CHRONIQUE LITTÉRAIRE

LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 03

_____________ Jodelle ____________

… J’essayais encore de m’intégrer malgré tous les regards qu’on me portait. Au moins j’avais à manger et aussi où dormir. Mon oncle et son épouse avaient finalement accepté de me reprendre et de partager les charges avec la mère de Gérôme. Au fond de moi par contre, je me sentais terriblement coupable. J’avais honte de moi et de l’exemple que je donnais à mes cadets.

Même s’ils étaient fâchés contre moi, Tonton Albert et son épouse se montraient assez bien veillant à mon égard, j’ignore si c’était à cause des prescriptions de Maman Ursule ou juste alors une obligation.

Trois mois après

Je suis couchée, j’ai les yeux fermés mais je ne dors pas. J’écoute le bruit de ma porte qui s’ouvre doucement et une présence qui y pénètre, mais en ressort tout d’un coup. C’était Tata.

Tata : Elle est endormi, sûrement elle doit être très fatiguée.

Tonton : De toutes les façons elle ne pouvait même pas nous accompagner au champ. Je crois que le repos c’est tout ce dont elle a besoin en ce moment.

Tata : Justement.

J’étais vraiment bien entourée. La mère de Gérôme me rendait régulièrement visite et m’apportait quelques petites friandises. Je n’avais vraiment pas beaucoup de caprices pendant la grossesse, mais j’adorais me goinfrer de chocolat et surtout de mayonnaise, même dans rien.
Je n’avais pas vraiment fait mes neuf mois de grossesse, on dirait que le bébé était un peu trop pressé de découvrir la vie, mais en même temps ça m’arrangeait, avec la lourdeur et les courbatures qu’elle m’apportait. Sophia naquit un 16 Septembre à 22h, ce jour il pleuvait des cordes au point où nous crûmes que le toit allait s’en voler. Mais avec la douleur de ce bébé de trois kilos qui me déchirait les entrailles, je n’y prêtais pas tellement attention ! C’était l’expression la plus éprouvante et douloureuse de ma vie, c’est comme si j’allais y laisser ma vie. À chaque poussée pour moi certainement c’était la dernière, mais heureusement la sage femme étaient là pour m’encourager et s’occuper de tout.

– C’est une fille !! Un jolie petit bébé trop adorable. ( En rigolant ) mais surtout très pleurnicharde par contre.

Moi : J’ai… J’ai accouché ?? C’est enfin fini ??

Oui ma jolie, et tu as surtout été très courageuse pour une primipare. Sincèrement c’était juste incroyable la façon dont tu t’y es prise.

Elle me tend mon bébé que je prends dans mes bras, ce minuscule être vivant humide qui crie de toutes ses forces dans mes mains, les yeux fermés et la peau fragile. Comment s’empêcher de pleurer après ce genre d’expérience !? Presque neuf mois de grossesse c’est comme une éternité, mais en plus voir pour la première fois ce qu’on a eu de plus proche pendant tout ce temps, à cette seconde même j’ai su que cet enfant est pour moi une bénédiction. C’est surtout après cet accouchement que tu comprends que ton enfant n’est ton enfant à toi seule que dans ton ventre, une fois sorti il n’est même plus ton enfant.

Après m’être suffisamment reposée, on m’apportes ma fille afin que je l’allaite et contrairement à ce que j’avais imaginé, c’est toute une école mais heureusement j’ai deux chevronnées pour s’occuper de ça.

Maman Ursule : Non Jodelle, il faut y aller tout doucement. Tu risques de l’étouffer avec tes gros seins. Tu dois savoir que le lait qui coule de tes seins sort en grande quantité.

Cette étape était vraiment une école. Et avec l’arrivée de Sophia c’est comme si tous mes problèmes se dissipaient d’un coup, les combats individuel que j’avais à mener jusque là ne reposaient plus lourdement que sur mes épaules, puisque j’avais tout le monde qui m’encadrait et s’assurait que tout allait pour le mieux pour moi. C’était même presque comme si c’était une bonne chose de faire un enfant hors mariage. Quoi que, comme on le dit un bébé est une bénédiction et c’en était vraiment une pour nous tous.

