vouloir à tout prix avoir un enfant avec des hommes riches pour pouvoir assurer leur avenir, c’est malin mais surtout très malsain. Je n’avais rien vu venir jusqu’à ce jour où après avoir retrouvé ma lucidité, j’étais couché avec elle sur mon canapé. C’était la pire erreur de ma vie et elle, c’était la meilleure des opportunités. D’accord, peut-être aujourd’hui, elle fait la victime, mais tu n’as aucune idée de ce qui s’est vraiment passée. Je n’ai jamais violé ta mère.

Tomy : Non, c’est impossible… Tout ce que tu dis n’a pas de sens.

Mr Eboutou : Écoute petit, devant les faits accomplis, c’est très facile de juger et de mal voir celui qu’on décide d’incriminer… Mais c’est toujours mieux d’écouter les deux versions. Je m’en veux tellement de t’avoir imposé la vie de façon aussi humiliante, d’avoir voulu te détruire, mais si tu pouvais savoir à quel point à chaque étape de ta vie j’ai essayé de me racheter. Je me suis occupé de ta scolarisation depuis ta maternelle jusqu’à ton université, je me suis assuré que tu trouves un travail chez les Mvemba. Et même si tu n’as pas mon nom, tu as un nom quelque part dans mon testament… Parce que tu es mon fils, et même si ta venue était une erreur, ça ne fera jamais de toi une erreur.

Silencieux, Tomy regarde son père qui désormais apparaît devant lui comme une tout autre personne.

Mr Eboutou : Mais le jour où ma femme sera au courant de cette vérité, ce jour-là, je vais perdre la vie. Donc, s’il te plaît, je préfère que ça reste entre nous autant que possible.

Tomy : Je ne sais plus quoi penser, je ne sais plus quoi faire… N’y où aller ??

Mr Eboutou : Tomy, je peux te louer un appartement si tu veux, je peux te trouver un travail dans l’entreprise familiale… Je suis prêt à faire tout ça, j’ai le devoir de le faire.

Tomy : Tu ne captes donc rien !? Tu penses que déjà, c’est facile de me faire à l’idée que Dylan et Melvice soit de ma famille ? Pire encore travailler dans la même boîte qu’eux en faisant semblant d’être un étranger et les affrontant chaque jour sans pouvoir dire la vérité…

Mr Eboutou : Je comprends…

Tomy : Et de toute façon, ce dont j’ai besoin en ce moment, c’est d’espace. Je vais prendre mes distances et essayer d’asseoir tout ceci dans ma conscience.

Mr Eboutou : Fais comme bon te plaira, mais j’espère que tu reviendras avec de meilleurs sentiments et des idées recadrées.

Tomy : D’accord.

Assis sur un fauteuil et vidant progressivement une bouteille de whisky, Marcien s’étonne de voir sa femme débarquer à l’improviste avec les garçons. 

Il se lève.

Marcien : Chérie, je ne savais pas que vous arriviez aussitôt…

Melvice lui fait signe de la main pour lui demander de se taire. 

Melvice aux garçons : Allez dans votre chambre d’accord ? Je vais venir vous faire dormir.

Mike et Kev : Salut Papa…

Marcien en souriant : Bonsoir mes chéris.

Melvice vient s’asseoir : Il faut qu’on reparte sur de nouvelles bases Marcien… 

Sans rien dire, Marcien se rassoit en étant attentif à la proposition de sa femme.

Melvice : J’ai beaucoup réfléchi à ton comportement et j’en ai fait sortir quelques hypothèses parmi lesquelles une qui me paraît plus logique.

Marcien : Laquelle ?

Melvice : Tu essayes de te retrouver, tu ne sais plus où tu en es… Et je crois que ce n’est pas une fatalité, juste une étape qu’on doit traverser tous les deux et avec une assistance.

Marcien : Laquelle ?? Quelle assistance ?

Melvice : Je pense qu’on devrait commencer à voir un psychologue, pour une thérapie de couple.

Marcien rigole : Tu me fais marcher.

Melvice : Tu crois !?

Marcien : Non mais qu’est-ce que tu crois ? Qu’on est dans un de ces films de blancs où au moindre problème, ils se tournent vers un psy ?

Melvice : Maintenant, tu lèves le ton et tu te mets sur la défensive, comme si je venais de proposer quelque chose d’absurde… Et tu vas me dire que tout marche entre nous. 

Marcien : C’est vrai que toute cette situation est compliquée, mais je suis persuadé qu’on n’a pas besoin d’une assistance extérieure pour nous venir en aide… Ça va passer, c’est juste une question de temps.

Melvice : Combien de temps encore ? Parce que sincèrement, c’est depuis que ça dure et moi, je ne sais plus en quoi m’en tenir.

Marcien : Est-ce que tu me fais confiance ?

Melvice traine, mais finit par répondre : … Oui

Marcien : Très bien, on va réussir à régler tout ça. Maintenant, je vais t’aider à aller ranger tes affaires dans la chambre.

Il s’en va.

Melvice à elle-même : J’ai bien peur que les choses ne soient pas aussi faciles que tu le prétends et j’ai peur de ce que tout ceci pourrait impliquer avec le temps.

Melvice récupère son téléphone et texte à un numéro inconnu.

Melvice : « il a refusé, comme vous l’aviez prévu et en plus, il s’est montré hostile. »

« D’accord, ça prouve à quel point le problème est profond… Je vous propose de l’en persuader progressivement jusqu’à ce qu’il cède. »

Melvice : « entendu. »

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