CHRONIQUE LITTÉRAIRE
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LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 08

__________Gerôme________

Ma mère décroche son portable : Gérôme c’est quoi la nuit ?

Sa voix indique qu’elle dormait depuis des heures déjà et effectivement il se fait tard. Je n’ai pas pu me retenir et j’hésitais jusqu’ici à l’appeler pour lui annoncer la nouvelle tout de suite.

Moi : Tu dormais déjà ?

Maman : À ton avis Mr, il est 22h passé ou là bas à Yaoundé on n’a pas la même heure.

Moi : Non, c’est juste que je viens de rentrer du travail et j’ai pensé à toi. C’est vrai que je n’ai pas prêté attention à l’heure, bon retourne te coucher.

Maman : J’espère que tu vas bien quand même.

Je rigole : Plus bien que jamais Maman, ne t’inquiètes pas. Mais j’avais une doléance.

Maman : Laquelle ?

Moi : Tu crois que c’est possible qu’à la fin de cette semaine tu te rendes ici ? J’ai une petite nouvelle à t’annoncer.

Maman : Le genre de nouvelle qu’on n’annonce pas au téléphone non!? C’est quoi ce jeu Gérôme ? Je n’aime pas le suspense et ça tu le sais.

Moi : C’est en trait avec mon travail si tu veux tout savoir, et j’ai eu une promotion… Une grosse.

Maman avec une voix vive : Dis moi !!!

Moi : C’est vrai que je ne suis pas encore établi, c’est justement pour cette raison que je voulais que tu viennes ici à la fin de la semaine pour assister à ma décoration. Ça sera tout un évènement avec la nourriture et tout ce qui va avec.

Maman : Gérôme, tu comble mon cœur en parlant ainsi. Je vais faire l’effort de me libérer et j’y serai avant même le jour j.

Moi : D’accord et tu pourrais venir avec Jodelle ? Ne lui dit rien. Je vais t’envoyer de l’argent pour que tu lui fasses un beau pagne ou n’importe quoi… Si elle te demande, tu lui diras juste que c’est une surprise.

Maman : C’est entendu !!

Moi : Bon, je dois te laisser pour rentrer. À demain Maman…

Maman : Dors bien mon trésor !

Je gambade sur le trottoir tel un petit enfant en chantonnant, tenant dans la main gauche une bouteille de vin bordeaux de vil prix que j’ai acheté quelques heures avant. La joie me fait tressaillir.
Tout d’un coup, je m’arrête après avoir aperçu au loin une silhouette immobile et assez irrégulière. On dirait une femme ayant le dos tourné, dans cet endroit aussi dangereux c’est peu courant. J’arrête mon jubilé et je m’approche de la personne avec méfiance et curiosité.

Moi : S’il vous plaît ?

Rien ne change. Elle garde la même position. Cette fois je suis inquiet et surtout très confus, ne sachant quoi faire. Dans ce genre d’endroit tout peut arriver ; je suis en danger autant que cette personne qui certainement s’est fait droguée ou… Bref j’avance en tenant fermement ma bouteille dans la main. J’interpelle pour une deuxième fois.

Moi : Siouplait éeeeh!

Elle se retourne enfin. Comme je l’avais prédit, c’est une jeune dame, pas très petite de taille et plutôt élancé pour son gabarit. Elle me regarde comme si elle s’était perdu et que c’est à se moment qu’elle essayait de se ressaisir. Je baisse ma garde et fait un pas en avant.

Moi : Tu t’es perdu apparemment, tu viens d’où ?

Elle murmure sous ses dents : Escaliers

Moi : Loin là bas ? Et tu fais quoi loin ici ? Tu sais au moins là où tu es??

Elle fait non de la tête. Je soupire et m’approche d’elle…

Moi : Viens, je vais t’aider à prendre un taxi.

En un laps de temps, la pauvre petite débridée qui jusqu’ici jouait la victime se transforme soudain en véritable louve!! Un petit couteau sous ma gorge, elle me tient immobile. Son ton change tout d’un coup et vire au rude!!

Elle : Si tu fais « nikk » je vais ouvrir ta gorge ici !!

Même si j’en ai envie, je ne résiste pas. Son couteau est trop prêt de ma gorge et elle semble savoir assez bien le manier. En même temps je me dis, sur moi je n’ai pas plus de 5000f et à part mon téléphone que je comptais même changer, je n’ai aucun objet de valeur en tant que tel… Donc même si je me fais rapiécé, je perds quoi? Je suis toujours détendu, je ne dis rien !! Je regarde juste la petite qui me toise en essayant de m’intimider avec son air de dévergondée. Elle crie !!

Elle : LES GARS !!!

Tout à coup, des groupes apparaissent de l’obscurité en part de trois chacun. Ils sont en tout neuf et semblent bien plus sérieux que celle qui se tient devant moi. Une idée me traverse l’esprit… « Ce sont des bandes organisées ». Ils ont l’habitude d’opérer la nuit pour des raisons qui diffèrent les unes des autres et leur mode d’attaque reste pour la plupart du temps la même. Mettre une « prude » en avant pour attirer le malheureux qui oserait la secourir pour ensuite le dévaliser. Mais là sincèrement ils sont beaucoup plus nombreux que d’habitude. J’ai un mauvais pressentiment. Après le silence, ils se décident enfin à parler.

