« Le dénouement devait surgir de nul part, au moment même où je m’attendais le moins c’est là où tout allait commencer à chambouler. Dès mon retour à Yaoundé, ma mère m’avait donné un tas de conseil sur la conduite à tenir une fois que j’y serai. Je savais tout de ce qu’elle me disait, je savais qu’il fallait éviter les garçons, faire ses prières régulièrement, lire le Coran et rester loin du péché. Mais j’étais jeune, jeune curieuse et surtout très ambitieuse. À ce moment la seule chose qui me passait par la tête était de trouver un moyen de faire grandir ma communauté sur les réseaux et acquérir une formation plus professionnelle. J’en fis part à Max qui trouvait l’idée raisonnable.»
Nous sommes tous les deux cette fois dans son véhicule et déjà je m’apprête à sortir pour rentrer chez moi. Nous avons évaluation demain et je me dois de réviser.
Max : En fait Jenevah… Pour ta formation dont tu parlais ?
_ Oui?
Max : Est-ce que tu as déjà trouvé un centre de formation où tu pourrais obtenir un diplôme de styliste ? Ou pourquoi pas juste faire une école professionnelle pour ça ? Ça saute aux yeux que c’est un truc pour toi.
_ J’aimerais bien tu vois !? Mais mes parents ne seront jamais d’accord de voir leur fille évoluer dans ce domaine, en plus tellement ça sera coûteux je ne crois pas qu’ils aient les moyens nécessaires pour cela.
Max : Je vois… Par contre tu pourrais faire un stage dans l’une des entreprises de mon père si tu veux.
_ Ton père ? Il a aussi des entreprises ?
Max : Des salons de haute couture, salon de coiffure, de cosmétiques et de stylisme.
_ Ça alors, il faut dire qu’il a ça dans la peau. Par contre je n’en sais trop rien. C’est beaucoup trop lui demander non!? Puisque les stages sont payants.
Max : C’est moi qui te fait la proposition Jenevah… Je suis sûr que ça lui ferait plaisir de te former. Imagine dans le futur tu crées ton propre label. Je crois que le nom « Jenevah » c’est déjà assez classe.
« Sa proposition était extrêmement alléchante et face à ce genre d’opportunités je ne pouvais pas dire non. Les conditions de formation étaient assez simples et s’étendaient sur deux à trois mois dépendant de la filière. Mr Gradel n’hésita pas à me donner un pass VIP de formation. Pour moi c’était trop demander, mais à les voir j’avais l’impression que pour eux c’était un énorme plaisir. J’avais demandé la permission de finir avec mes contrôles continus au préalable avant d’établir un programme d’études et de formation.»
Mr Gradel : Il n’y a pas de problème. Mais je te conseillerais de beaucoup plus miser sur les priorités Jenevah. L’université public de nos jours n’est plus ce qu’elle était avant. Et je sais qu’en t’appliquant à cette formation tu pourras être une excellente dans ce domaine, pourquoi ne travaillerais-tu pas même plus tard avec moi ? On ne sait jamais… Je veux te voir évoluer et être la femme dont tu as toujours rêvé.
« Quoi de plus palpitant que ce genre de déclaration encourageante ? Désormais j’étais gonflée à bloc pour attaquer mes deux carrières à la fois.
Le mois qui suivait, je rejoignais la structure « Gradel and Gold ». Mr Gradel avait donné ferme instruction qu’on s’occupe bien de moi et qu’on m’offre la meilleure formation possible. La structure était immense et vraiment luxueuse. Des vêtements de hautes coutures et des tissus authentiques. Pour un début j’étais aux vitrines, ça me permettait de prendre des photos pour mon blog Instagram. De temps en temps les employés me laissaient confectionner quelques tenues. Pour moi c’était comme un rêve.
Les deux premiers mois c’était assez facile d’être partagée entre la formation et mon université, mais avec l’examen de la normale les choses se compliquaient. J’étais extrêmement partagée et surtout très surmenée.»
_ Mr Gradel ? Vous avez une minute s’il vous plaît ?
C’est en rentrant des cours que je suis passé à son bureau pour lui faire part de ma situation. J’ai tellement hésité de le rencontrer, mais la nécessité a été plus grande que la peur. Après deux toc toc il m’a demandé d’entrer.
Mr Gradel sourit : Ah Jenevah… Quel plaisir.
Il était apparemment très occupé sur son ordinateur, donc au final c’était une mauvaise idée de l’importuner.
_ Je crois que je vais repasser plus tard. Vu que vous êtes occupés.
Mr Gradel : Non!! Bien-sûr que non. J’étais juste entrer de fignoler quelques détails de confection sur mon nouvel arrivage. Puisqu’on en parle j’aimerais que tu y jettes un coup d’œil pour me donner ton avis. Vas-y entre !!
J’entre dans le bureau, mon classeur collé contre ma poitrine et ma robe évasée presque tane. Je pousse mes lunettes rondes sur mon nez et je regarde l’écrande l’ordinateur qu’il me présente.
_ C’est un corsage ?
Mr Gradel : Justement… Mais j’hésite un peu sur le bustier. J’ignore s’il doit être…
_ Faites le rond et fin. Dis-je en interrompant Mr Gradel.
Il me regarde avec stupéfaction, peut-être je l’ai choqué.
_ Je m’excuse. Je me suis emportée… C’est juste que ce genre de corsage j’en dessinais tellement dans mes cahiers.
Mr Gradel : Tu ne m’a pas fâché détrompe toi. C’est juste que ton point de vue me sidère… Continue.
