CHRONIQUE LITTÉRAIRE
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LA FEMME DE QUELQU’UN : épisode 15

___________Jodelle___________

Gérôme a à peine marmonné quelques mots depuis hier. Moi qui pensais qu’on allait passer toute la nuit à converser, j’ai été désagréablement surprise de son attitude muette. Dieu seul sait à l’heure où il a dormi, juste après avoir mangé mon bouillon de poulet certainement.

Contrairement à lui, toute la nuit je n’ai pas retrouvé le sommeil, l’inquiétude m’a involontairement privé de repos et les questions successives dans ma tête m’ont embrouillées toute la nuit. Mais enfin les premiers chants du coq, nous sommes en période d’équinoxe de l’année, donc les jours sont tout aussi longs que les nuits.

J’ai ma même position assise dans l’obscurité le moment où Gérôme se réveille progressivement en balbutiant des mots insaisissables. Je sens sa main se balader sur ma place, le vide qu’il y trouve le fait sursauter et se tourner vers moi en allumant dans la chambre. L’onde lumineuse beaucoup trop forte m’aveugle et me fait garder les yeux fermés un moment avant de les ouvrir.

Gérôme : Baby mama ? Il y a un souci ?? Ça fait longtemps que tu es réveillée ?

Moi : Disons que toute la nuit je n’ai pas dormi.

Gérôme : Mais pourquoi ? Tu avais pourtant besoin de repos.

Moi : Il faut poser cette question à mes réflexions et d’abord à toi qui depuis un certain moment évolue dans un état d’âme inquiétant.

Gérôme me regarde, il soupire profondément et dans le silence quitte sa couche pour venir s’asseoir près de moi. Mon regard toujours perdu vers une direction indéterminée, je ne réagis pas, j’attends. Je l’écoute respirer près de moi comme s’il étouffait à cause d’un malaise qui le détruisait de l’intérieur. Je sais que rien ne va et si j’insiste sur cela ; c’est pour qu’une bonne fois pour toute on puisse régler cette affaire.

Gérôme : Écoute Jodelle…

Je le regarde, surtout pour savoir si ce qu’il s’apprête à me dire est la vérité ou juste un supplément pour faire dissiper la brume qui nous encombre. Il perd de son élan tout d’un coup et se tait comme si je venais de l’interdire de prononcer le moindre mot. Je savais qu’il s’apprêtait à me mentir, cela s’est vérifié.

Gérôme reprend : Je… En fait… Je ne sais pas ce qui m’arrive ces derniers temps, pour être sincère.

Moi avec insistance : C’est moi ?? Est-ce que le problème vient de moi Gérôme ? Si c’est le cas, s’il te plaît soit honnête et qu’on en parle.

Gérôme surgit : Non!! Bien-sûr que non… Je te jure qu’il n’y a aucun rapport avec toi bébé.

Il me prend instantanément les deux mains dans les siennes. Je suis au bord des larmes à cause doute qui s’immisce, mais le fait qu’il tienne mes mains m’apporte une once d’espérance. Son regard sincèrement de surcroît, confirme tout. Je hoche la tête pour acquiescer. Mais j’attends une suite… C’est donc quoi le problème ?

Gérôme : C’est vrai que je suis en partie triste du fait qu’on n’ait pas pu te trouver un boulot au restaurant, mais ce n’est pas la seule raison c’est vrai. En fait depuis que j’ai ce poste au restaurant, des choses étranges se passent autour de moi et les faveurs que m’accordent ma patronne n’ont rien de…

Il parle encore quand son téléphone se met à sonner. Je regarde l’écran et je remarque un certain « Patrick « . Il bondit sur le téléphone.

Gérôme : Je dois prendre l’appel, désolé.

Il décroche et se lève du lit certainement pour trouver un endroit où le réseau est plus présent. Il fait des tours dans la chambre, je le regarde s’agiter en répondant par des « Quoi?? » « D’accord !! » « Calme toi !! J’arrive. »

Finalement il raccroche son portable et s’asseoit sur la chaise, désemparé, tout à coup il bondit sur ses jambes et se dirige vers sa penderie.

Moi : Je peux savoir ce qui se passe ??

Gérôme : Il y a eu un gros souci au magasin, nous avons été cambriolé et les agresseurs ont été appréhendés. Il faut que j’y aille pour faire le constat. C’est mon collègue qui m’appelait.

Moi : Genre, tu y vas maintenant ?? À 4h??

Gérôme : Je n’ai aucune autre option chérie. Dieu seul sait les dégâts de ce que je vais trouver là bas. Meerde !!

Gérôme ne cesse de jurer en s’habillant , tellement il est agité que je n’ose rien lui dire de plus. Son humeur arpre me laisse sans voix.

Moi finalement : Je viens avec toi ?

Gérôme me regarde comme si je venais de lui demander de commettre un meurtre en lui proposant de l’aider à cacher le corps.

Gérôme : Jodelle il se fait trop tôt pour que tu sortes comme ça.

Moi : Et alors ??

Gérôme : Et alors, tu ne t’es même pas reposé cette nuit. Il faut que tu le fasses maintenant. Je n’en ai pas pour toute la journée promis. Aujourd’hui je ne suis pas de service.

Moi : Gérôme… Bref laisse tomber. D’accord c’est compris.

Sans attendre, il se saisit de son sac bandoulière et ouvre la porte. Il sort et ferme derrière lui sans ajouter le moindre mot.

Finalement, après avoir attendu jusqu’à 13h, j’ai décidé de retourner chez moi. La nourriture réchauffée, la chambre rangée, je suis parti. J’ai aussi essayé de contacter Gérôme en vain plusieurs fois de suite sans aucun succès.

