CHRONIQUE LITTÉRAIRE

LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 20

___________Gérôme__________

Nous nous retrouvons tous les deux dehors. Comparé à l’intérieur, c’est mille fois mieux que de se retrouver ici ; l’air y est beaucoup plus frais et abondant. Je me concentre surtout sur mes pensées qui sont tournés vers les clichés de ces images de Jodelle et cet homme à l’intérieur. Qui peut-il bien être ??

Anna : À un moment donné j’ai cru que tu ne viendrais jamais.

Moi : Et pourquoi ?

Anna rit : Et c’est toi qui me pose cette question. Tu es tellement imprévisible Gérôme et vu que tu as traîné, je commençais à perdre espoir.

Moi : Donc en gros tu m’attendais.

Anna : On va dire ça comme ça… Viens avec moi.

Nous quittons le balcon pour descendre sur la pelouse mouillée par les gouttelettes d’eau de pluie tombée il y a très peu. Je sens ma chaussure se mouiller et le cirage s’effacer.
Elle est juste devant moi et n’arrête pas d’avancer en se dirigeant vers une sorte de pièce d’extérieur faite de trois piliers seulement avec un cloison pour séparer en deux. La voûte est faite de plantes factices et au parfum fort… Nous nous retrouvons comme sur une sorte de terrasse au sol pavé. Deux sièges pliables se dressent tout au centre de façon à ce qu’en s’asseyant on puisse regarder au dessus et voir les étoiles un peu cachés par la voûte.

Moi : Un endroit secret ?

Anna : C’est surtout ici que j’aime venir quand j’ai besoin de me concentrer, de réfléchir ou juste de compter mes peines.

Je rigole : Moi qui croyais qu’avec l’argent on avait plus aucune peine… Faut donc dire qu’en effet l’homme n’est jamais satisfait.

Anna : Si tu pouvais savoir à quel point l’argent est limité. L’argent ne va jamais te donner quelqu’un en qui tu peux faire confiance ou qui saura t’aimer comme il le faut.

Elle me regarde avec profondeur. Je l’évite et je regarde ailleurs… Sur la terrasse c’est possible de voir une bonne partie de la ville, comme si la propriété toute entière la surplombait.

Moi : La vue est plutôt belle par ici…

Anna : Gérôme. En fait quand j’y pense tu ne m’as jamais parlé de la femme que tu aimes.

Moi : Qu’est-ce que je te dirais de spécial ?

Anna : Je n’en sais rien, Peut-être une description… Tiens tu n’aurais pas une photo d’elle dans ton portable par hasard ??

Moi : Pourquoi depuis on ne fait que parler de moi ? Comme si en fait tout tournait autour de moi… Pourtant toi aussi tu as une vie et certainement un homme qui te rend heureuse.

Anna ricane dramatiquement comme si je venais de dire quelque chose d’absurde. J’ai peut-être percé l’abcès ou je me suis trompé à son sujet.
Elle ne dit rien et se plaît plutôt à regarder la ville qui nage sous nos pieds. Le reflet des lumières de nuit scintillent dans ses yeux qui brillent tels des pierres précieuses. Ses yeux larmoient… Puis d’un coup de paume elle les essuie et reprend son faux sourire.

Anna se tourne vers moi : Comment tu définirais l’amour ?? Toi.

Moi : Eeeu… Un sentiment qui… Bref j’en sais rien.

Anna : Effectivement parce que c’est quelque de tellement difficile à expliquer qu’il est presque impossible. C’est pour cette raison que la plupart du temps les gens confondent la passion, l’attirance à l’amour.

Nous sommes maintenant tous les deux assis, pas très loin l’un de l’autre. Mais c’est tellement silencieux que le bruit de la fête à l’intérieur, bien qu’étant loin donne l’impression d’être tout près. Anna n’a pas détourné son regard du vide et, curieux, je profite de cette occasion pour la regarder. J’ignore ce que j’espère voir en elle… Elle a raison tout à fait et je me demande ce qui a pu lui inspirer une telle définition, serait-ce son expérience à elle ou juste…

Anna renchérit : J’ai aimé un homme ( elle sourit tristement en le disant )… Un garçon. Il avait tout ce que je demandais et c’était l’idéal pour moi. Lui aussi il m’aimait, d’après ce qu’il me faisait comprendre. Mais au final la vérité m’a rattrapé de la façon la plus brutale quand il a fini par me dire la vérité… Il n’avait jamais été amoureux de moi, c’était juste mon corps et mon comportement qui l’attiraient.

Anna me regarde, les yeux encore plus pleins de larmes et rigole.

Anna : Tu te rends compte ? Que ce n’était que mon corps et mon comportement… Après cette nouvelle je croyais que tout devait s’arrêter pour moi côté sentiments, que j’allais me renfermer. Mais quelques temps après je rencontrais un autre qui au départ se montrait toujours autant présent et soucieux pour moi, tout ce dont j’avais besoin c’était d’amour et lui il m’en donnait tellement… Un peu trop je dirais. Cette fois là je n’avais rien vu venir, je n’avais pas contrôler les aiguilles de mes sentiments mais un jour tout à coup je me rendis compte que c’était fini !!! Je n’éprouvais plus rien pour lui, je n’étais plus sensible à ses mots, son affection devenait agaçante pour moi. Je m’en voulais beaucoup pour cela et j’avais l’impression d’être un monstre, mais à la fin on finit par comprendre que la chose la plus imprévisible et la plus ingrate c’est les sentiments… Tu te promets de vivre pour le restant de tes jours avec une personne, mais le moment d’après tu ne veux même plus la voir.