L’un : La nuit c’est pour les loups, tu ne sais pas ça ?

Moi : Big! Je rentrais moi peace de mon bolloh.

L’autre : Et tu vois la go, au lieu de passer ta route tu bring le système des anges gardiens.

Moi : Je savais même pas ein!? Je croyais que c’était une perisseur aussi dans les mattah, je voulais seulement l’aider.

_ C’est bien. Vide d’abord tes poches… On va causer le reste afta.

Je fais sortir mon portefeuille que je tends à l’un d’entre eux. Il prend et fouille… Fait sortir les 4000f et jette le portefeuille au sol. Ils m’examinent encore.

_ Donc tu veux dire que tu n’as pas de ssé ? Tu appelles seument avec la torche ?

Je fais sortir mon portable et je donne.

_ Tu partais toi boire le vin… C’est quelle bouteille ?

Moi : Cantelou.

_ C’est toi qui know les siah ways… Balance ça ici ( en rigolant).

Je leur donne la bouteille. Enfin il fait signe à la fille de garder son couteau, je reprends mon souffle. Ils me laissent et s’éloignent avec mes affaires. Au moins ils ne m’ont pas déshabillés.
Ces gens chez nous on les appelle les maraudeurs, les malfrats ou encore des microbes. Ils pivotent dans un secteur en bande la nuit et même en journée dans les coins reculés en espérant trouver quelqu’un agresser. Très souvent ça dégénère, pour ceux qui ne savent pas s’y prendre ou juste quand ils sont de mauvaise humeur… Moi cette fois j’ai eu de la chance. Il ne reste plus qu’à reconduire mes puces, mes comptes et m’acheter un nouveau téléphone.

Ce matin même je m’en vais chercher Jodelle et ma mère à la gare routière. Les embouteillages m’ont un peu pardonnés à l’aller mais je crains qu’au retour avec l’affluence qu’il y a en journée, les choses soient plus difficiles. Léo, un pote à moi m’a accompagné.
Nous arrivons et je les voit en premier, assises sur le banc avec leurs bagages aux pieds. Jodelle toujours un peu perdue… J’avance vers elles.

Moi : Ma’aan.

Ma mère se jette sur mon cou et m’embrasse de toutes ses forces, Jodelle à son tour ne me lâche pas. Je leur présente Léo.

Moi : Vous êtes arrivés à quelles heures ?

Jodelle : Aux environs de 5h. On a roulé toute la nuit.

Moi : Vous devez être bien fatiguées. Je vais vous trouvez un endroit où dormir. C’est vrai que j’avais prévu qu’on s’asseye quelque part pour manger quelque chose avant de rentrer à la maison, mais c’est mieux que vous vous reposez d’abord.

Maman : Même comme tu étais complètement injoignable au courant de cette semaine.

Moi : Mais je t’ai dit que je me suis fait agressé non !? J’ai reconduit ma puce juste avant-hier. C’est mieux qu’on y aille maintenant avant que la route ne se bloque complètement. Je vous aide à transporter vos bagages…

Sophia est venue elle aussi, mais depuis la petite semble intimidée par le nouvel environnement et surtout la taille de la ville. Je la rassure en lui disant quelques mots gentils.

Maman : Nous on va aller chez Tante Hortense… Si tu veux, tu peux emmener Jodelle chez toi pendant ce temps. On va se retrouver plus tard. Je vais même profiter pour laisser Sophia pour ses congés, après la cérémonie.

Moi : C’est une bonne idée.

Jodelle : Mais quelle cérémonie ? Pourquoi vous ne voulez rien me dire depuis tout à l’heure ? À quoi vous jouez ??

Moi : Quand tu devras le savoir, tu le sauras. Arrête de poser des questions.

… Enfin la soirée. Je suis deux fois plus stressé que les fois où je dois servir à l’occasion de grandes cérémonies. C’est comme si c’était mon mariage. Je suis habillé en costume trois pièces et une montre Rolex Daytona au poignet. J’ai l’impression de transpirer de l’intérieur et j’ignore quoi dire devant cette petite foule qui m’attend. C’est le plus beau jour de ma vie… Je suis encore assis aux côtés de ma mère et Jodelle qui elle ne se doute de rien. Mme Evelyne fait les introductions progressivement. Je fais un tour du regard dans la vaste salle luxueuse en essayant de me convaincre que ce n’est pas un rêve. Je serai bel et bien le gérant de cet établissement, le manager !!

Mme Evelyne : Je vous demande enfin d’accueillir sous vos ovations le nouveau manager du restaurant « L’espadon ».

Jodelle ouvre les yeux : Quoi?? Bébé quoi!!!!

Je lui sourit et je me lève avec galanterie, fixant mon le col de ma veste. J’avance à grand pas sur la petite estrade où se tient Mme Evelyne… Elle me sourit et me donne le micro. Je prends un moment pour savourer les applaudissements. Je regarde ma mère qui s’affole de joie, Jodelle prise d’émotions, je lui fais un clin d’œil et je me lance.

À suivre…

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