CHRONIQUE LITTÉRAIRE – LA PORTE DES ENFERS : chapitre 01 (la genèse)

Le plancher vétuste de l’appartement s’écrase sous le poids d’une présence invisible qui se traîne dans l’obscurité opaque. L’odeur nauséabonde du soufre et de la chaux gagne toute la pièce.

Un craquement subite se fait parvenir depuis le fond du placard entrouvert. Le bruit a réveillé Elda, par instinct cette dernière appuie sur le bouton d’allumage de sa lampe de chevet.

_ Qui va là ? Demande t’elle avec souciance et espérance que ce ne soit qu’une bestiole rongeuse traînant dans le coin.

Aucune réponse. Seulement le bruit du vent qui fait voler les rideaux de la fenêtre principale de la chambre. Elle aurait pourtant juré d’avoir fermé cette fenêtre avant d’aller dormir. La brise nocturne fait souffler dans la chambre un air frigorifique qui glace jusqu’aux os. N’en pouvant plus, Elda descend du lit et dans la pénombre fouille ses claquettes sur le sol, mais juste en dessous du lit… Des yeux rouges pourpres aux prunelles écarlates la regardent.

Enfin la fenêtre fermée, elle repart se coucher et éteint sa lampe avant de se retourner dans sa couverture.

Mais tout d’un coup !! La couverture saute d’elle en se tirant tout d’un coup vers le bas comme si quelqu’un l’avait saisi de force pour la lui enlever. Effrayée, Elda bondit sur ses fesses et allume à nouveau sa lampe. Mais cette dernière s’éteint en un trait en laissant place à une ombre terrifiante… Encore ni l’odeur du soufre ne s’est envolé, ni celui de la chaux. Avant que Elda n’ait le temps de réaliser de ce qui vient de survenir, la fenêtre une fois de plus s’ouvre brusquement et avec tellement d’énergie qu’elle se fracasse contre le mur et éclate en morceaux. Le vent souffle plus fort et les rideaux volent pour se coller sur une forme invisible et dessinant ses traits dans l’obscurité !! La terreur au ventre, Elda se recroqueville sur elle même, impuissante et terrorisée.

Une main touche son dos, une main fade et humide. Elle se retourne tout doucement pour atténuer la terreur de ce qu’elle s’apprête à voir ! Mais ce qu’elle découvre lui fait pousser un cri lugubre et surhumain qu’on aurait pu écouter 40 kilomètres à la ronde. La créature est ainsi décrite ; tête quasiment chauve et quelques grains de longs cheveux anthracites, visage extrêmement raviné et fondue comme s’il avait été brûlé par de l’acide, les yeux louchants de la créature ne sont pas en place sur son visage difforme, car un plus au dessus de l’autre donne l’impression à la jeune femme d’être face à une succube. Son sourire, le pire de tous! Des insectes de tout genre sillonnant l’intérieur de sa bouche pour se déverser sur son vêtement en lambeaux. De sa bouche dégouline une substance comme la glaire cervicale et aussi visqueuse que de la morve.

_ Aide moi je t’en prie ! Murmure-elle diaboliquement avec ses quatre voix chacune aussi terrifiantes que les autres.

Sans aucune forme de procès, le démon se jette sur la jeune femme et lui ouvre effroyablement la bouche pour ensuite y enfoncer sa langue fourchue et affreusement longue. Les cris de Elda sont sans objet pendant que la dame épouvantable rapetisse pour se glisser dans la bouche de la jeune femme…

« Tic tic tic tic!!! »

Elda bondit de son lit par le bruit du réveil. La tête toute défaite et les yeux mouillés. Elle regarde autour d’elle, aucune femme démon elle ne voit, à la place, juste une lueur forte de soleil s’introduisant dans sa chambre par la fenêtre principale et l’odeur parfumée de son eau de Cologne à la place du soufre et de la chaux. « C’était encore un cauchemar !! » Se dit-elle tout au fond d’elle même. Ce genre de cauchemar elle en fait tellement ces derniers jours.

Mais la journée beaucoup trop chargée qui l’attend ne laisse aucun recours aux réflexions trop traînantes, après tout, tout le monde fait des cauchemars. Quoi au programme ?? Visite chez le dentiste, rendez-vous chez la psychologue, travail sur un exposé au boulot, dîner avec Éliot au restaurant et pour terminer la journée, visite médicale pour son début de surmenage qui sans doute est la raison de tous ces cauchemar.

À la douche, en brossant ses dents face au miroir Elda essaie de retracer les faits et revoir ce qui lui est arrivé cette nuit encore. Touchant son ventre pour « on ne sait jamais  » sentir ce dépôt démoniaque fait par la dame épouvantable… Mais bon !! Il ne faut plus y penser, la journée s’annonce longue.