Moi : C’est vrai… Mais le plus important c’est d’être honnête avec ses sentiments et la personne qu’on arrête d’aimer. Il est mieux de souffrir brutalement d’une vérité qui écorche que de vivre dans une relation unidirectionnelle qui te tue à petit feu jusqu’à ce qu’en la perdant tu te perds toi même.

Anna : Personne n’aime souffrir Gérôme. C’est ça le but du game, même en relation personne ne veut sortir perdant… C’est mieux de faire souffrir l’autre que d’être la personne qui souffre. Je sais que c’est égoïste de penser ainsi mais tu sais que j’ai raison. Une fois que tu te sens emporté par la relation et que tu découvres que tu ne peux plus te passer de l’autre, tu deviens malheureux et tu vis dans la peur d’être délaissé…

Moi : Faut-il donc se décider à ne plus aimer? C’est un paramètre impossible… Puisque le cœur fait ses choix sans prendre conseil au cerveau. Le nécessaire c’est juste de vivre la relation tout en sachant que soit ça va finir ou ça va mal finir.

Anna : Et le fait de se battre alors pour garder la relation ??

Moi : Je pense qu’il est impossible de se battre seul et surtout sans arme Anna… Si la personne que tu aimes ne veut plus être avec toi, même si tu refuses de l’avouer au fond de toi tu auras des soupçons et ton intuition sera ton guide. Si la confiance et le respect s’en vont, les sentiments foutent le camp.

Anna : Tu parle comme quelqu’un qui déteste aimer.

Moi : Si ça ne dépendait que de moi, je mettrai mes sentiments de côté pour me concentrer sur l’argent, Dieu, ma famille et mes plaisirs à moi. Mais il y a toujours ce foutu moment où tes sentiments se jouent de toi.

Anna rit : C’est vrai que la profondeur de la peine fait oublier tous les moments de plaisirs et de joies partagés… C’est tellement vicieux à la fin. Mais il faut en profiter autant que faire se peut.

Nous restons encore dans le silence. Je regarde devant moi et j’ai l’impression que Anna m’observe…

Anna : C’est fou à quel point tu peux être profond. Je n’ai jamais eu une conversation pareille avec qui que ce soit… Je me rends compte d’à quel point je t’avais mal jugé.

Moi : J’avoue que moi aussi.

Nous nous regardons tous les deux à tout hasard quand par inadvertance nos regards se croisent. Ce que j’évitais depuis le début… Je ressens cette chose interdite et inexplicable qui me brûle de l’intérieur, le feu de l’action, la curiosité de l’interdit. Je peux voir cette même flamme consumer le regard désespéré de Anna qui quitte son siège pour se rapprocher de moi.
Sans comprendre comment, elle est assise sur mes pieds et me tient les épaules en me fixant profondément avec sensualité et sincérité sans cligner des yeux. Nous communiquons mais sans se parler.

Elle se rapproche tout doucement de moi en fermant progressivement ses yeux, l’odeur mentholée de son haleine fraîche m’attire et je peux ressentir la chaleur de son souffle, presque les battements de son cœur. Le dilemme me torture et pour une première fois je ne sais quoi faire. C’est comme si je pesais Jodelle et Anna sur une balance et que pendant le temps de cet instant Anna pesait plus… Je la regarde s’approcher en déplaçant ses bras pour s’accrocher à ma nuque. Je ne peux pas… Je ne vais pas… Je ne vais pas faire ça !!! Ma décision ne tient qu’aux quelques secondes qu’il reste pour que ses lèvres s’écrasent contre les miennes et que je me trouve emporté par ce brûlant désir. Mais Jodelle… Gérôme Jodelle !!!

Je me ressaisi : Non!! Je ne peux pas faire ça…

Anna s’arrête : Tu…

Moi : J’ai une copine Anna. Je l’aime et nous avons un enfant, je ne peux pas faire ça !! J’avoue que je suis tenté et tout m’attire… Mais je ne peux pas.

Anna se retire et descend lentement de mes cuisses pour se tenir debout. Je me lève aussi et je m’éloigne un peu d’elle. Le malaise entre nous est énorme… Au point où tous les deux nous essayons à la fois de nous excuser.

Anna : Non. Je crois que c’est moi qui ai poussé le bouchon un peu trop loin… Pardonne moi Gérôme.

Quelqu’un arrive vers nous en venant par la pelouse. Dans l’obscurité j’arrive à remarqué la silhouette de Jodelle qui s’approche à grands pas.

Jodelle : Ah vous êtes là… Anna je t’ai cherché partout.

Anna : À quel sujet ??

Jodelle : Ta mère te demande pour la coupure du gâteau. Je n’aurai jamais espéré vous trouver ici tous les deux… Ce sont les gens là bas qui m’ont indiqué où vous étiez.

Anna : D’accord merci, j’y vais. À tout à l’heure Gérôme ( elle me touche l’épaule et s’en va ).

Jodelle me fusille du regard. Elle me toise et monte me trouver…

Jodelle : Vous vous êtes bien amusés j’espère.

Anna de loin : Jodelle tu viens ???

Jodelle à Anna : J’arrive… ( À moi ) Je crois qu’on a des choses à tirer au clair toi et moi Mr le tombeur.

Elles s’en vont avant que je ne m’effondre sur le siège pour expirer.

À suivre…

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