Moi : Taxi !!! Chapelle Tekassé… J’ai trois cents francs.

Chauffeur : Tu as les pièces non!?

Moi : Non, c’est dans cinq cents francs.

Chauffeur : Donc c’est moi qui vais te dire que les pièces sont finies au pays ? Tu vas payer cinq cents ou je m’en vais.

Moi : C’est bon. On part …

Dans le taxi, je n’arrête pas de regarder mon téléphone en espérant qu’il sonne ou qu’il vibre. Mais rien.
Cette journée est particulièrement chaude, au point où même dans la voiture la chaleur sévie. Les passagers toujours autant silencieux les uns que les autres, sont concentrés sur leurs téléphones portables pour essayer d’évacuer le stress de la promiscuité.

Mon téléphone sonne !! Enfin… Et c’est lui. Je décroche à la seconde.

Moi : Allô Gérôme.

Gérôme : Je viens d’arriver à la maison et je constate que tu n’y es plus.

Moi : Je t’ai trop attendu. Finalement j’ai décidé de rentrer… Je suis comme ça dans le taxi pour mon quartier. Qu’est-ce qui t’a pris tout ce temps ?

Gérôme : Il fallait faire le constat, se rendre au commissariat… C’était toute une procédure. Je n’ai même pas vu le temps passer.

Moi : On n’a quand même pas fini notre conversation Gérôme. Je ne sais plus le jour où je vais pouvoir venir chez toi, mais…

Gérôme : Laisse. Moi même je vais passer d’ici après demain. On va en parler.

Moi : J’espère seulement que c’est pour bientôt.

Gérôme : T’inquiètes. À plus chérie… Prends soin de toi.

Moi : Toi aussi.

Il raccroche et soudain je me retrouve replongé dans cette humeur maussade que je n’arrive à expliquer. Le taxi se gare à ma destination, je lui donne son argent avant de sortir.

Je suis sur le chemin, déjà prête à entamer la dernière rue avant de me rendre chez moi. Une voiture voiture avance vers moi et se gare juste de façon à presque me bloquer la voie… Je regarde un peu hébétée avant de continuer à marcher en traversant le véhicule.

_ Mademoiselle ??

Ne me doutant de rien, je me retourne par curiosité. Il se trouve que c’est moi qu’on interpelle. En fait c’est un homme qui vient de sortir du véhicule, habillé en bas de chemise et un pantalon en soie. Par politesse je m’arrête. Il s’approche de moi avec une allure qui m’effraye presque. Son sourire bienveillant par contre me rassure.

Lui : Je suis vraiment désolé de vous importuner. Mais j’aimerais savoir… Vous ne serez pas Christelle ?

Étonnée, je fronce les sourcils : Non, désolée vous vous trompez de personne. Je ne connais pas de Christelle.

Lui : Ah d’accord. Mais c’est fou comme vous vous ressemblez toutes les deux.

Je ne dis rien, je m’apprête à traverser la petite flaque d’eau quand le Monsieur poursuit.

Lui : C’est grotesque de ma part, mais… J’aimerais par contre savoir comment tu t’appelles.

Moi : Désolé, ça ne sera pas possible.

Je souris légèrement par politesse pour ne pas me montrer trop désagréable.

Lui en insistant : J’imagine aussi que tu ne veux pas que je te dépose quelque part.

Moi : Non, je n’habite pas très loin… Et s’il vous plaît vous feriez mieux de continuer. Merci.

Il traverse la flaque d’eau et se tient face à moi. Je m’arrête et le fusille du regard. J’ai le temps de remarquer son allure imposante, gracieuse et surtout galante. Son vêtement n’a rien d’extraordinaire, pourtant sur lui on a l’impression qu’elle vaut des milliers. Ce n’est pas mon problème, je m’offusque face à son comportement grossier et déplaisant, mais qu’est-ce que j’y peux ? Les hommes de son genre se croient tellement incontournables et irrésistibles au point où tout leur ai permis.

Moi : Qu’est-ce que vous voulez ??

Lui : Je suis vraiment désolé. Je me suis très mal pris dès le départ… En fait si je me suis arrêté ce n’était pas pour savoir si tu étais Christelle ou pas, c’était juste une technique d’approche.

Moi : Je sais. Je suis au courant…

Lui : Je me sens tellement bête tout à coup. Si tu pouvais savoir à quel point je suis mal à l’aise, mais quelque chose me pousse à insister… En fait j’aimerais vraiment et vraiment te connaître. Au moins ton prénom.

Mais qu’est-ce qu’il est borné celui-là.

Moi : Je croyais pourtant avoir juste précisé à l’instant que cette information ne vous sera pas donné. Je suis vraiment épuisée et je dois rentrer chez moi. Je suis sûre que sur le chemin vous rencontrerez un tas de filles qui voudront faire votre connaissance… Mais là je dois y aller.

Michèle apparaît de nul part, venant de derrière lui. Elle me voit et m’interpelle.

Michèle : Jodelle ?? ( Elle approche et salue l’inconnu )… Bonjour.

Lui : Bonjour. Ah donc c’est ça ton prénom ? Tellement esquis. Comme la personne qui le porte.

Michèle nous regarde en s’étonnant. Je la prend soudain par le bras pour qu’on s’en aille pour échapper à ce psychopathe aux allures de « bel ami ».

Michèle en chemin : C’est qui??

Moi : Tu veux que je te dise quoi ? Je n’en sais rien !! Un fou peut-être.

À suivre…

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