★. ★

_ Je m’excuse vraiment vraiment pour le décalage Mme Hawkins. J’ai eu des contretemps.

_ Appelez moi Debby. Réponds la psychologue avec le plus radieux des souris. Éh bien asseyez vous donc.

Elda prend place en la remerciant. C’est sa deuxième scéance ici et c’est son patron qui lui a proposé de faire ces scéances chez la psychologue pour essayer de gérer sa pression actuelle, mais les choses semblent ne pas aller pour le mieux, du moins… Pas pour l’instant.

_ Je dois signer ici ? Pour marquer ma présence ?

_ Bien-sûr Elda. Alors sinon dites moi. Comment va votre journée ? Vous avez bien débuté j’espère.

_ On pourrait dire ouais. Un planning hyper chargé comme d’habitude. Je manque vraiment de temps libre et même qu’en j’en ai juste un tout petit peu… Je m’en dors et sincèrement je ne vous raconte pas le pire, puisqu’il se trouve dans mes cauchemars.

_ Vous faites des cauchemars ? Demande Mme Debbi en prenant note dans un étroit calepin.

_ Comment dire, ça fait près d’une semaine que je fais le même cauchemar. Comme si toutes les nuits j’avais un rendez-vous avec la mort.

_ Vous pouvez me raconter vos cauchemars ?

Sans se faire supplier, Elda débute son lugubre récit qui semble apporter à Mme Debbi tellement d’intérêt. Des démons et puis quoi encore ? Mais la subtilité avec laquelle Elda raconte, illustre très bien à quel point elle ne prend pas toutes ces choses au sérieux. Juste une cause passagère sans doute, peut-être serait-ce la fatigue dont elle est terriblement victime ou alors les films d’horreur qui se refoulent dans sa tête.

_ Vous avez pensé à aller voir un prêtre ou un truc du genre ? Interrompt Mme Debbi en se fronçant nerveusement les sourcils.

_ Non. Pour dire vrai je ne suis pas trop religieuse… Je ne crois pas en ces choses là. Je préfère me baser sur les faits réels et vu que toutes ces choses spirituelles s’expliquent par la science, je préfère croire en la science.

_ Détrompez-vous ma chère, il existe bien des choses invisibles à la science et à ses microscopes… Si tout s’expliquait par la science, les rêves ne resteraient pas les plus gros des mystères.

_ Bref, c’est vous la psy… Qu’est-ce que vous me proposez pour y remédier.

_ Sincèrement, un moment de relaxation. Loin de tout ce bruit de la civilisation moderne, loin de votre travail aussi… Vous avez besoin de repos.

_ Ah ça non!! Si j’arrête de travailler je suis morte. Vous pouvez par ailleurs me faire d’autres propositions ou me proposer des médicaments

_ Malheureusement, le corps humain a ses limites. Et très souvent il a besoin de se ressourcer dans un endroit sain pour récupérer ses capacités… Vous êtes entrain de dépérir Mademoiselle Rimm. Pensez-y. Je peux envoyer une demande d’approbation à votre bureau pour vous accorder une période de vacances avec salaire courant, si vous voulez.

_ Le gros souci c’est que j’ignore où je pourrais aller. Je n’ai jamais pensé à quitter cette ville.

_ Qui a parlé de ville ? Vous pouvez aller le plus loin possible, dans un pays africain par exemple ou un pays exotique où les bruits sont moindres… Éloignez vous au max de cet enfer. Je vous enverrai des propositions via votre mail.

_ Je ne saurais comment vous remercier !!

_ C’est mon travail… Je vous en prie.

***. ****

Le même soir, comme d’habitude Elda appelle sa mère.

_ Elda… Ta psychologue a raison. Il te faut vraiment un moment à toi même.

_ Maman, ce dont j’ai besoin c’est une réduction d’heures de travail temporaire… Je ne peux pas me permettre d’arrêter de travailler.

_ La il s’agit de ta santé émotionnelle et mentale ma chérie. Ne vis pas dans le déni. Comment tu vas faire quand tu auras un enfant et qu’il faudra du temps pour lui?

_ Ah merde… Mon cauchemar Oui !! Je préfère pas y penser. Je préfère pas du tout.

_ Alors pourquoi tu te mets en couple jeune femme ?

Une notification tinte sur le portable de Elda. Elle le check et découvre le mail de Mme Debbi, une liste de pays à visiter avec leurs avantages et un message juste en bas « fais toi plaisir « .

_ Je viens de recevoir une liste de pays à visiter envoyé par ma psy Maman, on dirait que vous êtes toutes les deux engagées contre moi…

_ C’est parce qu’on sait toutes les deux que c’est nécessaire pour ton équilibre.