… Deux mois après.

Moi : C’est quel façon d’arriver à l’improviste comme ça Gérôme, c’est en écoutant ta voix au salon que j’ai su que tu étais là.

Gérôme : Est-ce que je t’ai trouvé alors nu? Et même si c’était le cas il y a quoi chez toi que je n’ai pas encore vu ? Il ne faut pas aussi aimer les caprices.

Moi : On ne va pas en faire tout un plat alors. C’est bon…

Gérôme : Comment va Sophia ?

Moi : Elle était avec sa grand-mère au salon, tu ne l’a pas vu en venant ?

Gérôme : Je n’ai pas prêté attention. En fait si je suis là ce n’est pas vraiment pour ça.

Moi : Alors ?

Gérôme : En fait je voulais te faire savoir qu’après ma licence je vais me rendre à Yaoundé pour trouver un truc à faire.

Moi : Comment ça ? Il n’y a pas le travail à Dschang ? Ou tu veux seulement t’éloigner.

Gérôme : Rien à voir, tu parles de quel travail dans une ville aussi fermée et tu crois que je vais continuer à regarder ma mère s’occuper de toi en restant aussi impuissant? C’est humiliant à la fin et je crois devoir enfin assumer les conséquences de mon acte.

Moi : C’est toi qui voit Gérôme, de toutes façons je ne peux pas te retenir c’est sûr… Et tu comptes y rester pour combien de temps ?

Gérôme : Ça reste indéterminé, je n’en sais rien.

Moi : C’est dingue, tu me manques déjà et c’est comme si je te voyais déjà avec une autre…

Gérôme : Jodelle, n’exagère pas.

Moi : Quoi?? Ce n’est pas comme si j’exagerais on vous connaît les hommes et votre façon d’agir, on dirait que c’est avec votre zizi que vous réfléchissez… Dès que vous voyez une père de boule c’est comme si ça vous montait à la tête

Gérôme éclate de rire comme si ce que je venais de dire avait quelque chose de drôle. Mais bizarrement à moi aussi ça fait rire.

Moi : Mais sérieux tu vas me manquer, tellement.

Gérôme : Toi aussi Trésor, mais si je te dis que c’est nécessaire, c’est que c’est nécessaire.

Juste après le départ de Gérôme, je m’apprêtais à recevoir une nouvelle qui allait radicalement faire tourner ma vie et mes ambitions à 360°. Et c’était à mon oncle de me l’annoncer.

Je viens au salon.

Moi : Tonton tu m’as appelé.

Tonton : Assieds-toi Jodelle. Tu vas bien !? Ta tante m’a dit que tu avais un peu de fièvre.

En m’asseyant : Oui c’est vrai, mais j’ai perdu ma fièvre cette nuit même.

Tonton : C’est très bien, en fait si je t’ai fait venir ici c’est pour qu’on discute par rapport à ton avis qui jusqu’ici était incertain.

La gêne qu’exprime mon oncle me rend mal à l’aise.

Tonton : Tu sais, avant que tu ne tombe enceinte… Tout était presque tracé, Dieu merci tu as eu ton baccalauréat. Mais Jodelle j’ai bien peur que tes études s’arrêtent là. Et il va falloir après une année de repos qu’on va t’accorder, trouver un moyen de faire une activité et amortir les charges pour ton bébé.

Je ne sais quoi dire, quoi même penser!! Je m’attendais à tout, mais celle-là je ne l’avais pas vu venir et sincèrement je ne peux m’en vouloir qu’à moi même. Ce qu’il reste à faire c’est subir et affronter le fruit de mon irresponsabilité… Même si c’est douloureux ? Même si ça l’est ???

Moi : D’a… D’accord Tonton.

Même pas une larme. Pourquoi pleurer quand on a la culpabilité qui nous étreint ? On n’a qu’à subir et c’est tout.

À suivre…

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