À mesure que je parle, je me rends compte que Mr Gradel prête beaucoup plus attention et semble impressionné par ma prestation. Je lui donne quelques détails à ajouter et à retrancher sur le design pour que le vêtement soit beau et pas très encombrant.
Mr Gradel applaudit : Woooow… Tu m’as impressionné. Et dire qu’il y a des talents comme toi dans l’ombre. Je vais faire exactement comme tu as dit et ensemble on verra les résultats.
Je souris : C’est un honneur Mr Gradel.
Mr Gradel : Comme tu t’obstine à toujours m’appeler Mr Gradel… J’espère qu’avec le temps cette habitude cessera. Revenons à toi… Pourquoi tu voulais me voir ?
_ Enfin je… C’était par rapport à mes cours qui me prennent beaucoup de temps, et en plus de ça si je dois ajouter mes heures de formation j’ai bien peur de tout perdre.
Mr Gradel : Qu’est-ce qui compte le plus pour toi Jenevah ?
Cette question !! Je ne sais quoi répondre… Pourtant la réponse elle est simple et palpable.
_ Mon avenir Mr.
Mr Gradel : Et tu crois que c’est en faisant biologie animale dans une université publique que tu atteindra tes rêves ? Je ne dis pas que c’est mauvais de faire des cours… Mais soyons honnêtes dis moi.
_ On ne fait pas toujours ce qu’on veut Mr.
Mr Gradel rigole un moment en me regardant, ça me rend extrêmement mal à l’aise au point où j’en perds les mots.
Mr Gradel : « On ne fait pas toujours ce qu’on veut ». C’est la déclaration d’une personne sans ambition, ce qui n’est pas ton cas très chère. Tu t’obstine à ne pas voir la réalité en face pourtant elle est là… Tu as une opportunité de transformer ta passion en profession. Très peu de jeunes filles de ton âge ont cette chance, pourtant toi tu cherches encore quelle est la vraie voie à suivre ? Réfléchis bien Jenevah… Ne prends pas une décision qui te fera regretter plus tard. Regarde tous tes aînées académiques qui sont soit chômeurs ou juste employés dans des services qui n’ont rien à voir avec leur formation… N’en parlons pas de leurs salaires minables. Voudrais-tu être ce genre de personne ?
_ Non Mr.
Mr Gradel : Alors va chez toi. Prends du temps et réfléchis vraiment sur ce que tu veux pour toi. Parce que ton avenir est entre tes mains et les mains de personne d’autre.
_ D’accord Mr…
Mr Gradel : Très bien… À bientôt.
» En traversant le seuil de cette porte je me retrouvais dans un dilemme sans précédent. Il est impossible de poursuivre deux lièvres à la fois, soit tu attrape un ou alors tu perds les deux. Et là j’étais face à une décision de carrière… J’avais extrêmement besoin d’une tierce personne pour apporter son avis sur le sujet et à ce moment mon seul confident c’était Max »
Max : Je trouve que c’est une bonne idée.
_ Laquelle ? Tu as même écouté ce que j’ai dit depuis là ?
Max : Jenevah tu es une styliste talentueuse, ça tu le sais et on en a déjà parlé tellement de fois. Je ne sais pas quoi ajouter à ce sujet.
_ Le soucis c’est mes parents. Qu’est-ce qu’ils vont penser quand ils sauront que j’ai laissé mes cours pour me concentrer sur une passion.
Max : Ce que les parents demandent au final c’est une situation stable pour leur progéniture. Tu crois que si en optant pour ta passion tu trouves cette stabilité tes parents seront énervés ?
_ Les choses sont beaucoup trop parfaites pour moi… Et ton père il est beaucoup trop gentil et disponible pour m’aider.
Max : Il est comme ça. Et c’est surtout parce que je lui ai parlé de toi Jenevah. Tu dois saisir cette opportunité qui s’offre à toi.
Je regarde Max dans les yeux pour essayer de trouver une résistance quelconque, mais ce dernier n’émet rien. Le souvenir des conseils de ma mère me reviennent en mémoire et ça casse toute l’ambiance… Je me lève.
Max : Qu’est-ce qu’il y a ?
_ J’ai peur que toute cette situation me fasse oublier qui je suis vraiment. En quittant la maison ma mère m’a donné énormément de conseil et j’avais l’impression qu’elle avait une intuition par rapport à toi et à moi.
Max : Tu veux rompre ?
Je soupire : Ce n’est pas ça Max… C’est juste que je suis un peu perdue face à tout ceci.
Max se lève et vient vers moi. Il lève mon visage et me regarde.
Max : Éh!! Pour nos parents on ne peut jamais être parfait et même s’il nous arrive de faire des choses par nous même pour ensuite regretter… C’est important d’essayer et de prendre le risque d’échouer, parce que là au moins tu auras appris. Tu comprends !? Le bon côté c’est que les choses peuvent être positives en fin de compte.
_ Je n’ai jamais connu d’homme Max.
Max s’étonne : Tu ??
_ Je suis vierge. Et je me suis promise de rester ainsi jusqu’à mon mariage. Je ne sais pas jusqu’où peut aboutir cette relation et en faisant du n’importe quoi je serai une déception pour mes parents, je n’ai surtout pas envie de te perdre ton temps.
Max rigole : Qui a dit que j’étais avec toi juste pour le sexe ? On fait comme toi tu veux et on laisse les choses venir avec le temps. D’accord ?
Je hoche la tête.
» J’avais pris ma décision une bonne fois pour toute. Une décision qui allait changer le cours de mon histoire et faire de moi une toute autre personne… J’avais décidé de choisir la voie de mon instinct plutôt que celle de mes parents, et tout ceci à leur insu. »
À suivre…