_ Venise, Maldives, îles réunions, Vérone, Marrakech, assinie… Mais il y en a toute une pléthore là sous mes yeux. Comment faire le choix ?

_ À toi de voir. Tu peux te renseigner sur internet et comme tu aimes beaucoup bosser, tu fais juste une liste des avantages et inconvénients.

_ Je vais essayer de…

Un bruit vers l’étalage attire l’attention de Elda. Elle s’avance pour regarder vers le couloir qui n’est pas éclairé… Un chat? Elle a horreur des chats et surtout très sensible et allergique à leurs poils. Mais le bruit était bien plus lourd pour être celui d’un chat.

_ Il y a un problème ma chérie ?

_ Il faut que je te laisse Maman, j’ai l’impression qu’il y a une bestiole chez moi.

_ D’accord trésor et surtout ferme bien toutes tes portes.

Elda raccroche le téléphone et le dépose sur la paillasse. Elle est nu pied et seulement son long t-shirt star Wars lui sert de vêtement, sans soutien gorge, on peut voir à travers son vêtement ses tétons pointus pendre et osciller à chaque pas qu’elle exécute. De temps en temps elle écarte de ses yeux ses cheveux bouclés qui lui cachent la vue.

_ Il y a quelqu’un ? Interroge t’elle avec souci et un peu de frousse.

Mais aucune réponse. Autant mieux prendre une arme pour se défendre. Elda prend derrière la porte de sa cuisine la tige de sa serpillère et allume au couloir qui mène directement vers l’entrée… Tenant l’objet devant elle, elle avance lentement en se demandant ce qui pourrait advenir. Pourvu que ce soit un rat ou au pire un chat!! Se dit-elle avec espoir tout au fond d’elle même. Toujours aucune réponse à ses demandes. Elle avance finalement jusqu’à se trouver devant la porte d’entrée, celle-ci est bien fermée… Elda se détend enfin et dépose son arme.

_ Saleté d’imagination… Il me faut vraiment des vacances.

Prête à retourner à la cuisine pour continuer sa besogne…

_ WOOOU!!!

La jeune mulâtre sursaute en poussant un cri sourd!! Ses yeux tellement ouverts qu’on croirait sortir de l’orbite se heurtent sur la silhouette élancée de cet homme… Eliott son petit ami qui s’esclaffe tout à coup en se tordant de rire face à la scène ridicule. Elda elle, encore sous le choc ne dit rien. Ses yeux toujours grands ouverts, elle fixe le machiavélique qui conspirait pour la faire mourir d’arrêt cardiaque.

_ Tu es sérieux là !!! Gronde Elda avec toute la gravité possible.

_ Allons bébé, c’était juste pour s’amuser.

_ S’amuser ? Tu t’immisce sans prévenir dans la maison d’une femme qui vit seule, tu fais ton fantôme et tu l’effraie pour ensuite dire que c’était juste pour s’amuser ? Éh bien moi ça ne m’a pas fait rire du tout !

_ Je croyais que tu ne croyais pas aux fantômes. Renchérit Eliott avec un sourire cynique.

Elda lui donne un coup à la poitrine avant de s’en aller toute furieuse. Eliott la suit en la suppliant d’oublier le mauvais incident et essaye de la calmer. Finalement, par quelque alchimie il y parvient.

_ Je ne t’attendais pas.

_ On avait prévu se voir ce soir tu te rappelles ? Comme ton téléphone ne passait pas je me suis dit certainement que tu étais occupée donc j’ai préféré venir moi même chez toi. Et pire encore je savais que tellement tu avais courru pendant la journée que tu n’as pas eu du temps pour manger. Il le dit en présentant deux sacs de plastiques supermarché.

_ Qu’est-ce que c’est ? Demande Elda les yeux scintillant. Tu es un ange mon amour !!

_ Aujourd’hui c’est poulet rôti et vin bordeaux Mme… Il faut quand même bien mangé l’argent qu’on travaille. Et en plus j’ai gagné ce putain de contrat.

Elda se jette sur les épaules de son petit ami et se met à l’embrasser.

_ Bravo. Mais tu sais ce dont j’ai besoin présentement ?

_ Non dis moi.

_ C’est que tu me fasses l’amour comme un taureau et que tu me fasses crier deux fois plus que tout à l’heure. J’ai hyper envie de toi Mr Eliott Ed.

_ Vos désirs sont des ordres M’dame.

Les deux se traînent tout au long de la maison en s’embrassant fougueusement dans une danse sexuelle endiablée, laissant leurs vêtements sur le passage et se dirigeant vers la chambre… Quelques minutes plus tard déjà on peut écouter les forts gémissements de plaisir de Elda qui retentissent jusqu’aux infinis.

_ Oui!! Oui!! Ouiii!!! Aaaaaannnh!!!!…

À suivre…